Le rapport publié par les Nations unies sur la crise financière au Liban souligne que les Libanais, qui se débattent pour assurer leurs besoins élémentaires, sont dans une situation d’"appauvrissement injustifié". En d’autres termes, selon ce rapport, cette situation résulte d’une action délibérée et voulue, voire un crime prémédité, par les autorités politiques et financières.

Pour elles, il ne s’agit pas seulement d’assouvir l’appétence de corrompus, mais de suivre une politique qui sert les desseins de ceux qui contrôlent le pouvoir central. Il n’est pas besoin d’être très perspicace pour deviner qu’ils cherchent à faire couler le Liban dans le but de mettre en œuvre leur programme sans que les Libanais, qui peinent à joindre les deux bouts, puissent s’y opposer.

Or ces derniers ont aujourd’hui une occasion en or pour exprimer, à travers les urnes, dimanche, tout leur ras-le-bol et mettre fin à leurs souffrances en désavouant ceux qui ont bloqué et qui continuent de bloquer les réformes indispensables à un changement et à un redressement, parce qu’elles sont contraires à leurs desseins.

L’organisation internationale a précisé dans son rapport que le Liban doit "changer de cap" et que "la misère qui frappe sa population peut être enrayée avec un leadership qui place la justice sociale, la transparence et le sens des  responsabilités au cœur de ses actions".

Et c’est justement ce que les voix s’opposant au pouvoir peuvent réaliser dans les urnes en choisissant des représentants exogènes au système actuel. Il ne s’agira pas de sanctionner ou de se venger des responsables pour leur violation des droits humains, mais de corriger le cap et de s’offrir la possibilité de sauver le Liban en le remettant sur la bonne voie.

Certes, ce sauvetage ne sera pas une sinécure et le processus sera certainement pénible et coûteux. Néanmoins, il redonnera l’espoir de poser les jalons d’une véritable patrie.

Il est également vrai que ceux qui contrôlent le pouvoir ont un "sentiment d’impunité" et vivent dans leur tour d’argent. Mais, ce qui est tout aussi vrai, c’est que leur renversement peut être garanti par un vote de sanction.

Plus important encore, voter constitue le seul moyen dont disposent les Libanais pour renverser la donne. Ils n’ont pas le luxe d’osciller entre untel et untel ou d’être indécis. Soit ils neutralisent ce pouvoir dans les urnes, soit ils restent à sa merci, pour ensuite faire face à une mort programmée selon une "dépression organisée" pour servir les intérêts de ce pouvoir.

La scène observée lors du vote des expatriés, qui a d’ailleurs terrifié ces politiciens, devra constituer notre feuille de route pour porter le coup de grâce à leur capacité de nuire délibérément à tous les Libanais.

Cette scène s’inscrit dans la continuité du soulèvement d’octobre 2019, qui les a inquiétés et les a conduits à se dépêcher d’adopter des politiques gouvernementales ravageuses; loin de toute réforme possible.

Évidemment, ce pouvoir s’est préparé pour contourner les effets du ressentiment et du rejet du peuple libanais à son égard. La confusion du ministère des Affaires étrangères, reflétée par sa détermination à ne pas faciliter le vote des expatriés à Dubaï en s’obstinant à choisir le consulat comme bureau de vote malgré son inadéquation pour accueillir le nombre important d’électeurs, en est la parfaite illustration. Et de considérer, de surcroît, qu’il est normal que les électeurs fassent la queue sous un soleil de plomb par des températures dépassant les quarante degrés Celsius, sans manifester l’ombre d’un mécontentement, et sans porter atteinte aux efforts déployés par le ministère et la réussite qu’il s’attribue en termes d’organisation.

Or la véritable réussite est à mettre sur le compte de l’électorat et non de cette autorité effrayée, en particulier le ministre des Affaires étrangères de l’ombre, Gebran Bassil, qui a parachuté ses amis et partisans çà et là afin d’agir en sa faveur, et dans l’intérêt de son allié le plus fort, mais également le plus inquiet pour le sort de son projet qui consiste à poursuivre cet "appauvrissement injustifié".

Seules les voix des Libanais ont la capacité d’amorcer le processus de sauvetage pour changer la situation actuelle qui dure depuis le début de la crise économique, que "la Banque mondiale a classée parmi les pires au monde depuis 1850, avec 80% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté".

Seules les voix des Libanais ont le pouvoir de changer le fait que "9 personnes sur 10 peinent à générer un revenu, et plus de 6 personnes sur 10 quitteront le pays si elles possèdent la possibilité de le faire".

Ces voix, si elles sanctionnent toute la classe politique sans exception, à commencer par le parti qui veut que ses électeurs protègent ses armes illégales, garantiront le retour de ceux qui ont quitté le Liban, contraints et forcés, et ramènera un peu de chaleur dans les foyers des parents âgés, peinés et en perte d’espoirs de lendemain meilleurs. C’est cet état de fait que les urnes peuvent sans aucun doute changer.

Partant, le 15 mai sera le seul moyen et l’occasion d’affronter les répercussions de ce qui a été mentionné dans le rapport du Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme aux Nations Unies, Olivier de Schurter.

Cet affront est plausible et c’est la raison pour laquelle on assiste à cette hystérie dans les discours de ceux qui sont censés être les plus forts avec leurs armes, leurs combattants, leurs partis, leurs mensonges et leurs horreurs.

L’affrontement se révèle possible et simple. Le pouvoir peut tricher et falsifier les résultats, si le pourcentage de voix opposantes dans les urnes est négligeable et faible… mais il ne peut pas le faire à l’échelle de toute une population qui lui assène une claque et manifeste sa révulsion à un taux élevé.