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La procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, a eu le culot de tweeter dimanche matin sur son compte X: "Ce pays ne mérite pas la justice, il mérite un régime mafieux qui contrôle toutes ses ressources. […] La lutte contre la corruption n’a plus de sens. Je pars au moins avec la conscience tranquille. Félicitations pour ce système corrompu!"

Un tweet qui s’inscrit quelques jours après son dessaisissement de tous les dossiers sur lesquels elle planchait par le procureur général par intérim près la Cour de cassation, le juge Jamal Hajjar, alors qu’elle avait été démise de ses fonctions. Mme Aoun avait été sanctionnée ainsi, en mai 2023, par le Conseil de discipline de la magistrature, à cause de son comportement contraire aux règles de la profession. Mais la juge a décidé, encore une fois, de ne pas se soumettre aux décisions la concernant, allant même jusqu’à attaquer le procureur, l’accusant d’"usurper" sa fonction.

Mme Aoun semble souffrir d’amnésie sélective. Ses frasques durant les dernières années sont du jamais-vu dans l’histoire du système judiciaire libanais. Mme Aoun avait commis des violations flagrantes et à répétition. Forte de l’appui politique du Courant patriotique libre dont elle bénéficie, elle faisait fi de toutes les procédures judiciaires engagées à son encontre pour freiner des débordements comportementaux principalement préjudiciables à la magistrature et au pays. Elle dénigrait ouvertement ses supérieurs sur les réseaux sociaux, qu’elle exploitait au service de ses campagnes, et au détriment des principes élémentaires de justice. Elle refusait de comparaître devant le conseil de discipline et d’être notifiée des nombreux recours présentés contre elle. Elle décrédibilisait ceux qui s’opposaient à son comportement au sein de la magistrature, elle donnait de la justice libanaise l’image d’une institution divisée et faible, parce qu’instrumentalisée en partie.

Experte du "deux poids deux mesures", "la juge de l’ancienne garde et du mandat chaotique", n’est autre que LA juge du système corrompu, mafieux et abusif dont elle se plaint aujourd’hui! Quels sont ses accomplissements à part lancer des chasses aux sorcières et exercer des abus de pouvoir? N’était-elle pas fière de son allégeance au CPL et se battait corps et âme pour que l’agenda du parti aouniste (dont le chef est sous lourdes sanctions américaines pour corruption!) soit réalisé, faisant fi des conséquences que cela pourrait avoir sur le pays? Si c’est cela avoir "la conscience tranquille" comme elle l’a mentionné dans son tweet, faudrait-il qu’elle commette un crime pour que sa conscience soit mise à l’épreuve? Ceci demeure discutable, puisqu’elle était – sans équivoque – le bourreau de feu Michel Mecattaf et avait indiscutablement provoqué sa mort.

En effet, de l’affaire de la société de M. Mecattaf jusqu’au dossier des banques libanaises, la magistrate, bien que ce titre ne lui convienne pas, avait multiplié les débordements mais aussi ses déchaînements sur les réseaux sociaux – agissements prohibés par les textes de loi. Elle avait également ignoré, et à plusieurs reprises, des décisions de son supérieur hiérarchique de l’époque, le procureur de la République Ghassan Oueidate. Ce dernier avait pris la décision de la dessaisir des dossiers financiers après les poursuites qu’elle avait engagées au printemps 2021 contre Michel Mecattaf et sa société, qu’elle accusait de manière fallacieuse d’avoir effectué, de manière illégale (à ses yeux), des transferts de fonds vers l’étranger à la fin de l’année 2019 – alors que les activités de la compagnie étaient légales et conformes aux règles et aux régulations monétaires locales et internationales. Elle avait aussi saisi les documents et les ordinateurs de la société et les avait confiés à une "mante religieuse" réputée pour être proche du régime de Bachar el-Assad.

Plus encore, Ghada Aoun avait fermé les yeux, toujours sans états d’âme, sur le développement de l’institution financière du Hezbollah, Al-Qard el-Hassan, aux sources de financement occultes, sous divers prétextes tous très peu convaincants, réorientant toujours l’attention sur le secteur bancaire libanais, pourtant régi par des lois et des codes légaux. Mme Aoun préfèrerait donc laisser le pays sombrer sous le diktat d’une milice pro-iranienne, au lieu de lutter pour des institutions libanaises légitimes et légales.

Morale de l’histoire: Ghada Aoun n’est pas parvenue – fort heureusement – à détruire deux secteurs fondamentaux du pays: la justice et le secteur bancaire. Elle restera néanmoins à jamais notoire pour ses poursuites burlesques, ses comportements indignes de sa position et ses tweets névrosés. Chère Ghada Aoun, c’est à notre tour de vous féliciter!