Après que la Direction générale de la Sûreté générale (DGSG) a annoncé, mercredi dernier, l’arrêt de l’octroi de rendez-vous aux demandeurs de passeports, via sa plateforme, à cause d’un problème de financement, Ici Beyrouth a appris, de sources informées, que le ministre des Finances, Youssef Khalil, a promis au directeur général de la SG, Abbas Ibrahim, de transférer l’argent requis après la fête du Fitr.

La direction de la Sûreté générale (DGSG) a annoncé mercredi dernier l’arrêt de l’octroi de rendez-vous aux demandeurs de passeports, via sa plateforme, à cause d’un problème de financement. Cette annonce a soulevé la colère des citoyens contraints de quitter le pays pour des raisons vitales et de ceux qui sont à l’étranger, qui risquent d’être expulsés et rapatriés, faute de passeport valide.  " On dirait que le gouvernement et les institutions sécuritaires tiennent à prouver au monde entier qu’ils détiennent les rênes du pouvoir et que les citoyens sont leur otage. Quelle ignominie ! Que signifie être Libanais au plan international sans avoir de passeport ? ", déplore un jeune citoyen de 30 ans, venant d’être embauché après un long chômage par une maison de publicité en Allemagne.

Dans un communiqué qu’elle a publié jeudi, la DGSG explique que cette suspension est provisoire : elle durera tant que le problème financier persistera. Cependant, toute personne ayant déjà obtenu un rendez-vous sur la plateforme recevra son passeport à la date qui lui a été fixée. La décision vise, selon cette institution, à " préserver la crédibilité de la SG auprès des Libanais à qui elle ne peut pas fixer de rendez-vous sans être sûre de pouvoir les servir ". Dans le même communiqué, la DGSG précise qu’avant que la situation ne s’aggrave, elle avait lancé la procédure prévue par les lois, " mais, à ce jour, les fonds nécessaires n’ont pas été versés ".

Achat de 400.000 passeports

Ici Beyrouth a appris, de sources informées, que le ministre des Finances, Youssef Khalil, a promis au directeur général de la SG, Abbas Ibrahim, de transférer l’argent requis après la fête du Fitr.  Aussitôt, la plateforme sera rouverte et la réception des demandes reprendra. Selon l’agence locale d’information al-Markazya, ce problème a été soulevé par le ministre des Déplacés, Issam Charafeddine, lors de la dernière séance du Conseil des ministres. Décision aurait été prise d’acheter 400.000 passeports et de débloquer le budget nécessaire à cette fin.

Toutefois, il serait légitime de se demander comment l’État gèrera-t-il cette affaire, sachant, d’une part, que 199.073 réservations sont enregistrées sur la plateforme et que les dates correspondantes sont prévues jusqu’en avril 2023, sans compter, d’autre part, que 20.000 passeports émis n’ont pas été retirés par leurs propriétaires et 69% n’ont pas été utilisés.

Historique du blocage

Une autre source retrace à Ici Beyrouth l’historique du blocage des passeports. Elle rapporte qu’un nouvel accord a été conclu en 2021 avec la société étrangère chargée de l’impression de passeports libanais selon les critères internationaux, vu que le Liban ne dispose pas de firme capable d’exécuter ce travail dans les conditions exigées mondialement. Cette même source, explique que la Sûreté Générale (SG), prévoyant l’épuisement du stock, en avait informé le ministère de l’Intérieur et celui des Finances. Un décret a été promulgué pour transférer la somme de 14 millions de dollars de la réserve budgétaire annuelle à la SG. Toutefois, constate-t-elle, le problème réside dans la façon dont l’argent doit être versé.  " La SG suit l’affaire, mais ce n’est pas son rôle de savoir comment l’argent doit être payé ", insiste cette même source, précisant que tout service rendu par l’État doit être réglé selon la loi de la monnaie et du crédit.

Or les 14 millions de dollars valaient 22 milliards de livres libanaises, sur base d’un taux de change de 1500 LL. Et les redevances sont précisées et approuvées dans le budget de 2019 et ne peuvent être modifiées par un décret gouvernemental, mais plutôt par une loi émise par le Parlement.

D’aucuns soulignent que la Banque du Liban (BDL) n’a pas transféré le montant alloué en raison d’une demande du ministère des Finances de modifier les clauses du contrat en termes de taxes supplémentaires et que le gouverneur de la BDL a réclamé un transfert au taux de change de la plateforme Sayrafa. Le média Assas rapporte que le directeur général de la SG, Abbas Ibrahim, a pris contact, le 7 avril, avec le député Ibrahim Kanaan, chef de la commission des Finances et du budget, et a obtenu l’approbation pour un crédit exceptionnel d’une valeur de 300 milliards de livres libanaises pour la couverture de l’impression d’un million de passeports.

À quoi serviraient les bénéfices ? 

Chaque citoyen payant son passeport 1 million 200 mille livres libanaises, l’État encaissera environ 1200 milliards de livres libanaises, une fois le stock épuisé, soit le quadruple de la somme octroyée. Il suffit de continuer de délivrer les passeports aux citoyens pour non seulement en couvrir les frais d’impression mais aussi renflouer le budget national. Aussi faut-il se rappeler que le passeport n’est pas consumable. Il est délivré pour 10 ans.

Perspectives d’avenir

Concernant les demandes urgentes non enregistrées sur la plateforme, une lettre manuscrite, expliquant les raisons de l’urgence, devra être adressée à la DGSG.  Les demandes reçues seront soumises au bureau du directeur général qui en vérifiera la véracité pour délibération, indique Assas Media.

Ici Beyrouth a appris que la SG continuera de délivrer à raison de mille passeports par jour, " le stock de 100 mille passeports, selon le contrat signé avec la société étrangère, étant suffisant pour un an ". Après l’achèvement du processus de livraison, un nouveau cahier des charges et un nouvel appel d’offres seront prévus, comme l’a indiqué le général Ibrahim à Assas Media. À cet égard, un politicien commente : " Pourvu que les décisions futures profitent aux citoyens et non pas à des formations politiques ".