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La gravité de la situation des patients oncologiques au Liban a atteint des niveaux critiques en raison du manque de traitements efficaces ou abordables, mettant ainsi en péril la vie de trente mille patients libanais.

Face à la souffrance croissante des patients atteints de cancer au Liban, il est impératif de pointer du doigt les responsables. Les erreurs fatales commises ne peuvent être imputées qu’à l’État et aux décideurs, qui, par leur inaction et leur mal gérance, ont abandonné ces patients à leur triste sort. Ils doivent assumer les conséquences de ces erreurs commises, car le terme "responsable" ne peut être vidé de son sens originel: la capacité à répondre de ses actes.

Au Liban, chaque fois qu’un responsable, un ministre ou un gouvernement échoue dans la réalisation de ses missions, il s’empresse de s’en laver les mains en rejetant la responsabilité sur le gouvernement précédent, la situation économique précaire, la banque centrale, les opposants politiques… et la liste est loin d’être exhaustive. Mais est-ce ainsi que la gestion des affaires publiques devrait être menée?

Primauté du droit

Certes, nul ne peut nier l’impact du fardeau de la crise économique et financière, mais cela ne devrait pas servir de prétexte systématique à chaque tournant. Dans un État de droit, un dirigeant incapable de gérer avec compétence une situation délicate ou une crise devrait immédiatement céder sa place à une (autre) personne qualifiée. Cette démarche vise à prévenir le recours à des solutions improvisées, souvent en demi-teinte, susceptibles de compromettre la sécurité (parfois vitale) des citoyens. Le Liban ne fait visiblement pas partie de ces pays où la primauté du droit règne en maître.

Au pays du Cèdre, les patients, et notamment ceux atteints de cancer, paient le prix fort en raison de décisions gouvernementales imprudentes, voire irresponsables. Un nombre croissant des patients oncologiques est contraint d’interrompre son traitement ou de se tourner vers des traitements moins efficaces. Pourquoi? Tout simplement parce que le gouvernement avait décidé, faute de financements, de lever les subventions sur la grande majorité des médicaments (y compris ceux contre le cancer), sans mettre en place une politique qui assure la protection des patients les plus vulnérables.

Facteur temps

Quant aux quelques médicaments anticancéreux subventionnés, leur disponibilité sur le marché pose souvent problème. En effet, ils sont soit en rupture de stock, soit en quantité insuffisante, entraînant dans les deux cas des délais substantiels avant la mise à disposition d’un traitement aux patients. Cependant, dans la lutte contre le cancer, le facteur temps revêt une importance capitale, voire cruciale, car les premières phases de la maladie offrent parfois les meilleures perspectives de succès thérapeutique, à condition d’agir rapidement.

Malheureusement, cette nécessité pressante d’une action prompte et efficace ne semble guère être une priorité ou du moins une préoccupation pour le gouvernement libanais. Ce dernier, qui s’appliquait quotidiennement à recenser le nombre de nouveaux cas de Covid-19 (un nombre qui, d’ailleurs, n’a aucune utilité publique, mais épidémiologique), préfère aujourd’hui appliquer la politique de l’autruche, faisant abstraction du nombre de patients atteints de cancer qui perdent la vie faute d’un traitement suffisant ou adéquat.

Pays pauvres

Ces victimes ne sont que la conséquence directe du manque d’engagement de l’État à assurer l’accès aux traitements efficaces. Alors que la recherche scientifique progresse pour guérir des cancers autrefois considérés comme incurables, le gouvernement libanais semble régresser dans ses efforts de lutte contre cette maladie. En dépit de l’effervescence stérile et des promesses du ministère de la Santé, les efforts déployés se révèlent insuffisants pour contenir la tragédie qui sévit dans ce secteur.

Dans les pays occidentaux, la médecine personnalisée, dite de précision, comme la thérapie génique, longtemps perçue comme relevant du domaine de la science-fiction, évolue progressivement pour devenir la médecine dominante du vingt-et-unième siècle, révolutionnant ainsi les traitements oncologiques. Cette avancée majeure a été particulièrement notable avec l’approbation de thérapies anticancéreuses impliquant des cellules immunitaires ou des virus (dits oncolytiques) modifiés génétiquement.

Au Liban, la situation actuelle est plutôt sombre. Ce pays, qui a longtemps été la destination privilégiée des patients du Moyen-Orient pour les soins hospitaliers, a été parmi les pionniers de la région à s’engager activement dans les essais cliniques et à adopter les toutes nouvelles thérapies médicales. Cependant, aujourd’hui, en raison d’une diminution significative des financements alloués au ministère de la Santé, le gouvernement envisage une réduction drastique des subventions, se limitant aux médicaments anticancéreux utilisés dans les protocoles des pays pauvres.

Homicide involontaire

Cette mesure risque de compromettre sérieusement l’accès des patients libanais aux traitements de pointe, notamment les thérapies ciblées et l’immunothérapie, accentuant ainsi la gravité de la situation médicale dans le pays. Il est véritablement déplorable de constater, qu’au Liban, autrefois considéré comme le fleuron de la médecine au Moyen-Orient, les patients atteints de cancer succombent à leur maladie en raison de la nonchalance de l’État, dans un silence assourdissant.

Les actions entreprises par le gouvernement libanais ne peuvent être interprétées que comme une forme d’homicide involontaire, ou du moins comme une non-assistance à personne en danger. La situation atteint des niveaux de gravité extrêmes, mettant trente mille patients libanais en danger imminent de décès. Il est essentiel de souligner avec insistance, une fois de plus, que cela équivaut à un génocide perpétré de sang-froid. La prochaine session du Conseil des ministres réussira-t-elle à garantir les fonds nécessaires pour la subvention du reste des médicaments anticancéreux? Qui vivra verra!