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Roumieh, la plus grande prison du Liban, qui abrite plus de 4.000 détenus alors que sa capacité effective ne devrait pas dépasser les 1.200 personnes, est confrontée à des problèmes graves à tous les niveaux: bâtiments délabrés, manque d’équipement de sécurité, surpopulation, pénurie de médecins, de fournitures médicales et de soins d’urgence, sans parler des problèmes liés à l’alimentation et à l’hygiène.

Les conditions des prisons au Liban ne répondent même pas aux normes minimales du respect de la dignité humaine mondialement reconnues. Aujourd’hui, elles se transforment progressivement en lieux de torture physique et psychologique, où les détenus deviennent des victimes potentielles, constamment menacées de mort, à l’instar des geôles des régimes totalitaires.

L’amélioration des conditions inhumaines dans les prisons se fait toujours attendre, tandis que les appels des prévenus en attente de leur procès se font de plus en plus pressants. Certains en viennent même à se réjouir d’être menottés et conduits aux salles d’audience, nourrissant un mince espoir d’améliorer leur situation et de soulager leurs souffrances si l’audience se tient comme prévu.

Dans un acte de protestation récent, les détenus du bâtiment B de la prison de Roumieh ont annoncé un confinement total en signe de protestation contre les conditions de vie déplorables. Cette décision intervient à la suite du décès tragique de leur compagnon Omar Homayed, qui a succombé à une crise cardiaque sans avoir reçu l’assistance médicale nécessaire.

Partant, les prisonniers ont décidé d’entamer une grève de la faim et de boycotter le kiosque de la prison, menaçant de poursuivre leurs actions pacifiques tant que leurs revendications humanitaires en matière de soins médicaux, d’alimentation et de médicaments ne seront pas satisfaites. Ils exigent également une rencontre avec un représentant du gouvernement pour exposer leur situation désastreuse et transmettre leurs demandes directement au Premier ministre Najib Mikati.

Chaque prisonnier est un "projet de mort lente"

Houna Loubnan a contacté par téléphone Mahmoud M, détenu dans le bâtiment B pour tenter de comprendre les raisons de cette escalade. Selon Mahmoud, la souffrance des détenus, qui dure depuis de longues années, a été aggravée par la mort d’Omar Homayed. Chaque prisonnier est donc dans un état de mort lente. Selon Mahmoud, la souffrance des détenus s’est intensifiée au fil des ans, culminant avec le décès d’Omar Homayed, ce qui a exacerbé le sentiment de détresse parmi les prisonniers. Il décrit la situation actuelle comme une "mort lente" pour chaque détenu, qui risque de mourir à tout moment en raison des conditions médicales insuffisantes et du manque de services de base. Mahmoud explique que les détenus ont contacté l’administration de la prison pour exprimer leurs demandes humanitaires: la présence permanente d’un médecin de garde, des soins d’urgence et une ambulance à proximité. Ils ont également demandé que les familles puissent apporter de la nourriture régulièrement. Face au refus de ces demandes, ils ont opté pour des mesures pacifiques, comme la grève de la faim et le boycott du kiosque, pour faire entendre leur voix.

Le détenu du bâtiment B décrit la situation de la prison de Roumieh comme catastrophique: "Depuis des années, nous souffrons et appelons à l’aide, mais personne ne nous entend ni ne parle de nos souffrances." Mahmoud souligne la détérioration des conditions depuis le début de la crise économique au Liban en 2019, appelant les autorités à prendre leurs responsabilités avant que davantage de détenus ne meurent en raison de la négligence médicale et de l’absence de conditions de vie décentes.

Roumieh… inhumanité

La situation des prisons au Liban est globalement désastreuse, oscillant entre mauvaise et très mauvaise, voire inhumaine. Les réformes et efforts de réhabilitation sont quasiment inexistants. Sans les initiatives individuelles de certaines associations locales et civiles, la situation serait encore plus grave. Les souffrances des détenus se manifestent périodiquement par des émeutes, des tentatives d’évasion ou des actes d’automutilation.

La prison de Roumieh, la plus grande du Liban, est particulièrement affectée par des problèmes graves à tous les niveaux: bâtiments délabrés, équipements de sécurité obsolètes, surpopulation, pénurie de médecins, de fournitures médicales et de premiers soins, ainsi que des problèmes liés à l’alimentation et l’hygiène. Les conditions sont si déplorables que les détenus qualifient l’établissement d’"écurie".

Houna Loubnan a rapporté les préoccupations des détenus à une source officielle au sein de la prison centrale de Roumieh. Cette source a confirmé que "la situation se détériore de jour en jour: la surpopulation est extrême et les gardes sont rares pour effectuer les diverses tâches à l’intérieur de la prison, telles que les escortes et la garde. Les soins médicaux sont bien en deçà des normes humaines requises et la qualité de la nourriture a considérablement baissé. Même le poulet, qui était servi deux fois par semaine, a disparu des repas, ne laissant place qu’à de la viande hachée cuite avec du riz, servie trois fois par semaine. Les bâtiments et les installations sanitaires sont également dans un état de délabrement avancé."

Selon la source, le problème principal de la prison de Roumieh réside dans la lenteur des procès et audiences, qui peuvent s’étendre sur des années, avec des jugements prononçant parfois des peines inférieures à la durée de détention déjà purgée par le prisonnier, si ce dernier n’est pas acquitté. La source appelle à "revoir les peines élevées afin de réduire la surpopulation".

Un autre problème majeur de la prison est la présence d’étrangers, notamment des Syriens, qui représentent plus de 40% des détenus, un pourcentage très élevé nécessitant une solution immédiate. Elle ajoute: "Nous avons été informés des demandes des détenus qui ont décidé de refuser la nourriture, l’eau et les médicaments jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites. Nous transmettrons leurs demandes aux parties concernées. Ces demandes se résument ainsi:

  • La présence d’un médecin au sein de la prison 24 heures sur 24.
  • La mise en place d’une pharmacie disposant de médicaments d’urgence (comprimés sublinguaux pour l’hypertension, seringues d’insuline pour le diabète, etc.)
  • L’octroi d’aides matérielles (vivres, conserves, couvertures, etc.)
  • La transmission de leurs demandes et souffrances au Premier ministre pour trouver des solutions".

La prison de Roumieh est l’une des plus grandes du Liban, abritant plus de 4.000 détenus, alors que sa capacité effective ne devrait pas dépasser les 1.200 personnes. Les mouvements de protestation s’y sont multipliés au cours de la dernière décennie. Bien que cette fois-ci, les actions des détenus aient pris un caractère pacifique, de nombreuses émeutes et rébellions ont eu lieu, notamment en 2020 en raison de la peur du coronavirus, et en 2015 et 2011 lorsque la rébellion a conduit à la prise d’otages parmi les agents de sécurité et à l’incendie de matelas et de biens.

Les autorités concernées doivent impérativement prendre des mesures urgentes pour améliorer les conditions de détention. Il est crucial que les prisons ne deviennent pas des lieux de rancœur et de haine envers leurs geôliers, mais plutôt des espaces de réhabilitation efficaces, capables d’aider les détenus à se réinsérer dans la société et à être acceptés après leur libération.

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