Reuters: Le Hezb contre le retrait, mais ouvert à la diplomatie
L’agence Reuters porte un regard sur la situation régionale explosive depuis le début de la guerre à Gaza, le 7 octobre dernier, ayant consulté onze responsables, dont des Libanais, des Américains, des Israéliens, ainsi que des sources européennes.

Le Hezbollah aurait «rejeté des propositions américaines visant à apaiser le front ouvert au Liban-Sud contre Israël», portant en l’occurrence sur «le retrait de ses combattants loin de la frontière», a indiqué l’agence Reuters, citant des sources libanaises. Mais, selon les mêmes sources, la formation soutenue par l’Iran serait «toujours ouverte aux initiatives diplomatiques de Washington pour éviter une guerre qui ruinerait le pays».

La mission dAmos Hochstein

L'émissaire américain, Amos Hochstein, a mené récemment une action diplomatique pour rétablir la sécurité à la frontière israélo-libanaise, rappelle-t-on, alors que l’ensemble de la région tend dangereusement vers une escalade majeure du conflit déclenché par la guerre de Gaza, le 7 octobre dernier.

«Considéré comme une organisation terroriste par Washington, le Hezbollah n’a pas été directement impliqué dans les pourparlers», ont rapporté à Reuters trois responsables libanais et un diplomate européen. Les idées de Hochstein lui ont été transmises par des médiateurs libanais.

Les trois sources libanaises et un responsable américain ont mentionné que l’une des suggestions émises lors de la visite de M. Hochstein à Beyrouth, le 11 janvier, consistait à «réduire les hostilités à la frontière, parallèlement aux mesures prises par Israël pour réduire l’intensité de ses opérations à Gaza».

«Une proposition a également été communiquée au Hezbollah pour que ses combattants s’éloignent de 7 kilomètres de la frontière» libano-israélienne, ont indiqué deux des trois responsables libanais à l’agence britannique. «Cela laisserait les combattants bien plus près que le recommande la requête publique d’Israël d’un retrait de 30 kilomètres jusqu’au fleuve Litani, stipulée dans une résolution de l’ONU de 2006», la 1701, explique Reuters.

«Le Hezbollah a rejeté ces deux idées, les qualifiant d’irréalistes», ont révélé les mêmes sources à l’agence. Le parti a longtemps exclu de rendre ses armes ou de retirer ses combattants, dont beaucoup sont originaires de la région frontalière et se fondent dans la société en temps de paix, rapporte Reuters.

«Après la guerre de Gaza, nous sommes prêts à soutenir les négociateurs libanais pour transformer la menace en opportunité», a déclaré à Reuters un haut responsable du Hezbollah, sous couvert d’anonymat, sans évoquer de propositions spécifiques. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déjà fait allusion à cette idée lors d’un discours prononcé le 5 janvier, soulignant qu’une fois la guerre de Gaza terminée, le Liban aurait «une occasion historique» de libérer son territoire.

Lors de sa visite à Beyrouth le 11 janvier, M. Hochstein a rencontré Najib Mikati, Premier ministre sortant, ainsi que Nabih Berry, président du Parlement, en plus du général Joseph Aoun, commandant en chef de l’armée. Il avait alors annoncé que les États-Unis, Israël et le Liban préféraient tous une solution diplomatique.

D’ailleurs, M. Mikati a aussi déclaré que Beyrouth était prêt à s’engager dans des pourparlers concernant la stabilité à long terme de la frontière sud avec Israël.

M. Hochstein a affirmé aux journalistes de Reuters qu’il espérait que «nous tous, des deux côtés de la frontière», parviendrons à une solution qui permettrait au Liban et à Israël de vivre dans des conditions de sécurité garanties.

Quatre responsables libanais informés de la situation ont rapporté à Reuters que M. Hochstein avait discuté d’idées visant à promouvoir «un accord négocié réglant le statut des zones frontalières contestées», mais qu’il n’avait présenté aucun projet de proposition. Ces responsables n’ont pas donné de détails sur la question.

Le Hezbollah, entre les projets iraniens et lÉtat libanais


Fer de lance de l’«axe de la résistance» allié à l’Iran, le Hezbollah a déclaré que ses combats à la frontière libano-israélienne ont aidé les Palestiniens en affaiblissant l’armée israélienne et en chassant des dizaines de milliers d’Israéliens de leurs maisons au nord d’Israël.

Le Hezb a affirmé, à plusieurs reprises, qu’il continuera à tirer des roquettes sur Israël jusqu’à ce qu’il y ait un cessez-le-feu total à Gaza.

Malgré cela, «l’ouverture du Hezbollah aux contacts diplomatiques témoigne d’une aversion pour une guerre plus large», ont souligné à Reuters un responsable libanais ainsi qu’une source sécuritaire libanaise, «même après la mort du dirigeant du Hamas, Saleh el-Arouri, d’une frappe israélienne» qui l’a atteint au cœur de Beyrouth, le 2 janvier.

«Même si les combattants alignés sur l’Iran attirent les tirs américains ailleurs dans la région et que l’Iran lance des frappes en Syrie et en Irak, Téhéran répugnerait à voir le Hezbollah et le Liban soumis à une destruction massive, notamment parce qu’il a déjà dû payer la facture de la reconstruction», a expliqué à Reuters Mohanad Hage Ali, directeur adjoint du centre Carnegie pour le Moyen-Orient, un groupe de réflexion basé à Beyrouth.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a déclaré, mercredi, que les attaques de «l’axe de la résistance» contre Israël et ses intérêts cesseraient si la guerre de Gaza prenait fin.

M. Hage Ali a avancé, à cet égard, que le Hezbollah souhaitait clairement éviter un conflit à grande échelle. «Un processus dans lequel il peut s’engager, ou soutenir l’État libanais dans ses négociations, offrirait les avantages d’une désescalade», a-t-il déclaré à Reuters.

Initiatives diplomatiques et risque descalade

La diplomatie se heurte à d’importantes complications et de nombreux observateurs estiment qu’il existe un risque sérieux d’escalade des combats, selon les analyses de Reuters. Une telle escalade lancerait une nouvelle phase importante du conflit régional.

Pour sa part, Israël a déclaré vouloir éviter la guerre. Pourtant, l’État hébreu et le Hezbollah se disent prêts à se battre si nécessaire. En effet, Israël a prévenu qu’il réagirait de manière plus agressive si un accord visant à sécuriser la zone frontalière avec le Liban n’était pas conclu.

Le porte-parole du gouvernement israélien, Eylon Levy, a déclaré qu’il y avait «encore une fenêtre d’opportunité diplomatique» pour pousser le Hezbollah à s’éloigner de la frontière, en réponse à une question de Reuters lors d’un point presse, mercredi.

Parallèlement, un responsable israélien a dévoilé à Reuters que le gouvernement israélien avait «transmis de nombreuses demandes», sans donner de détails. «D’une manière ou d’une autre, nos 80.000 résidents du Nord rentreront chez eux», a lancé le responsable.

La France a également été impliquée dans des efforts de désescalade. Une source proche de l’initiative française a déclaré que les commentaires publics de Hassan Nasrallah évoquant une possible entente frontalière étaient «des messages directs aux Américains et aux Français», disant indirectement: «La porte est ouverte» aux négociations.

 
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