L’Unicef met en garde contre la baisse significative de la vaccination de routine au Liban, qui a reculé de 31%. Ce qui est d’autant plus inquiétant que les enfants non vaccinés sont exposés à des maladies potentiellement mortelles.

"De nombreux enfants ne reçoivent pas leur vaccin de routine. Bien que nous leur offrions les vaccins, leurs parents n’ont pas de quoi payer le transport pour les amener ici". Tel est le triste constat d’Imane, une infirmière dans un centre de soins de santé primaires, rapporté par l’Unicef dans son nouveau rapport intitulé Aggravation de la crise de santé pour les enfants.

Rendu public mercredi à l’occasion de la semaine mondiale de la vaccination qui se déroulera du 25 avril au 1er mai, le rapport souligne la baisse significative de la vaccination de routine au Liban. Selon le document, celle-ci a reculé de 31%, sachant qu’avec la pandémie du Covid-19, elle avait baissé "de manière inquiétante". "De ce fait, de nombreux enfants sont aujourd’hui non vaccinés" et par conséquent "exposés à des maladies potentiellement mortelles, comme la rougeole, la diphtérie et la pneumonie", lit-on dans le rapport.
L’Unicef indique que même avant la pandémie, "les taux de vaccination étaient bas". Une étude a ainsi montré qu’en 2019, "seuls 39% des enfants avaient reçu l’ensemble des vaccins essentiels, alors que 35% des enfants âgés de 9 mois n’ont pas été vaccinés contre la rougeole". "Ce qui est inquiétant, d’autant que le Liban connaît depuis 2013 des flambées de rougeole", met en garde l’Unicef.

D’après le rapport, le nombre des enfants n’ayant pas reçu leur première dose du vaccin pentavalent, qui confère une immunité contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et l’Haemophilus influenzae type b (Hib), est passé de 4% en 2019 à 13% en 2020. Un chiffre qui devrait augmenter avec la chute de la vaccination, sachant que de plus en plus de familles se tournent vers le secteur public, "y compris celles qui dans le passé comptaient sur le secteur privé pour faire vacciner leurs enfants". "Seuls deux enfants sur 10 sont reçoivent leurs vaccins dans le secteur privé, contre 4 sur 10 avant la crise économique", souligne le rapport.

La crise économique et financière a en outre empêché de nombreux parents d’assurer des soins de santé adéquats à leurs enfants. Tel est le cas de Khayriya qui confie à une équipe de l’Unicef que le programme public d’assurance médicale sur lequel est inscrite sa benjamine n’a pas "les fonds nécessaires pour lui permettre de poursuivre son traitement dans un hôpital gouvernemental". "Je vais payer pour effectuer les tests cardiaques nécessaires, mais je n’ai pas assez d’argent pour lui acheter les médicaments dont elle a besoin", confie-t-elle.

D’après le document, entre avril et octobre 2021, le taux des enfants qui n’ont pas eu accès aux soins médicaux nécessaires est passé de 28% à 34%. Selon une autre étude de l’agence onusienne, plus de 50% des familles étaient dans l’incapacité d’obtenir les médicaments dont elles avaient besoin.

"Avec 80% de la population vivant dans la pauvreté, les nouvelles hausses des prix du carburant et des denrées alimentaires sont susceptibles de pousser les gens à prendre davantage de décisions douloureuses, comme le fait de réduire encore plus les dépenses en matière de santé", indique le rapport.

Mortalité néonatale et maternelle
Par ailleurs, le document met l’accent sur la mortalité néonatale – survenant dans les quatre semaines qui suivent la naissance – qui a augmenté de manière dramatique parmi les réfugiés passant de 65 décès néonataux au cours du premier trimestre de 2020 à 137 lors du troisième trimestre. "Le Liban a connu un progrès remarquable en matière de réduction des décès maternels, mais les chiffres ont augmenté de nouveau entre 2019 et 2021 passant de 13,7 à 37 décès pour 1.000 naissances", constate l’Unicef.

L’agence onusienne fait remarquer à cet égard que les disparités en matière de santé maternelle, néonatale et pédiatrique ont augmenté au Liban et l’accès aux soins de santé primaires devient de plus en plus difficiles avec la diminution des lits d’hôpitaux notamment dans les services des soins maternels et pédiatriques. Aussi, une évaluation rapide menée par l’Unicef en mars 2022 a-t-elle conclu à une baisse de 12,6% des lits dans les services de soins maternels, sachant que la capacité d’accueil des hôpitaux – tous services confondus – a baissé de 25,2% à Beyrouth et au Mont-Liban et de 28,6% dans la Békaa, à Baalbeck et au Hermel.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est la capacité d’accueil dans les services pédiatriques qui a également chuté de manière alarmante, avec une baisse moyenne de 27,3% dans l’ensemble du pays. Les lits dans les unités de soins intensifs pédiatriques ont diminué de 12% et ceux des soins intensifs néonatals de 5,5%, selon l’Unicef qui souligne que cela a un impact sur les capacités de traiter des nouveau-nés ou des enfants gravement malades.

D’après l’Unicef, les lits dans les unités de soins intensifs pédiatriques ont diminué de 12% et ceux dans les soins intensifs néonatals de 5,5%.
©Unicef/Choufany

Malnutrition
Les crises qui sévissent dans le pays accentuent en outre la malnutrition et l’insécurité alimentaire, souligne l’Unicef, rappelant que des études précédentes avaient montré que le nombre des enfants ayant été obligés de sauter un repas est passé de 37% en avril 2021 à 53% en octobre 2021. La situation est plus dramatique pour les enfants de moins de 2 ans, "plus de 90% d’entre eux n’ayant pas accès à une alimentation diversifiée ou à un système alimentaire durant cette période cruciale de leur vie".

L’Unicef note en outre qu’en 2021, 7% des enfants affichaient un retard de croissance, un chiffre qui s’élevait à 10% et à 26% respectivement parmi les réfugiés palestiniens et syriens. Or "le retard de croissance est un indicateur de malnutrition et d’insécurité alimentaire", souligne l’agence onusienne, qui indique que "la malnutrition notamment au cours des mille premiers jours allant de la conception jusqu’à l’âge de 2 ans peut avoir des conséquences sévères et irréversibles, comme le retard scolaire, une faible productivité et un risque accru de maladies chroniques".

"Une malnutrition est également constatée parmi les mères, 41% des femmes et 43% des enfants âgés entre 6 et 59 mois souffrant d’anémie", précise-t-on dans le rapport. "Durant la grossesse et la période d’allaitement, l’anémie est associée à un faible poids à la naissance, à une naissance prématurée et à une mortalité maternelle".

L’Unicef conclut en insistant sur la nécessité d’œuvrer pour vacciner les enfants et de veiller à ce qu’ils reçoivent leurs doses conformément au calendrier vaccinal. Elle appelle également à déployer les efforts pour améliorer le bien-être nutritionnel des enfants et des femmes afin d’éviter l’aggravation de la malnutrition. "Avec cette crise dévastatrice qui entre dans sa troisième année et qui risque de s’aggraver, il est crucial que les différentes parties concernées déploient les efforts nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires et alimentaires des enfants et femmes vulnérables", a déclaré dans ce cadre Ettie Higgins, représentante de l’Unicef au Liban.