Israël a lancé, le 17 septembre, une cyberattaque sans précédent visant des membres du Hezbollah sur l’intégralité du territoire libanais. L’État hébreu a fait exploser les bipeurs portés par les membres du groupe militant… et ce à l’insu des États-Unis, plus grand allié d’Israël. Que dit la presse occidentale sur cet évènement médusant et fort révélateur?

Gold Apollo: de Taïpei à Beyrouth

Si ce sont les bipeurs qui ont explosé, il serait judicieux de commencer par s’interroger sur leur source. Il s’avère qu’ils portaient tous le logo de Gold Apollo, un fabricant de systèmes de radiomessagerie sans fil, basé à Taïwan.

Selon des responsables du Hezbollah, plus de 3.000 bipeurs ont été commandés à Gold Apollo. Pourtant, la société taïwanaise a affirmé mercredi que les bipeurs piégés du Hezbollah, portant sa marque, ont été produits et vendus par son partenaire hongrois BAC.

Le modèle mentionné dans les médias "est produit et vendu par BAC", déclare Apollo Gold dans un communiqué, après que le New York Times a rapporté que les bipeurs du groupe taïwanais étaient impliqués dans les explosions. "Notre entreprise n’apporte que l’autorisation d’utiliser la marque et n’est pas impliquée dans la conception et la fabrication" de ce bipeur, a-t-il insisté. Mais comment ces bipeurs ont-ils explosé?

Chaîne logistique infiltrée?

Un premier rapport, avancé par le New York Times, suppose qu’Israël aurait caché des explosifs dans une cargaison de bipeurs commandée par le Hezbollah à Gold Apollo. Ces bipeurs, principalement des modèles AR924, auraient été piégés avec des charges explosives placées à côté de la batterie, prêtes à être déclenchées à distance.

Selon cette version, un message envoyé à 15h30 mardi aurait semblé provenir de la direction du Hezbollah, mais aurait en réalité activé les explosifs dissimulés dans les appareils. Les explosions ont provoqué un véritable carnage, notamment parmi les membres du Hezbollah utilisant ces appareils.

Des experts en cybersécurité, dont Mikko Hypponen de la société WithSecure, ont affirmé que la force des explosions laissait penser à une manipulation des bipeurs bien plus poussée qu’un simple dysfonctionnement de batterie.

Cela soutient l’hypothèse d’une infiltration minutieuse de la chaîne logistique du Hezbollah par les services israéliens, permettant l’insertion d’explosifs sophistiqués dans les dispositifs. Et quel était le but d’une telle attaque?

Israël passé au plan B?

Une autre hypothèse, défendue par Al-Monitor et Axios en citant des responsables israéliens, suggère qu’Israël avait initialement prévu de faire exploser ces appareils uniquement en cas de conflit de grande envergure avec le Hezbollah. L’objectif était d’obtenir un avantage stratégique majeur en perturbant les communications du groupe.

Axios cite un ancien responsable israélien ayant connaissance de l’opération. Ce dernier a déclaré que les services de renseignement israéliens prévoyaient d’utiliser les bipeurs piégés qu’ils avaient réussi à "placer" dans les rangs du Hezbollah comme coup d’envoi surprise d’une guerre totale pour tenter de paralyser le Hezbollah.

Cependant, des soupçons au sein du Hezbollah auraient conduit à l’exécution anticipée du plan. Al-Monitor affirme, en citant des sources israéliennes, qu’un premier membre du Hezbollah aurait été tué après avoir détecté une anomalie dans les bipeurs. Peu de temps après, un autre membre du groupe, ayant prévu d’informer ses supérieurs des possibles failles, aurait précipité la décision israélienne.

Craignant la découverte du plan, Israël aurait opté pour une activation immédiate des explosifs, causant ainsi les dommages importants observés.

Néanmoins, cet incident, où technologie et stratégie s’entremêlent, pose une question troublante: jusqu’où la guerre de l’information peut-elle aller, lorsqu’elle s’immisce dans des objets aussi anodins que des bipeurs pour causer tant de destruction?