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C’est dans leur doctrine ultracommunautariste, ultra-identitaire, transnationale et postapocalyptique que se retrouvent le wokisme et l’islamisme.

Pour le woke, il n’y a pas de nations, de frontières ou d’héritage. Sa mentalité ultra-identitaire consiste à ségréguer des communautés sans tenir compte des données géographiques. Toute personne arrivée sur n’importe quel territoire acquiert instantanément les mêmes droits que les habitants présents. Elle se doit cependant d’intégrer une communauté raciale, ethnique, sexuelle ou autre, qui le défendra face à une inéluctable oppression.

Le transnationalisme

L’islamisme, qu’il soit chiite ou sunnite, ne reconnaît ni frontières ni nations. Ces notions s’opposent fondamentalement à son dogme religieux et historique. Dans son califat sans bornes, l’islamisme supprime les identités culturelles pour ne reconnaître que des communautés religieuses de dhimmis revêtus de l’identité, de l’histoire, de l’héritage et des origines du conquérant. Les peuples soumis ont le droit de pratiquer leurs cultes, mais pas leurs langues ni leur histoire. Chaque individu est forcé à intégrer une communauté qui lui définira ses droits et ses devoirs.

Le wokisme est aussi communautariste et refuse l’individualisme. L’individu n’existe qu’en tant que partie inséparable d’un groupe en mode de confrontation perpétuelle avec les autres groupes. Ce communautarisme identitaire marque clairement la rupture des wokes avec l’héritage des philosophes français et donc de la French Theory. Alors que Michel Foucault, Jacques Derrida ou Gilles Deleuze déconstruisaient et rejetaient le principe d’identité, le wokisme s’édifie, lui, sur les moindres nuances identitaires.

Communautarisme ultra-identitaire

La pensée de la wokiste américaine Kimberlé Crenshaw révèle le degré identitaire de cette religion. L’individu n’existe plus et ne peut plus être défini autrement que par son identité raciale, sociale, sexuelle, professionnelle, religieuse, etc. Ces étiquettes se forment ensuite en communautés. La liberté individuelle est ainsi supprimée, ainsi que le libre arbitre et la faculté d’émancipation. La personne est prisonnière de sa couleur de peau, de ses tendances ou préférences sexuelles, de sa classe sociale, de son identité religieuse, de ses origines, de son obésité, de son handicap physique ou mental, et de tous les labels qui puissent lui être attribués.

C’est dans cette double caractéristique que se retrouvent le wokisme et l’islamisme. Ils sont tous deux ultra-identitaires en ce qu’ils s’articulent autour des identités, et ils sont transfrontaliers en ce qu’ils refusent le concept de préférence nationale en terre occidentale, mais l’acceptent en terre d’islam. Tous deux pratiquent l’ultra-communautarisme, rejetant la notion d’égalité. Tous deux abrogent l’héritage qui les précède.

La doctrine postapocalyptique

Dans les Hadith, le prophète dit: "L’islam annule tout ce qui le précède" (Ibn Shimasah al-Mahri). Les islamistes (interdits dans les pays arabo-musulmans) appliquent cette notion à la lettre lorsqu’ils dynamitent les églises de Syrie-Mésopotamie, les stèles de Ninive et les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan. Comme eux, le wokisme proscrit et ostracise. Pour lui, toute la culture et les sciences occidentales sont les produits du colonialisme, de l’esclavagisme, du racisme et du virilisme patriarcal et misogyne. Cet héritage, qui n’incarne que le mal dans toutes ses manifestations, doit être constamment dénoncé, fustigé et abrogé.

Il convient donc de rejeter l’intégralité de son legs littéraire, architectural, artistique, musical, spirituel, technique et scientifique. Les profanations et les vandalismes se multiplient contre les cathédrales et les musées, la sculpture et la peinture de maîtres, mais aussi contre la musique classique dénigrée. Nous sommes face à une attitude postapocalyptique où tout est à reprendre en faisant table rase du passé et du patrimoine. Le monde du mal a pris fin et c’est une nouvelle vérité qui doit renaître sur ses cendres. De tout ce qu’il y avait avant, on ne peut rien tirer de positif. Avant moi, il n’y avait que le mal et l’ignorance. C’est la Djahiliyya (la période préislamique) de la nouvelle religion woke substantiellement opposée aux enseignements du Christ qui proclamait: "Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir." (Mt 5:17).

La haine de l’Occident

C’est dans cette mentalité ultracommunautariste, ultra-identitaire, transnationale et postapocalyptique que se retrouvent dogmatiquement wokistes et islamistes. Toutes ces valeurs leur sont communes. Ceci expliquerait le changement des noms des vacances scolaires pour éviter toute référence à un passé aboli. Les références chrétiennes sont, pour un woke, les Bouddhas de l’ignorance (Djahiliyya) qu’il faut effacer et proscrire de l’histoire. Cela expliquerait de même l’interdiction des crèches de Noël sur les places publiques, alors qu’on y célèbre en grande pompe les iftars du Ramadan. Le woke a besoin de l’islamisme pour effacer son héritage occidental. Et ce dernier encourage le wokisme en terre d’Occident en vue de détruire ses fondements et de la conquérir pacifiquement là où il avait échoué militairement.

L’une des stratégies des wokes consiste à tuer Dieu et à faire le vide spirituel. Or la nature a horreur du vide qui finira par être comblé par une autre forme de spiritualité. Cette absence de Dieu, son élimination de la civilisation occidentale, avertit le cardinal Robert Sara, est une "tragédie dont les conséquences sont insoupçonnables".

Le cas du Liban

Malgré tous les signaux d’alerte, les wokes sont malheureusement confortés par la légitimité que leur octroient leurs universités. Décorés de grands diplômes, de doctorats et honorés de chaires, ils ont un accès facile aux médias et aux tribunes locales et internationales. L’autorité, la notoriété et la considération qui leur sont dues ne leur laissent plus place au moindre doute sur la justesse de leur combat.

C’est ainsi que, lors des élections estudiantines de 2020, dans l’une des universités chrétiennes de Beyrouth, le doyen de la faculté des sciences politiques s’était déclaré offusqué et fort préoccupé pour l’avenir du pays, face à la victoire remportée par le parti des Forces libanaises. Cette même respectable autorité n’avait jamais exprimé la moindre inquiétude concernant les nombreux sièges remportés auparavant par le parti islamiste du Hezbollah.

Tandis que le 8 mars 2024, l’Irlande votait en masse contre l’introduction de l’idéologie woke destructrice, le Liban mis à terre trouve encore du mal à y faire face. Parmi ses grands universitaires issus des plus prestigieuses institutions nationales anglophones ou francophones, se trouvent des militants donneurs de leçons. Avec condescendance, ces adeptes d’une doctrine ultra-identitaire qu’est le wokisme s’opposent d’emblée à toute proposition fédéraliste visant à sauvegarder la diversité culturelle du Liban, la taxant paradoxalement de proposition identitaire.