Le gouvernement a décidé de mettre en place un Fonds de développement du Liban-Nord.

Le Conseil des ministres a entendu mardi les explications des autorités militaires concernant le naufrage d’une embarcation de clandestins, dans la nuit de samedi à dimanche au large de Tripoli, au cours d’une réunion extraordinaire au Palais de Baabda, sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun. Il a confié l’enquête au tribunal militaire et a décidé de mettre en place un Fonds de développement du Liban-Nord pour lutter contre la pauvreté dans cette partie du pays. L’enquête sera menée par la justice militaire.

Après une minute de silence à la mémoire des victimes, le président a jugé nécessaire, dans une brève allocution, de "régler tous les éléments en rapport avec ce drame", appelant la justice à mener l’enquête "compte tenu des récits contradictoires (…) dans un souci d’élucider la vérité sur les circonstances du naufrage" dans lequel au moins sept personnes ont péri. Les recherches se poursuivaient toujours mardi matin en mer pour tenter de retrouver de personnes portées disparues. Le gouvernement devait d’ailleurs charger les ministres de la Défense, Maurice Slim, et des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, de solliciter l’aide d’institutions internationales afin de repêcher les corps mais aussi l’épave pour les besoins de l’enquête. dans ce contexte, il a été demandé à l’armée d’intensifier les opérations de recherches, avec l’aide de la Finul pour retrouver les personnes toujours portées disparues.

Le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, ainsi que le commandant de la force navale, le général Haytham Dennaoui et le directeur des services des renseignements de l’armée, le général Antoine Kahwaji qui ont pris part à la réunion, ont exposé aux ministres dans les détails ce qui s’était produit dans la nuit de samedi à dimanche, lorsqu’une vedette de l’armée avait essayé d’empêcher une embarcation transportant plus de soixante clandestins dont des enfants et des femmes, de poursuivre sa traversée vers les côtes européennes. Ils ont exposé aux ministres la chronologie des événements de la nuit du drame, photos et documents à l’appui, ainsi que les tentatives menées par les forces navales pour sauver les clandestins tombés dans l’eau. Ils ont également fait projeter une vidéo qui montre que l’embarcation a été percutée sur le côté pour l’empêcher de poursuivre sa route, ce qui prouve que l’armée ne l’a pas fait couler.

Les trois généraux ont affirmé se mettre à la disposition des autorités judiciaires afin que cette affaire soit tirée au clair. D’autres hauts officiers ont également pris part à la réunion:

Le chef du gouvernement, Najib Mikati, a dans ce contexte exprimé son opposition aux "accusations lancées arbitrairement au sujet des causes du naufrage", en allusion aux invectives d’une partie des parents des victimes qui ont essayé de faire assumer à l’institution militaire la responsabilité du drame.

M. Mikati a assuré que cette affaire sera suivie "conformément aux procédures judiciaires et de sécurité". "Il faut que les investigations soient complètes", a-t-il déclaré, en se disant confiant dans le commandement de l’armée qui est "soucieux de préserver la vie de tous les Libanais et la crédibilité des investigations".

Au cours de cette réunion, c’est tout le problème de l’immigration clandestine qui a été posé et examiné, sur base de rapports montrant l’existence d’un réseau de passeurs, composé de Libanais et de Syriens. Une décision devait être prise de lutter contre ce phénomène qui s’est aggravé avec l’exacerbation de la crise économique, financière et sociale. Aussi, le gouvernement a-t-il chargé le ministère des Travaux publics de donner ses instructions pour que l’ensemble des embarcations qui naviguent dans les eaux libanaises soient enregistrées auprès des autorités portuaires concernées dans un délai maximal de trois mois, sous peine de saisir les bateaux non enregistrés passé ce délai.

En novembre dernier, une quinzaine de Libanais avaient traversé la Méditerranée, avec une escale à Chypre, pour se rendre en Italie, seul pays qui ne refoule pas les migrants (lire à ce sujet: Lorsqu’on n’a plus rien à perdre, plutôt mourir une fois que de mourir à petit feu).

Le gouvernement a également décidé de mettre en place un Fonds d’aide au Liban-Nord. À cette fin, une décision a été prise de former une commission ministérielle dont la mission sera d’élaborer un projet de loi portant création de cet organisme.

Selon le ministre de l’Information, Ziad Makari, qui a donné lecture des résolutions du Conseil des ministres, le ministre des Affaires sociales, Hector Hajjar, a été chargé d’entrer en contact avec les organisations internationales compétentes pour que des aides puissent être acheminées aux familles des victimes. M. Hajjar a été en outre prié d’amender les textes en vigueur pour élargir l’éventail de personnes qui bénéficient des deux programmes d’assistance aux couches les plus précaires de la population. Ce dernier a proposé au Conseil des ministres de verser les sommes dues aux ONG sociales et religieuses. Sa demande a été acceptée par le Conseil des ministres sachant qu’elle avait été contestée, notamment à l’approche des élections, parce qu’il semble que plusieurs ONG relèvent en fait de partis politiques.

Parallèlement, le Haut comité de secours a été chargé d’accompagner les familles des familles au cours de cette période et de débloquer des fonds au besoin, sur base du douzième provisoire, afin de leur venir en aide.

Sur un autre plan, le Conseil des ministres a dénoncé les incidents de sécurité itinérants, stigmatisant en particulier l’agression de dimanche contre le ministre de l’Energie, Walid Fayad, bousculé par un groupe en colère à sa sortie d’un bar à Beyrouth. Il a demandé aux services de sécurité de prendre les mesures nécessaires pour " interdire les atteintes aux individus et aux propriétés privés ".

Cette décision suscite cependant des craintes dans la mesure où elle peut servir de prétexte pour museler davantage les opposants au pouvoir en place. Quelques heures après la fin du Conseil des ministres, trois activistes Maeline Sarkis, Michel Doueiri et Sally Hafez ont été convoqués mercredi devant le service de Sécurité de l’Etat. Les trois sont soupçonnés d’avoir pris part à l’agression contre Walid Fayad.