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Au cours des confrontations transfrontalières incessantes et de plus en plus intenses entre le Hezbollah et l’armée israélienne pendant plus de trois mois, Israël a annoncé le mardi 16 janvier que ses forces spéciales avaient effectué une incursion au sud du Liban et procédé au déminage dans le village d’Aïta el-Chaab.

Cette opération s’est accompagnée de menaces sous la forme de tracts largués sur le village de Kfar Kila, mettant en garde les résidents du sud du Liban contre une réponse sévère s’ils collaboraient avec le Hezbollah.

Bien que le Hezbollah ait démenti ces allégations, l’annonce israélienne sous-entendait essentiellement que les troupes israéliennes pouvaient infiltrer la frontière, pénétrer sur le territoire libanais, effectuer des opérations de déminage, qui pourraient prendre quelques heures, et retourner à leur base sans être détectées.

Malgré les fils barbelés et les équipements de surveillance, la frontière reste poreuse et peut être infiltrée dans les deux sens, selon le général de l’armée libanaise à la retraite, Maroun Hitti. "Techniquement et militairement parlant, il est facile de s’infiltrer à la frontière. Il y a toujours une faille quelque part, malgré les obstacles", a déclaré Hitti à Ici Beyrouth.

En agissant de la sorte, Israël a en réalité porté un coup au Hezbollah et au gouvernement qui lui accorde une couverture politique, puisque le parti soutenu par l’Iran contrôle de facto la frontière en lieu et place de l’armée libanaise et de la Finul, a soutenu Hitti.

Changement de stratégie israélienne

"Stratégiquement, cela implique qu’Israël est passé d’un engagement passif ou de représailles ponctuelles à une posture stratégique plus agressive. Ce qui s’est passé à Aïta el-Chaab (si cela est avéré) est susceptible de se reproduire ailleurs le long de la frontière poreuse, indiquant qu’Israël pourrait déplacer le conflit à l’intérieur du territoire libanais", a-t-il ajouté.

L’opération pourrait également être interprétée comme un prélude à une offensive terrestre, bien que cette option soit qualifiée d’"absurde" et de "peu probable", selon Hitti. "On peut suggérer qu’en déminant la zone près d’Aïta el-Chaab, Israël a ouvert un corridor au milieu d’un champ de mines pour dégager le chemin en vue d’une intervention au sol", a déclaré le général à la retraite, ajoutant: "L’infiltration peut également être vue comme une manœuvre d’intimidation tactique, laissant entendre que ‘cette fois-ci, nous avons enlevé les mines, mais la prochaine fois, nous pénétrerons au Liban’."

Guerre psychologique

Riad Kahwaji, expert militaire basé à Dubaï, a souligné que les forces spéciales israéliennes sont formées pour mener des opérations derrière les lignes ennemies et pourraient infiltrer la frontière sud du Liban.

Il a déclaré à Ici Beyrouth que l’opération à Aïta el-Chaab devrait être évaluée en fonction de son objectif ultime. "Si l’objectif était réellement de déminer, cela pourrait indiquer qu’Israël prépare le terrain pour une opération terrestre. Cependant, ils pourraient faire cela dans le cadre d’une guerre psychologique pour rendre la menace plus réelle et crédible… Seul le temps le dira."

L’opération véhicule également un message politique, selon Hitti. "Il s’agit d’un message de détermination qui suggère qu’Israël est résolu à atteindre les objectifs politiques qu’il s’est fixés", à savoir repousser la menace du Hezbollah loin de ses colonies près de la frontière libanaise.

"Un tel mouvement ou infiltration (s’il a vraiment eu lieu) est essentiellement une décision politique prise au plus haut niveau politique", a-t-il ajouté.

Les tensions régionales en rapide évolution liées à la guerre en cours à Gaza, qui a éclaté à la suite de l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël, surnommée l’opération "Déluge d’Al-Aqsa", amplifient les risques d’un conflit régional impliquant des acteurs soutenus par l’Iran, du prétendu "axe de la résistance", allant du Liban à la Syrie, jusqu’à l’Irak et le Yémen.

La région est déjà en guerre

"De nos jours, les conflits armés ne se déroulent plus comme par le passé, avec des belligérants se faisant face", a déclaré Hitti. "Une nouvelle approche de la guerre, principalement chirurgicale, est désormais privilégiée, bien que ses éclats soient manifestes. Toutes les lignes de friction dans la région sont en train d’être allumées, que ce soit sur terre, en mer, ou par le biais de missiles balistiques à longue portée comme ceux tirés par l’Iran sur Erbil."

Commentant l’escalade régionale, Kahwaji a affirmé que "tous les fronts sont ouverts, ce qui signifie naturellement que l’escalade pourrait conduire à une confrontation de grande ampleur".

Par ailleurs, il a noté que la frappe de l’Iran sur Erbil indique que Téhéran peut également effectuer des frappes à longue portée, tout comme le font les Américains en Irak, au Yémen et en Syrie.

"L’Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen sont des théâtres de confrontations que l’Iran exploite pour projeter sa puissance et comme moyen d’extorsion, cherchant ainsi à se présenter comme une solution aux problèmes", a souligné Kahwaji. Il a toutefois averti que cette approche pourrait se retourner contre eux "en raison du risque de glisser vers une confrontation totale, dépassant largement les espoirs de l’Iran".

"Mais si l’objectif des opérations menées par l’axe de la résistance soutenu par l’Iran est de faciliter l’offensive sur Gaza ou de l’arrêter, il a définitivement échoué!", a-t-il conclu.

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