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"Actuellement, les États-Unis exercent des pressions pour empêcher Israël d’envahir Rafah, mais cela se traduit par une escalade sur le front libanais", a fait valoir le général à la retraite Khaled Hamadé.

Les Libanais retiennent leur souffle, scrutant minutieusement les moindres développements au Liban-Sud où la guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait prendre un nouveau tournant. Les frappes israéliennes ont gagné en intensité et surtout en profondeur ces derniers temps, faisant craindre un élargissement du spectre de la guerre. Bien que le Conseil de sécurité de l’ONU ait adopté lundi un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza, les hostilités se poursuivent et vont crescendo, aussi bien dans la bande assiégée que sur le front libanais.

Il convient de rappeler que 16 morts ont été signalés lors de raids israéliens en moins de 24 heures au Liban-Sud. En effet, quatre personnes ont été tuées mercredi soir dans un raid contre un café à Naqoura et cinq autres dans une frappe meurtrière contre une maison à Teir Harfa. Dans la nuit de mardi, un raid israélien a fait sept tués parmi les secouristes d’un centre islamique d’urgence et de secours à Habbariyé. De plus, dimanche, un responsable du Hamas a échappé à l’attaque d’un drone israélien qui le visait dans l’ouest de la Békaa. Une première dans cette région depuis le 8 octobre 2023. Tard dans la nuit de samedi à dimanche, l’aviation israélienne a effectué un raid contre un immeuble de quatre étages à Baalbeck, dans le quartier d’al-Asseera, à proximité de la maison d’un cadre du Hezbollah, Hassan al-Lakkis.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a proclamé qu’une victoire contre le Hamas est "à portée de main", estimant qu’"un assaut contre Rafah, dernier bastion du Hamas, s’impose" et promettant de "l’éliminer". Parallèlement, plusieurs médias israéliens rapportent que "l’armée israélienne entrera au Liban après l’achèvement de l’opération de Rafah". De son côté, le commandant des forces armées israéliennes au nord, Uri Gordin, a annoncé mercredi que "les forces israéliennes sont prêtes à agir à la frontière libanaise".

Il convient de noter dans ce contexte que les Israéliens ont œuvré récemment au renforcement du front nord en déployant une "Brigade des montagnes", la Heharim, dans les secteurs du Mont Hermon et du Mont Dov, à la frontière sud-est avec le Liban. Le but de ce déploiement est d’"améliorer leur préparation à la guerre à la frontière nord, mais aussi sur d’autres fronts où les combats se prolongent", selon le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari.

Une guerre d’usure ouverte

Contacté par Ici Beyrouth, l’ancien ministre libanais des Affaires étrangères, Nassif Hitti, a estimé qu’"il serait très difficile pour Israël de mener à bien deux opérations simultanées contre Rafah et au sud du Liban". Cette dernière visant à repousser la formation pro-iranienne à une distance rassurante de sa frontière. Il a ainsi souligné que "l’État hébreu se retrouve pris à son propre piège".  Il s’agit d’une "guerre d’usure ouverte (aussi bien à Gaza qu’au Liban-Sud) qui pourrait s’étaler dans le temps sans aboutir à une victoire", selon M. Hitti, qui n’écarte pas la possibilité d’une "véritable escalade au cas où un cessez-le-feu durable n’est pas obtenu".

L’ancien diplomate a par ailleurs mis en garde contre le fait qu’"une éventuelle invasion de Rafah créera une seconde Nakba, sans aboutir à un résultat politique favorable, mais en aggravant et radicalisant la situation". AInsi, incapable de s’embourber dans une invasion terrestre, l’armée israélienne fait face à des pressions de la part des Américains qui lui suggèrent plutôt de mener des frappes chirurgicales consistant en des attaques ciblées stratégiques. Et M. Hitti d’ajouter: "Israël est pris à son propre piège".

L’ancien diplomate a également plaidé pour "un cessez-le-feu durable à Gaza et au Liban-Sud", soulignant dans ce sens que "le Conseil de sécurité de l’ONU devrait mettre la pression sur les pays capables d’influencer la politique d’Israël et d’entamer immédiatement des négociations sous l’égide de l’ONU pour régler par la suite la question des 6 points litigieux" le long de la frontière sud du Liban. "C’est pourquoi il revient à l’État libanais de négocier cet accord avec un déploiement total de l’armée libanaise sur le front", a-t-il dit, avant d’ajouter que "l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas pour demain, mais elle doit être appliquée graduellement. La première étape réside dans la cessation des hostilités".

Nouvelle phase dans le conflit

Pour sa part, le général à la retraite et directeur général du Forum régional de consultation et d’études (RFSC), Khaled Hamadé, a constaté que "le conflit entre le Hezbollah et Israël est entré dans une nouvelle phase" et qu’il est "légitime de craindre une escalade secondaire".

Il a expliqué à Ici Beyrouth que "les circonstances entourant ces frappes, telles que les prochaines élections présidentielles aux États-Unis, influencent les décisions américaines. Les négociations hésitantes à Gaza et l’insistance des États-Unis pour séparer les opérations au Liban de celles à Gaza ont créé des conditions propices à une intensification des attaques de Netanyahou contre les infrastructures de la formation chiite pro-iranienne".

"Actuellement, les États-Unis exercent des pressions pour empêcher Israël d’envahir Rafah, mais cela se traduit par une escalade sur le front libanais", a fait valoir le général Hamadé, estimant à cet égard que "ce que Netanyahou ne peut pas réaliser à Gaza, il le fera au Liban à court terme". Par ailleurs, il convient de noter dans ce cadre que l’envoyé spécial du président américain, Amos Hochstein, avait souligné, lors de sa dernière visite à Beyrouth, "qu’une trêve à Gaza ne signifie pas automatiquement trêve au Liban".

Le général Hamadé soutient toutefois "qu’il est peu probable qu’Israël soit contraint de mener deux opérations militaires simultanées", car "si une opération militaire limitée à Gaza se poursuit et si les conditions le permettent aux États-Unis, une telle opération (simultanée) ne se produira probablement pas avant la fin des élections présidentielles américaines. Le général Hamadé, a ainsi estimé que "le problème ne réside pas dans la capacité de l’État hébreu à gérer les deux fronts, mais dans le manque d’activité diplomatique américaine pour parvenir à un accord définitif sur la frontière israélienne". Et le général d’ajouter: "Nous pourrions entrer dans une phase de guerre ouverte, différente de celle de 2006, où les objectifs non atteints par la diplomatie pourraient être réalisés par des moyens militaires ".

De son côté, la Finul, a fait part de sa préoccupation face à l’escalade de la violence entre le Liban et Israël.

Elle a souligné jeudi, dans un communiqué, qu’il est "impératif que cette escalade cesse immédiatement", exhortant " toutes les parties à déposer les armes et à commencer d’œuvrer en faveur d’une solution politique et diplomatique durable". Les Casques bleus se sont dits "prêts à appuyer ce processus par tous les moyens possibles, notamment en convoquant une réunion tripartite à la demande des parties concernées".

Contacté par Ici Beyrouth, le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, a souligné qu’une "escalade accompagnée de mauvais calculs pourrait mener à un conflit plus large que nous cherchons à éviter par tous les moyens". À une question portant sur le rôle de la Finul en cas d’un embrasement généralisé, M. Tenenti a rappelé que "la force intérimaire, présente à la frontière depuis 1978, n’a jamais quitté le sol ni manqué à ses engagements envers l’armée libanaise et les populations locales". Et M. Tenenti  de conclure: "En cas d’élargissement de la guerre, il reviendra au Conseil de sécurité de l’ONU de décider du sort de la Finul, mais pour le moment, la mission est complètement déployée et le restera".

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