L’ancien député et ministre, Sleiman Frangié, a rendu visite, lundi, au commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, pour lui présenter ses condoléances à la suite du décès de sa mère.

En soirée, M. Frangié, accompagné de son épouse, Rima, et de son fils, le député Tony Frangié, a été reçu à dîner par l’ancien leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à Clemenceau.

Deux rencontres à caractère éminemment social, s’accorde-t-on à dire dans l’entourage de MM. Frangié et Joumblatt. Le dîner de Clemenceau s’inscrit dans le cadre de la politique d’ouverture à laquelle les deux partis ont souscrit et le rétablissement des relations "historiques et familiales" entre les Marada et le PSP est une de ses composantes, a confié le député Waël Bou Faour à Ici Beyrouth.

Il n’en demeure pas moins que le rapprochement entre les deux ne peut pas être dissocié d’une actualité politique, certes toujours au point mort, à cause du blocage persistant de la présidentielle et de la guerre de Gaza.

Le dossier de la présidentielle a été évoqué durant le dîner, mais en termes de généralités, d’autant, précise-t-on de source proche de Clemenceau, que le PSP reste attaché à sa position concernant la nécessité d’une entente pour un déblocage. La guerre de Gaza a aussi été au cœur de la conversation ainsi que le dossier des nominations au sein du Conseil militaire, notamment celle d’un nouveau chef d’état-major. Celle-ci doit normalement être à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres, selon M. Bou Faour, d’autant qu’il y a eu un accord de principe à ce sujet.

De sources concordantes au sein de l’opposition, on estime, dans le même ordre d’idées, qu’il ne faut pas conférer une dimension démesurée à la rencontre de Clemenceau, en expliquant que le positionnement du PSP par rapport à la présidence de la République, n’a pas changé.

Le parti que préside Teymour Joumblatt, bien qu’il soit en faveur d’une entente, reste pour l’heure aligné sur la politique de l’opposition, dont le candidat officiel à la présidence de la République demeure l’ancien ministre Jihad Azour, face à celui du tandem Amal-Hezbollah, Sleiman Frangié.

Depuis un certain temps, des informations récurrentes circulent au sujet d’un possible déblocage de la présidentielle, motivé par de potentielles négociations pour un règlement à Gaza et au Liban-sud. Celles-ci commandent, au Liban, une reconstitution du pouvoir qui passe principalement par l’élection d’un président de la République.

Dans le paysage politique local, rien n’a cependant changé, à part peut-être la volonté du Hezbollah "de chercher à investir dans l’ouverture du front sud avec Israël pour obtenir des acquis politiques et non des moindres", c’est-à-dire la présidence de la République, analyse-t-on de source de l’opposition, en s’arrêtant, non sans étonnement, sur une déclaration récente du président de la Chambre, Nabih Berry, qui a réaffirmé l’attachement du tandem Amal-Hezbollah à la candidature de Sleiman Frangié, barrant ainsi de nouveau la voie à un déblocage.

Or, tant que la répartition des forces politiques au sein du Parlement demeure inchangée, l’accession de ce dernier à Baabda reste impossible. "L’opposition ne tombera pas dans le piège de ceux qui croient qu’ils peuvent imposer leurs propres règles" en essayant de tirer profit de la situation explosive à la frontière sud avec Israël, souligne-t-on de même source,

La dynamique dans laquelle le PSP est engagé et qui se manifeste par une ouverture sur toutes les parties –Teymour Joumblatt doit rendre visite mercredi au chef du Parti démocrate, Talal Arslane- sert notamment à mettre en relief le rôle centriste qu’il assume et qu’il veut continuer d’assumer. Parallèlement, celle du chef des Marada se justifie par la volonté de Sleiman Frangié de montrer qu’il est toujours dans la course à la présidentielle en sa qualité de candidat "proche de toutes les parties".

Ceci est cependant loin d’être suffisant pour lui ouvrir la voie vers Baabda, pour deux raisons principales: la répartition des forces au sein du Parlement, laquelle empêche également l’opposition de faire accéder son candidat à la tête de l’Etat et l’implication du Hezbollah dans la guerre de Gaza, à travers l’ouverture du front sud avec Israël.

Selon l’analyse d’une figure de l’opposition, le Hezbollah était davantage en position de force avant le 7 octobre 2023, date de l’attaque du Hamas contre Israël, lorsque les États-Unis étaient engagés dans des négociations avec l’Iran et qu’un accord sur une délimitation des frontières maritimes avait été scellé avec Tel Aviv. L’opération du 7 octobre et "l’unité des fronts" de l’axe dit de la Moumanaa contre Israël a affaibli la formation pro-iranienne dont le chef, Hassan Nasrallah, s’est pratiquement dit en faveur de négociations pour un règlement, et qui essaie d’imposer ses conditions, en exigeant l’arrêt des combats à Gaza, en premier.

Hassan Nasrallah a beau crier victoire, le fait est, qu’aux yeux de l’opposition, il sort perdant de cette guerre, d’abord parce qu’il a montré depuis le 8 octobre –date à laquelle il a commencé à attaquer Israël en signe de soutien au Hamas- que son engagement militaire a des limites que ni lui ni l’Iran peuvent ou veulent dépasser, ensuite parce qu’il a contribué à imposer une donne qui est en sa défaveur. Et pour cause: Une des priorités d’Israël aujourd’hui est d’éloigner le Hezbollah de sa frontière et d’assurer la sécurité, à long terme, des Kibboutz de la partie nord de son territoire. L’activité diplomatique, dont le Liban est le centre, porte sur cet objectif.

Faute de pouvoir neutraliser le Hezbollah, Israël, et avec lui, les États-Unis tenteront de réduire sa puissance, ce qui implique qu’ils empêcheront l’accès à la tête de l’État d’une personnalité qui lui est proche, selon la même source. À moins, bien entendu, que la formation pro-iranienne ne donne des garanties ou ne cède sur certains dossiers….