Libéré jeudi sous caution, Raja Salamé, frère du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, bénéficie seulement d’un sursis. L’affaire aux relents éminemment politiques avait été seulement mise en veilleuse avant les élections, après une levée de boucliers du Premier ministre Nagib Mikati et du patriarche maronite Béchara Raï, contre les dérives judiciaires de la procureure générale près le cour d’appel Ghada Aoun, proche du camp présidentiel. Cette dernière avait lancé une cabale contre le gouverneur de la BDL et le secteur bancaire, menaçant la stabilité financière du pays. Ce camp veut faire assumer au gouverneur Salamé et aux banques la totale responsabilité de l’effondrement financier du pays et n’a pas hésité à instrumentaliser la justice à cette fin. Une manœuvre que le patriarche Raï a plus d’une fois dénoncé.

Si pour ces raisons précises Riad Salamé avait refusé de comparaître devant Mme Aoun, contre qui ses avocats avaient présenté un recours en dessaisissement du dossier, son frère a voulu respecter la procédure judiciaire.

Soupçonné de blanchiment d’argent, de fraude et d’enrichissement illicite, il a comparu le 17 mars dernier devant Ghada Aoun qui a lancé un mandat d’arrêt à son encontre. Il a été libéré hier moyennant une caution de 100 milliards de livres, soit près de 3,7 millions de dollars, un record au Liban.

L’enquête lancée contre lui par la procureure n’est pas pour autant close. Aujourd’hui, le dossier n’est plus toutefois entre les mains de la magistrate qui s’était vu dans l’obligation de le transférer au premier juge d’instruction, Nicolas Mansour, après les remous provoqués par sa procédure.

Pour rappel, après l’arrestation de Raja Salamé, Nagib Mikati avait vigoureusement protesté lors d’une réunion à Baabda avec le président Michel Aoun et le chef du Législatif Nabih Berry, contre le comportement de Mme Aoun. Il avait aussi convoqué le ministre de la Justice Henry Khoury, pour lui demander d’intervenir afin de remettre de l’ordre dans le système judiciaire instrumentalisé à outrance.

M. Mikati qui avait réussi à convaincre le chef de l’État de la gravité des conséquences de l’acharnement judiciaire contre le système bancaire sur le pays, avait convoqué le lendemain un Conseil des ministres extraordinaire, afin d’examiner ce dossier ainsi que les moyens de revenir aux fondements de la justice.

Ce n’est que qu’après ces bouleversements et alors que le dollar s’approchait dangereusement de la barre des 40.000 livres, que Mme Aoun a transmis l’affaire à Nicolas Mansour. Raja Salamé a comparu devant le juge d’instruction dans le cadre d’une première audience, d’après Marwan Issa el-Khoury, son avocat, interrogé par Ici Beyrouth. "Ce n’est qu’après trois demandes de réduction de la caution imposée contre sa libération, que nous avons obtenu gain de cause", précise l’avocat.

Pour rappel, après ce premier interrogatoire, les avocats de M. Salamé avaient présenté une demande de mise en liberté qui avait été approuvée, moyennant cependant une caution de 500 milliards de livres libanaises, soit près de 20 millions de dollars. La procureure du Mont Liban avait fait appel de cette décision alors qu’un recours était également présenté par les avocats de Raja Salamé qui contestaient le montant de la caution. A la suite de négociations, une réduction leur a été accordée: l’accusé devait quand même remettre la somme de 200 milliards de livres libanaises moyennant sa remise en liberté, ce qui pour ses avocats semblait inconcevable. Au matin du 12 mai, Raja Salamé était relâché moyennant une caution de 100 milliards de livres, versée à la justice dans la matinée et la saisie de bien-fonds. Toutefois, "ce qui est dit sur le nombre de terrains saisis (les médias ont fait état de 40) n’est pas exact", souligne l’avocat de Raja Salamé. A cela s’ajoute une interdiction de voyager qui l’engage à rester au Liban jusqu’à nouvel ordre.

Il s’agit maintenant d’attendre pour voir quel cours prendront les événements après les élections. L’enquête porte entre autres faits reprochés par Mme Aoun et des groupes d’activistes occultes à M. Salamé, sur une affaire de transferts douteux de 330 millions de dollars, qui s’inscrit dans le cadre d’un contrat de courtage entre la Banque du Liban et une société enregistrée aux îles Vierges britanniques, dont il serait le bénéficiaire économique.

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