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L’envoyé personnel du président français, Emmanuel Macron, pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, a entamé mardi sa nouvelle mission au Liban par un entretien avec le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes, Najib Mikati.

La visite au Sérail revêt un caractère strictement protocolaire, car l’émissaire français sait parfaitement, comme tous les Libanais d’ailleurs, que ce n’est pas auprès de M. Mikati qu’il peut espérer trouver la brèche qui lui permettrait de réaliser une avancée au niveau des deux dossiers de la présidentielle, et, dans une moindre mesure, de la guerre au Liban-Sud.

M. Le Drian, qui clôturera mercredi sa mission de bons offices à Beyrouth, a aussi tenu une réunion à Clemenceau avec le leader druze, Walid Joumblatt, et le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Teymour Joumblatt, avant de s’entretenir avec Sleiman Frangié, chef des Marada et candidat à la présidentielle du tandem Amal-Hezbollah.

Walid Joumblatt a insisté devant son hôte sur la nécessité, pour le Liban, de se doter coûte que coûte d’un chef de l’État, et a fait valoir devant lui qu’il soutiendra tout candidat qui bénéficierait d’un appui chrétien substantiel et qui pourrait garantir un quorum en sa faveur, au cas où le président de la Chambre, Nabih Berry, convoquerait une réunion parlementaire. M. Joumblatt a aussi réaffirmé qu’il n’est pas contre l’élection de Sleiman Frangié, si les conditions nécessaires pour son accession à la tête de l’État sont réunies, et qu’il est également favorable, sans réserves, à l’appel au dialogue lancé par M. Berry. Mais, dans le même temps, il lui a fait savoir qu’il ne souhaite pas embarrasser ce dernier en le poussant à s’engager à convoquer une réunion électorale, avec des tours successifs et un quorum assuré.

Grosso modo, ce que Le Drian a entendu et entendra demain, mercredi, ce sont les mêmes arguments concernant la présidentielle. Il doit être reçu mercredi par M. Berry, qui s’exprime également au nom d’un Hezbollah bien déterminé à ne pas aborder sérieusement le dossier de la présidentielle tant que la guerre à Gaza se poursuit.

Sans grand risque de se tromper, le président de la Chambre va réaffirmer devant l’émissaire français qu’il est, avec le Hezbollah, pressé de voir le Liban se doter d’un président, mais qu’il reste attaché à la candidature de Sleiman Frangié. Il va réitérer son appel à un dialogue qu’il veut présider, mais sans s’aventurer sur la voie d’engagements qui pourraient déboucher sur l’élection d’un président au cas où ce dialogue échouerait.

Quelle brèche?

Certes, Jean-Yves Le Drian va évaluer demain avec les députés du bloc de la Modération nationale les résultats de leur initiative et des concertations qu’ils ont eues avec les représentants des différentes parties politiques pour essayer de débloquer la présidentielle. Celle-ci s’articule, rappelle-t-on, autour de la tenue, Place de l’Étoile, de concertations parlementaires informelles au terme desquelles M. Berry convoquerait une réunion électorale avec des tours successifs jusqu’à l’élection d’un président.

Comme toutes les parties ont réagi favorablement à cette initiative et que le Groupe des cinq (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) semble aussi en faveur d’un dialogue qui briserait l’impasse actuelle, M. Le Drian pourrait bâtir sur cette "positivité" pour essayer de dégager un terrain d’entente autour d’une formule adéquate pour ces concertations.

Mais il lui sera difficile d’ouvrir une brèche à ce niveau. L’opposition – les Forces libanaises notamment – lui dira que la balle n’est pas dans son camp et qu’il faudra impérativement faire pression sur le tandem chiite pour que le président de la Chambre convoque une réunion parlementaire électorale. La dernière, rappelle-t-on, s’est tenue il y a bientôt un an, le 14 juin 2023.

Pour l’opposition, il est tout aussi impératif que le quorum soit assuré et que des concertations parlementaires soient menées rapidement pour voir s’il est possible de s’entendre sur un candidat ou s’il faudra lancer l’opération électorale avec des tours successifs, sans défaut de quorum, jusqu’à ce qu’un président soit élu.

Les forces de l’opposition demandent aussi que le Hezbollah dissocie la guerre dans le sud de l’échéance présidentielle. Elles ne pensent pas qu’il existe le moindre lien entre les deux, le blocage étant antérieur à la guerre déclenchée par l’opération du 7 octobre 2023, lancée par le Hamas contre Israël.

Elles estiment également que les problèmes que M. Le Drian tente de résoudre, avec le Quintette, sont les mêmes qui avaient débouché sur le blocage avant le 7 octobre, mais qu’il faut leur ajouter un nouvel élément: les effets de la guerre à Gaza et la victoire d’ores et déjà annoncée par le Hezbollah, qui en récolte les bénéfices politiques, notamment dans le choix du nouveau locataire de Baabda.

Outre M. Berry et les députés de la Modération, l’émissaire français doit notamment s’entretenir mercredi avec les chefs des Forces libanaises, Samir Geagea, et des Kataëb, Samy Gemayel, ainsi qu’avec le député Mohammad Raad (Hezbollah).