On peut considérer le parti des Forces libanaises comme le premier vainqueur des élections législatives et Samir Geagea est devenu, surtout après la victoire du député Antoine Habchi dans une zone considérée comme l’un des fiefs du Hezbollah, un symbole de la véritable résistance libanaise à l’occupation iranienne.

Si les résultats des élections législatives libanaises prouvent quelque chose, c’est le rejet par l’écrasante majorité des Libanais des armes du Hezbollah et de l’alignement sur l’axe de la "résistance" qui ont porté Michel Aoun et son gendre Gebran Bassil au sommet de l’État avec un pouvoir présidentiel bicéphale. Depuis l’élection du candidat du Hezbollah à la présidence de la République, le Liban se retrouve, en effet, avec une présidence bicéphale au lieu d’avoir un seul président qui rapproche les Libanais entre eux au lieu de les emmener en enfer, comme le disait Michel Aoun lui-même.

Les élections ont révélé que les Libanais résistent toujours à la soi-disant "résistance" et qu’ils sont dotés d’une conscience politique bien plus grande qu’on ne le croyait. Obtenir une telle victoire sur le Hezbollah n’est pas une mince affaire, surtout au regard d’une loi électorale conçue à l’origine sur mesure pour le parti et ses alliés…ou pour ses instruments plus précisément.

En marge des élections libanaises, il serait utile de s’arrêter sur quelques observations. Force est de constater le coup dur porté au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui avait espéré renouveler l’expérience des élections de 2018 et se placer à la tête du plus grand bloc parlementaire du Liban. Ce dernier caressait l’espoir de devenir, de ce fait, le candidat naturel à la présidence, sous prétexte qu’il est le chrétien le plus fort. Les rêves et les ambitions de Gebran Bassil se retrouvent reléguées dans la poubelle de l’histoire.

Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, n’a pas pu faire grand-chose pour augmenter la taille du  bloc parlementaire de ce dernier, ou du moins pour parvenir à un équilibre des forces entre lui et Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, que l’on peut considérer comme le premier vainqueur des élections. Samir Geagea est devenu, surtout après la victoire du député Antoine Habchi dans une zone considérée comme l’un des fiefs du Hezbollah, un symbole de la véritable résistance libanaise à l’occupation iranienne. Les Forces libanaises disposent désormais d’un bloc de 19 députés sur 128. Cependant, la question qui se posera avec force est la suivante : que peut-on faire avec un bloc de cette taille compte tenu de la domination du Hezbollah sur les institutions de l’État libanais ?

Les Libanais ont récompensé les Forces libanaises pour leurs positions sur les armes du Hezbollah. À cet égard, le sentiment de gratitude des milieux populaires chrétiens, sunnites et druzes, et même parmi les chiites dotés d’une conscience politique et d’un sens patriotique libanais, ne peut être ignoré. D’autant plus que les Forces libanaises se sont dressées pour défendre la population face à l’attaque lancée par le parti pro-iranien contre le quartier chrétien de Ain el-Remmaneh, le 14 octobre dernier. Ces événements qui ont éclaté dans Beyrouth, ont permis de changer la perception à l’égard de Samir Geagea et des Forces libanaises aux niveaux libanais et arabe. Il est devenu clair que d’aucuns sont prêts à entrer dans une confrontation directe avec le Hezbollah, qui est devenu le parti dominant dans le pays grâce à la couverture chrétienne de ses armes illégales, assurée par Michel Aoun et Gebran Bassil.

Les druzes, dirigés par Walid Joumblatt, avaient déjà affronté le Hezbollah lorsqu’il avait tenté d’envahir la montagne le 7 mai 2008. Ils ont eu une position historique dans la défense de leur territoire. Cela explique le ralliement qui s’est opéré autour de Walid Joumblatt, dont le Hezbollah voulait éclipser le rôle libanais en partageant avec lui les députés druzes.

Il ne fait aucun doute que l’échec de personnalités telles que Talal Arslan et Wiam Wahhab porte un coup sévère à la formation armée, qui visait par la loi électorale qu’elle a instituée à percer les autres communautés après s’être assuré que la majorité des chiites était sous sa coupe. Cela n’a pas pour autant empêché le Hezbollah de faire des erreurs de calcul, notamment lorsqu’il a tenté de tirer profit des divisions de la communauté sunnite, qui a fini par se reprendre et affirmer sa présence à travers les urnes dans tout le Liban, et à Beyrouth en particulier.

Il existe un large front libanais qui a besoin de s’organiser. Ses membres appartiennent au club qui vise à reconquérir le Liban et le libérer de l’occupation iranienne. Samir Geagea n’est pas le seul chrétien à tenir tête au Hezbollah, avec tout ce qu’il représente. Les Kataëb et leur chef, Sami Gemayel, sont tout aussi présents sur ce terrain. Il y a des indépendants également, tels que Fares Souhaid, qui représente un cas à part sur le plan national, surtout si l’on tient compte de sa lucidité et de son courage dans l’expression d’une pensée politique éloignée de tout sectarisme, une pensée qui appelle les choses par leur nom.

Il est regrettable qu’il y ait encore des chrétiens au Liban qui votent pour les candidats du courant aouniste, qui a couvert l’effondrement du système bancaire, les armes du Hezbollah, l’isolement arabe du Liban et l’explosion du port de Beyrouth. Ces chrétiens sont une honte pour le Liban et pour toutes les valeurs qui ont prévalu dans ce pays et qui en ont fait un pays prospère par le passé. Comment un chrétien libanais peut-il coopérer avec un parti armé qui n’est autre qu’une brigade des Gardiens de la révolution iranienne et couvrir ses pratiques ?

Au final, les élections législatives ont été une défaite pour le " Hezbollah ", qui a pratiqué toutes sortes de répressions afin de monopoliser la représentation chiite dans le pays. Comment va-t-il réagir face à cette défaite ? La réponse est qu’il cherchera à créer un vide à tous les niveaux sous le slogan " les armes protègent la corruption ". Désormais, on peut dire que le parti utilisera son monopole de la représentation chiite pour consacrer le vide. Il sera difficile de former un nouveau gouvernement, sachant que la nomination de Nagib Mikati pour former un tel gouvernement n’est pas exclue. Il n’y a pas d’autre figure sunnite que Najib Mikati qui bénéficie d’un consensus pour la formation d’un nouveau cabinet. Les élections restent un exploit réalisé par son équipe ministérielle, malgré toutes les failles relayées par les médias.

Le Hezbollah laissera le pays dériver vers le pire. Il adoptera la même politique mise en œuvre par l’Iran en Irak, lorsqu’il a troublé la vie politique simplement parce que les résultats des élections législatives qui ont eu lieu en octobre dernier ont déplu aux partis et aux milices qui lui sont inféodés. En emmenant le pays vers un nouvel effondrement, le Hezbollah bénéficiera de la position du président de la République qui a évoqué, il y a quelques jours, une "feuille de route" qu’il a définie pour son successeur au palais de Baabda. Partant, Michel Aoun a-t-il une autre feuille de route que celle qui mène en "enfer" ?