Écoutez L’article

Le tribunal militaire a engagé des poursuites judiciaires contre le directeur général du service de Sécurité de l’État, le général Tony Saliba. La raison en est son implication présumée dans l’évasion ou l’aide à l’évasion, la semaine dernière, de Dany el-Rachid. Ce détenu pas comme les autres était supposé purger une peine pour tentative de meurtre, dans un centre d’incarcération de la Sécurité de l’État, près du palais de justice à Beyrouth, la semaine dernière, alors qu’en réalité, il était installé… dans un studio avec jardin.

Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fadi Akiki, a engagé jeudi des poursuites contre le général Saliba, le général de brigade Pierre Barrak et cinq autres personnes, dont des gardiens de la prison. Il a ensuite déféré le dossier de l’affaire au premier juge d’instruction militaire, Fadi Sawan, réclamant leur interrogatoire et l’émission des mandats judiciaires correspondants aux charges retenues contre eux.

De sources judiciaires, on apprend que "les charges varient d’une personne à l’autre, certaines étant accusées de complicité, d’autres d’avoir facilité l’évasion, et d’autres encore de négligence ayant conduit à l’évasion".

Les poursuites ont été engagées au terme de l’enquête préliminaire menée cinq jours durant par le juge Akiki, sous la supervision directe du procureur général près la Cour de cassation, le juge Jamal Hajjar.

Les résultats sont stupéfiants. Dany el-Rachid, un ancien directeur du cabinet de l’ancien ministre de la Justice, Selim Jreissati, et conseiller du général Saliba, était détenu "dans la forme seulement". En réalité, il était libre.

Selon des sources proches de l’enquête, "toutes les cellules du centre de détention de la Sécurité de l’Etat ont été inspectées. On n’a trouvé de traces Dany el-Rachid dans aucune d’elles". "Ce dernier était installé dans un studio chic, doté de tout le confort nécessaire, y compris un téléphone privé, une télévision ainsi qu’une connexion wifi. De plus, il recevait des visiteurs à longueur de journée et se promenait librement dans le jardin de son studio, sans aucune restriction", selon les mêmes sources.

Ainsi, outre l’affaire de l’évasion, les enquêteurs se sont attelés à élucider le mystère Dany el-Rachid, pour comprendre les raisons de l’importance qui lui était accordée et qui lui a valu ce traitement privilégié. D’après les mêmes sources, ce dernier "bénéficiait, même avant son arrestation, de privilèges qui n’étaient pas accordés aux officiers de la Sécurité de l’État". "Il disposait d’une voiture militaire et d’un téléphone militaire à quatre chiffres réservé habituellement aux officiers de haut rang, ainsi que de gardes de corps mis à sa disposition par le commandement de la Sécurité de l’État", toujours selon les mêmes sources.

Après son arrestation dans le cadre de l’affaire d’une tentative de meurtre  –contre un ingénieur, Abdallah Hanna, proche de la cheffe du Bloc populaire, Myriam Skaff, à Zahlé – et durant ses interrogatoires, sa famille venait au palais de justice de Zahlé à bord de véhicules appartenant à la Sécurité de l’État et sous protection spéciale, raconte-t-on de mêmes sources.

Ces découvertes pourraient amener les autorités compétentes à mener des investigations du côté d’autres services de sécurité qui adopteraient les mêmes méthodes avec des individus qui leur sont proches.

Pour l’heure, elles se concentrent sur l’affaire Al-Rachid et ses relations très particulières avec la Sécurité de l’État.

L’enquête préliminaire s’est attardée sur des aspects essentiels: identifier les personnes qui ont assuré le transport de Dany al-Rachid de sa prétendue prison jusqu’à la frontière syrienne où il avait pu être arrêté, le moyen de transport utilisé, ainsi que les parties qui ont facilité son entrée illégale en Syrie.

D’après les enregistrements des caméras de surveillance, Dany al-Rachid se promenait dans son jardin quelques heures avant son évasion, a-t-on indiqué de mêmes sources. S’il s’est enfui, ce serait pour éviter son transfert à la prison de Roumieh, sur ordre du juge Jamal Hajjar.

En d’autres, termes, pour ne pas perdre tous ses privilèges.