Au terme des obsèques de Pascal Sleiman, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et le député FL de Jbeil, Ziad Hawat, ont tous deux relevé, sur un ton posé, mais ferme, les anomalies et les dysfonctionnements que le meurtre de leur camarade a mis en relief.

Premier à prendre la parole devant une foule nombreuse, dans la cour de l’église Saint-Georges où les obsèques ont eu lieu, Ziad Hawat a d’emblée souligné l’attachement du caza de Jbeil à la coexistence, "un modèle pour le Liban", a-t-il dit. "La discorde n’a pas sa place à Jbeil où la coexistence est préservée, quelles que soient les provocations", a insisté le parlementaire.

Une façon de montrer qu’il établit une distinction, indiscutable, entre la communauté chiite installée à Jbeil et le Hezbollah, qui prétend représenter l’ensemble de cette communauté au Liban. Il répond aussi indirectement à tous ceux qui, au sein du camp de l’axe pro-iranien, se sont déchaînés contre les FL et les Kataëb, les accusant de chercher à provoquer une discorde au Liban. En effet, dans son intervention, M. Hawat n’a pas manqué de critiquer "les armes illégales" et les comportements miliciens du Hezb, accusé de pratiquer l’intimidation, voire d’éliminer ses adversaires politiques. Aussi, a-t-il souligné que "l’épreuve de force est engagée entre deux projets politiques au Liban, un projet qui tend à préserver le pays et un autre qui veut le faire voler en éclats". "Celui-ci, a affirmé le député, prend le Liban en otage, l’entraîne dans des aventures aux conséquences imprévisibles et contribue à la destruction de l’État".

Il a insisté sur la nécessité que l’enquête sur le meurtre de Pascal Sleiman "soit menée à terme et en toute transparence". "Nous ne voulons pas que l’acte d’accusation soit publié et que l’affaire s’arrête là", a ajouté M. Hawat, laissant entendre que des zones d’ombre marquent les investigations menées jusque-là et que l’enlèvement et le meurtre pourraient être prémédités. "Comment est-il possible qu’une voiture dans le coffre de laquelle se trouve un corps sans vie puisse rouler quinze heures durant et traverser la frontière, alors que les autorités compétentes ont été alertées de l’enlèvement au moment même où il s’est produit, vu que Pascal était au téléphone?" s’est interrogé Ziad Hawat qui a également appelé à un règlement du dossier de la présence syrienne au Liban. "Il n’est plus possible que les migrants syriens continuent à se déplacer comme ils le veulent au Liban, qu’ils ouvrent des établissements de commerce, qu’ils volent et tuent quand ils le souhaitent, en choisissant leurs cibles ou en éliminant celles qu’on leur demande d’éliminer".

Tout en établissant une distinction entre les migrants syriens fauteurs de trouble et ceux qui se conforment aux lois, M. Hawat a appelé au rapatriement des centaines de milliers de Syriens qui se trouvent au Liban, "surtout ceux qui sont installés dans le pays pour des raisons économiques et se rendent régulièrement dans le leur".

Geagea: une confrontation continue

Dans son discours, retransmis sur grand écran, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a promis de "poursuivre la confrontation (politique avec l’axe pro-iranien) jusqu’à ce que le pays arrive à bon port". "Nos motivations ne sont pas vindicatives et ne constituent pas une réaction communautaire ou régionale", a-t-il dit, soulignant son souci de "tirer le Liban de la décrépitude dans laquelle il est plongé vers une situation meilleure, grâce à laquelle les Libanais pourront avoir une vie normale dans un État normal, digne de ce nom". "Avec l’aide de tous les Libanais libres, nous voulons en finir avec les assassinats et les rapts, avoir des frontières bien gardées et contrôlées et des perspectives d’avenir. Nous voulons cesser d’avoir honte de notre passeport libanais", a-t-il ajouté, avant de s’engager à œuvrer à cette fin "en changeant, par les voies démocratiques, ce pouvoir failli et corrompu". "Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons faire la lumière sur des crimes comme l’explosion du port de Beyrouth (4 août 2020) ou l’assassinat d’Elias Hasrouni", un autre cadre FL tué en août 2023, après avoir été enlevé à Aïn Ebel, au Liban-Sud.

"Si nous voulons poursuivre la confrontation, c’est parce que rien ne sera réglé sans cela. Elle sera longue, car les solutions, les vraies, prennent du temps", a insisté M. Geagea.