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La faculté des sciences religieuses de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) relance un diplôme universitaire (DU) en religions et médias. L’objectif: provoquer un changement dans la société en semant les prémices d’une culture de la paix, de l’ouverture à l’autre et du dialogue responsable.

"Le rôle des médias ne consiste pas uniquement à transmettre des informations mais aussi à former l’opinion publique, ce qui leur donne un grand pouvoir d’influence en société." C’est par ces termes que Marguerite el-Asmar Bou Aoun explique à Ici Beyrouth les motifs de la relance du diplôme universitaire en religions et médias, dispensé par le département des sciences des religions à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ).

Ce diplôme a été initié en 2012 par le père Salim Daccache, recteur de l’USJ, en collaboration avec Betsa Estephano, alors coordinatrice des études au département des sciences des religions, et Katia Raya, actuellement maître de conférence, titulaire d’un double doctorat en information-communication et en génie informatique. La première promotion a été diplômée en 2013.

"La religion est souvent utilisée comme instrument pour manipuler l’opinion, au service d’une propagande spécifique", poursuit Mme Bou Aoun, coordinatrice du programme depuis septembre 2022. Par conséquent, estime-t-elle, "les valeurs qui devraient être communiquées par la religion, à savoir l’amour et la tolérance, sont défigurées". Ce qui crée, à titre d’exemple, "une confusion entre religion, fanatisme et terrorisme".

"C’est exactement ce qui se passe à l’heure actuelle dans le contexte de la guerre à Gaza, où les Palestiniens sont perçus comme des musulmans terroristes, et les Israéliens comme des juifs sionistes", constate Mme Bou Aoun. D’où l’importance de ce cursus universitaire qui vise à "former les acteurs des médias à une communication responsable, dans le respect des droits de l’Homme". "Ils participent ainsi à la construction d’une culture de paix", avance-t-elle.

Surmonter les défis actuels

Cela est d’autant plus important dans le contexte actuel de crise exacerbée qui sévit au Liban et dans la région, puisque cette formation contribue à renforcer des compétences nécessaires pour surmonter les défis actuels.

"La société libanaise est complexe, du fait du multiconfessionnalisme qui la caractérise", constate Mme Bou Aoun. De plus, "dans le contexte moyen-oriental de conflits, la religion est souvent utilisée pour radicaliser les dissensions et enraciner la haine", regrette-t-elle, notant que "80% de la population mondiale se dit affiliée à une religion". Par conséquent, la plupart des personnes sont susceptibles d’être manipulées par le biais du critère de la croyance.

De ce fait, le religieux et le politique se mêlent, dans un amalgame qui biaise la compréhension de situations sociopolitiques souvent complexes. Pour illustrer ce phénomène de glissement du religieux vers le politique, Mme Bou Aoun avance l’exemple du za’im (leader) libanais, qui est adoré comme un dieu par sa communauté, laquelle croit en lui, l’associant à un sauveur. Dans les médias, cette adulation du za’im se traduit par "un discours haineux et radicalisé, qui ancre dans les esprits un confessionnalisme séparatiste".

Des compétences nécessaires

Le DU Religions et médias offre donc une formation qui vise à fournir, d’une part, une connaissance scientifique éloignée des idées reçues sur les religions, et d’autre part, un savoir-faire éthique et technique lié à une communication médiatique responsable. L’objectif final est de doter les personnes qui le suivent des outils techniques nécessaires pour tenir un discours respectueux du phénomène religieux, surtout en temps de crise, où la violence est la voie la plus facilement empruntée.

La liste des compétences à développer durant la formation a ainsi été récemment remaniée de manière à répondre aux exigences actuelles découlant de l’explosion de la technologie des réseaux de communication.

La formation vise ainsi à développer quatre compétences principales: la transmission de l’actualité religieuse à travers les médias de manière professionnelle; l’analyse de manière critique des relations et des enjeux entre médias et religions; la résolution des problèmes de communication de manière innovante et stratégique; et la pratique du journalisme de manière responsable au service des droits de l’Homme.

Dans le contexte particulier de la société libanaise, où les clivages confessionnels sont récurrents, les techniques de résolution des problèmes de communication revêtent une importance cruciale. La place que tient cette compétence dans le cursus n’en est que renforcée, d’autant que les candidats sont amenés à "reconnaître la diversité de la réalité libanaise et les valeurs communes entre les différentes religions", ainsi qu’à "identifier le rôle stratégique de la communication et à concevoir une politique médiatique appropriée pour les questions religieuses".

Qui peut s’inscrire?

Ce diplôme est destiné à toute personne qui s’intéresse à la communication médiatique, aux thèmes religieux, et qui exerce une influence sur l’opinion publique à travers les réseaux sociaux, la radio ou la télévision. De même, cette formation pourrait aider les membres des associations religieuses à améliorer leur communication des messages religieux. 

Pratiquement, depuis le lancement du DU en religions et médias en 2014, les personnes qui se sont tournées vers cette formation étaient surtout des journalistes, travaillant dans les domaines de la radio ou de la télévision, souligne Mme Bou Aoun. Parmi les diplômés figurent aussi des personnes engagées sur le plan religieux ou encore des responsables de communication dans les communautés religieuses.

Ce qui est intéressant à relever, c’est l’absence de restriction linguistique. Les enseignants sont tous trilingues et emploient l’arabe, le français ou l’anglais pour une meilleure compréhension des cours. Par ailleurs, l’étudiant est libre de soumettre ses projets dans la langue qu’il maîtrise le mieux, étant donné que la validation des crédits repose sur les travaux pratiques et non des examens sur table.