Écoutez l’article

Non seulement le Hezbollah a entraîné le Liban, malgré lui, dans sa guerre contre Israël "en soutien à Gaza", mais il mobilise aujourd’hui les civils pour la campagne qu’il a récemment lancée, afin de "financer l’achat de missiles et l’acquisition de drones pour poursuivre son combat contre l’État hébreu".

Le parti pro-iranien a diffusé, il y a une semaine, deux clips vidéo pour sensibiliser la population à sa campagne, fournissant des numéros de téléphone à des fins de contact et encourageant les civils à "faire partie de la bataille".

Son initiative a soulevé des questions quant à la situation financière de la formation de Hassan Nasrallah, qui maintient une aile militaire avec des milliers de combattants et un vaste arsenal. Ces questions ont été amplifiées par les difficultés financières de l’Iran, principal bailleur de fonds du Hezbollah, soumis à de sévères sanctions américaines et occidentales.

Pourquoi le Hezbollah a-t-il lancé cet appel? Qu’en est-il du soutien inconditionnel de l’Iran? Y aurait-il un lien entre la demande de compensation pour les familles du sud et la levée de fonds?

Engager sa base populaire

"Cet appel serait un moyen d’engager davantage son entourage et sa base populaire dans sa politique" guerrière, commente, pour Ici Beyrouth, le journaliste et politologue Ali Hamadé.

La levée de fonds, estime-t-il, témoignerait "de l’unité et de la solidarité" de ses partisans, montrant que "leur engagement reste aussi fort et solide qu’il l’était au premier jour de la guerre en soutien à Gaza".

Pour Ali Hamadé, cet appel n’était probablement pas dû à des problèmes de financement de l’Iran, "le Hezbollah étant toujours le joyau de la couronne de Téhéran dans la région".

La formation pro-iranienne dispose en outre d’autres moyens de financement. Le politologue met ainsi en avant les moyens de financement illicites de la formation pro-iranienne. Il souligne également son intégration dans l’économie libanaise, mais parallèle, grâce à diverses institutions, la plus connue étant Al-Qard al-Hassan. Cette sorte de banque islamique a émergé lors de la crise économique qui a frappé le Liban en 2020 et opère illégalement dans le pays.

"Il bénéficie également du soutien de pays tels que l’Irak et le Yémen, ainsi que de ses réseaux d’affaires en Amérique latine et en Afrique", poursuit M. Hamadé.

Il n’en demeure pas moins que le parti pro-iranien subit des pressions financières, la "guerre d’usure" dans laquelle il a entraîné le Liban-Sud ayant gravement affecté des dizaines de villages, qui ont été partiellement ou presque complètement détruits depuis le 8 octobre 2023, relève Ali Hamadé. Il souligne que le Hezbollah est de ce fait responsable des 100.000 personnes déplacées de la zone frontalière avec Israël.

Un lien entre la demande de compensation et l’appel aux dons?

Ses cadres ont souvent souligné la nécessité pour l’État libanais d’indemniser les familles qui ont perdu des proches ou des biens, entraînant de vives réactions au sein de l’opposition. Pour celle-ci, et pour de nombreux Libanais hostiles à la formation pro-iranienne, l’État n’est pas censé indemniser des dégâts qui sont, il est vrai, le fait d’Israël, mais dont la responsabilité première incombe au Hezbollah qui s’est arrogé la décision de guerre et de paix.

Toutefois, le 28 mai 2024, le gouvernement d’expédition des affaires courantes a approuvé le déboursement de 93,6 milliards de livres libanaises afin de venir en aide aux familles des victimes des attaques israéliennes menées contre le Liban-Sud, depuis le 8 octobre 2023. Ce décret, basé sur des chiffres du Conseil sud, va bénéficier à 52 familles de combattants tués dans un premier temps, sur un total de 428 familles affectées.

Sur ces 428 familles, seules 64 sont celles de civils tués au Liban-Sud jusqu’au 22 mai 2024.

La décision du Conseil des ministres a bien entendu suscité un tollé. Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a été interpellé, notamment par les Forces libanaises, sur la légalité de telles compensations, provenant de fonds libanais et destinés à des combattants partis en guerre sans autorisation de l’État.

"Il ne fait pas de doute qu’il existe un lien entre la demande de compensation et l’appel aux dons", estime Ali Hamadé, qui rappelle cependant les sanctions imposées par l’Occident au Hezbollah. "Il  ne sera facile de faire un don à cette formation, surtout si l’argent provient de personnes riches ou d’hommes d’affaires de la communauté chiite", relève-t-il.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !