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C’est une lutte entre ceux qui défendent strictement la Constitution et ceux qui tentent de contourner les règles établies au profit des usages. En réalité, l’élection d’un nouveau président de la République repose sur le respect du texte constitutionnel, et le consensus ne pourra émerger qu’une fois cet engagement affirmé.

 

Alors que les forces de l’opposition s’efforcent de débloquer la présidentielle selon une feuille de route clairement établie, axée sur le respect du processus constitutionnel pour l’élection du président de la République, les forces obstructionnistes s’emploient à critiquer cette approche, en recourant à des tactiques pour semer le doute, diffuser de fausses informations et propager des mensonges, afin de compromettre toute tentative de solution.

En exigeant que le dialogue soit présidé par le chef du Parlement, Nabih Berry, comme condition sine qua none pour mener à bien cette échéance, le tandem Amal-Hezbollah accentue l’incertitude autour du dossier et met en péril l’élection. En effet, leur objectif est d’imposer leur candidat et de gérer le dossier selon leur propre désidérata.

C’est une bataille que l’opposition mène pour affirmer le droit d’appliquer la Constitution sans détour. Si la Constitution est claire, pourquoi la contourner en invoquant le consensus ?

En réalité, la proposition de l’opposition repose sur la consultation parlementaire, un principe auquel elle est restée fidèle. Le véritable problème réside donc dans le refus du dialogue, que les forces obstructionnistes exploitent habilement pour contourner le texte et servir leurs propres intérêts. Par conséquent, l’opposition ne cédera jamais à cette manœuvre, quelles que soient les circonstances. Bien qu’elle ne soit pas encline à entrer dans des débats stériles, elle n’hésitera pas à affirmer ses véritables intentions si nécessaire.

Il est évident que pour l’opposition, le respect de la Constitution reste la voie valable, comme en témoigne leur feuille de route. Insister sur ce principe est leur principale arme contre toute autre alternative.

Mais que stipule la Constitution sur le recours au dialogue pour l’élection d’un président de la République, et pourquoi déroger à la règle constitutionnelle fondamentale dans ce contexte ?

Dans une interview accordée à "Houna Loubnan", le constitutionaliste Saïd Malik explique que, selon le droit constitutionnel, la coutume établie émane de  pratiques constantes et répétitives qui influencent les considérations constitutionnelles. Certains juristes estiment que ces coutumes, par leur répétition dans des contextes similaires, acquièrent une force contraignante sur le plan juridique.

Ainsi, si le dialogue préalable à chaque élection présidentielle devient une pratique reconnue et acceptée, il finira par être intégré dans les principes constitutionnels. En conséquence, cette pratique sera considérée comme une règle juridiquement contraignante pour toutes les élections futures.

De même, selon l’éminent juriste et professeur de droit constitutionnel français Georges Vedel, tout précédent qui dévie du droit positif, c’est-à-dire de la Constitution, constitue une violation de la règle juridique écrite. Selon lui, la coutume, dans ce cas, équivaut à un renoncement à la Constitution dans son sens traditionnel.

De plus, certains experts en droit constitutionnel vont jusqu’à affirmer que la coutume pourrait prévaloir sur une disposition constitutionnelle.

Aujourd’hui, pour qu’une coutume constitutionnelle se développe, il suffit qu’un facteur moral s’ajoute à l’élément matériel, lorsque la communauté estime que ce comportement désormais indispensable, car il représente une solution appropriée. Ainsi, la coutume constitutionnelle vient compléter la Constitution, en incarnant une norme qui, au sein de la communauté, est perçue comme obligatoire et devant être respectée et appliquée comme telle.

D’après Me Malik, la condition d’un dialogue préalable à l’élection instaure une coutume qui modifie la Constitution, en établissant une règle non prévue par le texte constitutionnel. Cette pratique pourrait, à terme, devenir une coutume qui altère les dispositions constitutionnelles et compromet le mécanisme d’élection du président de la République tel qu’initialement défini.

Par ailleurs, la proposition du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, de remplacer la coutume par un document écrit signé par les parties concernées est perçue comme une hérésie constitutionnelle. En effet, la coutume se construit d’abord à travers la conviction collective et le sentiment partagé au sein de la communauté, qui considère le dialogue préalable comme une étape indispensable du processus électoral. Un document écrit ne pourra pas freiner l’émergence d’une coutume susceptible de modifier les dispositions constitutionnelles. Il est donc crucial de choisir entre le respect strict de la Constitution et l’acceptation de propositions qui cherchent à instaurer de nouvelles coutumes contraires aux principes et à l’esprit du texte constitutionnel.

C’est une lutte entre ceux qui défendent strictement la Constitution et ceux qui tentent de contourner les règles établies au profit des usages. En réalité, l’élection d’un nouveau président de la République repose sur le respect du texte constitutionnel, et le consensus ne pourra émerger qu’une fois cet engagement affirmé.