Le président Michel Aoun est resté flou sur le timing des consultations parlementaires contraignantes qu’il doit convoquer pour la désignation d’un Premier ministre, conformément à la Constitution.

Recevant jeudi, au palais de Baabda, les ambassadeurs du Danemark, Merete Juhl, de Norvège, Martin Yttervik, de Finlande, Tarja Fernandez et de Suède, Ann Dismorr, le chef de l’Etat a évoqué avec eux les trois dossiers du gouvernement, des négociations indirectes avec Israël sur la prospection gazière offshore et des élections législatives.

Concernant la formation d’un nouveau gouvernement, il s’est contenté de généralités. M. Aoun a ainsi indiqué que "le processus démocratique (consécutif aux législatives) va se poursuivre au cours des prochains jours à travers les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d’une personnalité qui sera chargée de former le nouveau cabinet; celui-ci est supposé obtenir la confiance du Parlement pour s’attaquer aux dossiers pressants, notamment la crise économique, le plan de redressement et les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), ce dernier devant assurer au Liban les prêts qui l’aideront à surmonter les circonstances difficiles qu’il traverse".

Michel Aoun n’a pas dit quand il compte convoquer les députés à ces consultations. Et pour cause: des tractations politiques sont menées en coulisses en vue d’une entente autour de la personne qui succèderait à Najib Mikati à la tête du gouvernement, voire d’une éventuelle reconduction de ce dernier à son poste. Sauf que cette dernière option, qui semble avoir des chances d’être retenue, bute sur d’autres considérations liées notamment à la composition de la nouvelle équipe ministérielle – laquelle est censée refléter les résultats des élections parlementaires du 15 mai 2022 – mais aussi aux conditions et aux contre-conditions des parties prenantes. Ce qui fait dire à nombre d’analystes qu’un Premier ministre peut être nommé mais que le Liban ne sera pas pour autant doté d’un gouvernement.

Frontières maritimes

Pour ce qui est des négociations indirectes avec Israël sur la frontière maritime, leur orientation devrait être plus ou moins déterminée à la faveur de la visite du médiateur américain, Amos Hochstein, "au début de la semaine prochaine à Beyrouth", selon le chef de l’Etat.  M. Aoun a réaffirmé son droit à les diriger, "conformément à l’article 52 de la Constitution, selon lequel les négociations internationales sont au cœur des responsabilités du président de la République". "Le règlement de ce dossier se fonde sur la préservation de l’intérêt du Liban et de ses droits dans ses eaux territoriales et sur ses terres", a-t-il dit, en soulignant qu’il "poursuivra ses efforts pour aboutir à des résultats positifs, notamment avec l’arrivée d’Amos Hochstein à qui nous allons demander de reprendre sa mission pour une relance des négociations indirectes visant à permettre au Liban d’exploiter ses ressources gazières et pétrolières dans ses eaux territoriales et à préserver la stabilité et la sécurité dans la zone frontalière". M. Aoun faisait ainsi référence à une possible déstabilisation au cas où Israël, qui a pratiquement lancé ses opérations de forage au sud de la zone contestée, au niveau de la ligne 9, les maintiendrait sans tenir compte des réserves du Liban. Sachant que Beyrouth a brillé par son inertie sur ce dossier depuis le 9 février 2022, date à laquelle M. Hochstein était arrivé au Liban avec une proposition de solution médiane autour du conflit frontalier maritime. Il avait notamment proposé qu’une ligne sinueuse au niveau de la 23 soit retenue pour délimiter la frontière, en plus d’un partage de champs gaziers (Karish et Cana).

Quatre mois plus tard, le Liban n’avait toujours pas répondu à sa proposition. Plus encore, le chef de l’Etat avait considéré que la ligne 23 devait constituer le point de départ des pourparlers sur la frontière maritime, au grand dam des négociateurs, dont les pourparlers indirects avec Israël portaient sur la ligne 29, et de plusieurs hommes politiques qui ont dénoncé une atteinte aux droits du Liban, lequel perd ainsi près de 20% de la zone qu’il revendique en mer. M. Aoun devait plus tard adopter une position plus nuancée sur la question, mais sans signer l’amendement du décret 6433 qui officialise la revendication libanaise de 1.430 km2 supplémentaires pour sa Zone économique exclusive en Méditerranée.

Le tandem Amal – Hezbollah faisait partie de ceux qui ont contesté la proposition de Hochstein, notamment le chef d’Amal, Nabih Berry, qui insiste sur le fait que c’est la ligne 29 qui délimite la frontière maritime libano-israélienne. Le Hezbollah redoute pour sa part qu’un accord sur la ligne 23, souhaité par Tel Aviv, ne pave la voie à une normalisation avec Israël. Son secrétaire général, Hassan Nasrallah, doit intervenir ce soir sur la question, dans un discours télévisé.

Entre-temps, Israël a accéléré le processus de prospection gazière offshore. Un navire FPSO (unité flottante de production, stockage et déchargement) de la société Energean Power a jeté l’ancre dimanche dans le champ gazier de Karish, au sud de la ligne 29, semant l’émoi au pays du Cèdre où l’on s’est empressé de faire appel à Amos Hochstein.