C’est une lecture approfondie de la vision que Samir Geagea a de l’évolution de l’Histoire ainsi que de sa conception de l’action politique, que nous offre l’ouvrage que vient de publier à Paris Maya Khadra sous le titre "Samir Geagea – L’avenir du Liban". Il s’agit d’une approche macro-politique (donc non politicienne) des grands problèmes de l’heure, sur le double plan local et international, sous la forme d’une série d’entretiens avec le leader des Forces Libanaises, suivis d’un entretien croisé avec le philosophe et député européen (membre du groupe du Parti populaire européen, PPE) François-Xavier Bellamy.

La signature de l’ouvrage a eu lieu samedi soir à l’hôtel Gabriel en présence de nombreux députés et d’une foule de personnalités de différents horizons. En amont de la présentation faite par le député Pierre Bou Assi, Maya Khadra et Michel Touma, le leader des FL et M. Bellamy se sont adressés succinctement à l’assistance par vidéoconférence pour souligner l’importance du livre et évoquer les relations franco-libanaises ainsi que les rapports entre le PPE et les Forces libanaises.

Le député Pierre Bou Assi a apporté son témoignage sur les 40 années qu’il a passées aux côtés de M. Geagea durant les différentes phases de la guerre libanaise, tandis que Maya Khadra a exposé les circonstances de l’élaboration du livre et Michel Touma a conclu la table ronde en expliquant l’intérêt que représentent les grandes lignes de l’ouvrage.

La pensée et la vision 

C’est sans doute l’une des rares fois où M. Geagea aborde ouvertement et publiquement d’une façon aussi approfondie sa vision de l’évolution de l’Histoire et sa conception des fondements qui devraient dicter toute action politique.

Le leader des FL nous explique notamment dans l’ouvrage qu’à son sens, l’histoire de l’humanité ne saurait être perçue comme un simple cumul chaotique des événements qui secouent le monde. Pour M. Geagea l’Histoire évolue suivant une direction bien précise, dans un même sens, vers une finalité toujours meilleure, de sorte que le monde évolue assidument vers le meilleur. "L’Histoire se perfectionne et progresse, l’humanité s’améliore au fil des siècles", relève M. Geagea qui rejoint en cela la pensée du philosophe allemand Hegel et celle de Teilhard de Chardin, deux de ses maitres à penser, comme il le précise. À l’appui de son argumentation sur ce plan, M. Geagea rappelle que l’Homme d’aujourd’hui est plus évolué que l’Homme du Moyen Âge et les valeurs humaines d’aujourd’hui sont plus développées que les valeurs humaines d’il y a 3000 ans, à titre d’exemple.  

À l’évidence, l’histoire du monde est jalonnée de guerres sanglantes, de conflits armés, de crises aiguës et de discordes. Mais l’Histoire poursuit malgré tout son chemin vers le meilleur, paraissant dépasser "les dérives de l’humanité qui n’entravent en rien la dynamique inéluctable du progrès qui régit le monde", comme le souligne M. Geagea qui ajoute à cet égard que "le monde n’est certes pas idéal ; il y a beaucoup à faire pour huiler les rouages du progrès, il faut être exemplaires moralement, combler les lacunes, remédier aux déficiences de nos systèmes de gouvernance". D’où la responsabilité de l’homme politique sur ce plan.

Cela nous amène à la conception que M. Geagea se fait de l’action politique qui devrait être basée, précise-t-il, sur des valeurs. "Il n’y a pas de politique sans valeurs, affirme le leader des FL. La politique est une affaire de valeurs. Que reste-t-il de la politique sans considération pour l’épanouissement de l’Homme dans toute sa vocation et dans toutes ses dimensions"?

M. Geagea déplore dans ce cadre la disparition des valeurs dans la vie politique de certains pays du monde occidental. Il dénonce à cet égard le fait que l’Europe soit devenue "un organisme commercial, un centre d’affaires". "Dans les actions concrètes, les programmes d’envergure, je n’y vois plus de politique au sens noble du terme, au sens historique", relève M. Geagea dont le diagnostic à ce propos est totalement partagé par François-Xavier Bellamy.

Les grands dossiers locaux

C’est à partir de cette conception de l’action politique que M. Geagea clarifie ses positions concernant les grands dossiers qui se posent sur la scène locale, sans jamais rentrer dans les dédales de la politique politicienne. Abordant les critiques exprimées par certaines factions à l’égard du système confessionnel, il fustige les appels à l’abolition du confessionnalisme, relevant que "déconfessionnaliser, c’est désavouer et renier le problème au lieu de le traiter". Il rappelle à ce propos les cas de la Yougoslavie et de la Syrie, à titre d’exemple, où des décennies de dictature n’ont pas pu abolir les profonds clivages ethniques ou sectaires.

Pour M. Geagea, la faille ne réside pas dans le système confessionnel en tant que tel, mais dans son application et sa gestion par certains pôles politiques. Cette même position est partagée par l’ancien député Hassan Rifaï, dans son dernier ouvrage, et elle l’était par feu l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine et feu l’ancien ministre Michel Eddé qui se sont prononcés dans leurs écrits ou leurs interventions publiques contre l’abolition du confessionnalisme politique.

D’une manière générale, le problème auquel est confronté le pays au stade actuel "n’est ni technique, ni économique, ni même religieux", souligne M. Geagea, mais Il est essentiellement d’ordre politique, en l’occurrence "l’absence d’un véritable État". Un État qui a été déconstruit par le Hezbollah pour servir des intérêts régionaux, de sorte que la fracture dont pâtit aujourd’hui le pays "n’est pas confessionnelle". Les lignes de fracture restent malgré tout celles "du 14 et du 8 Mars", soutient le leader des FL qui relève à ce sujet que "nous ne sommes pas dans la configuration du XVIIIe ou XIXe siècle".     

Il reste que pour M. Geagea une décentralisation élargie demeure "garante d’une meilleure gestion d’un pays multiculturel", et "protectrice de nos affinités culturelles et particularismes communautaires".

 

 

 

 

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