Le Parlement se réunira vendredi à quinze heures pour élire les membres des deux dernières commissions. Qui présidera les commissions principales ? Quelles leçons tirer du scrutin de mardi ?

S’il y a un fait sur lequel l’ensemble des membres du Parlement élu en mai dernier semblent s’accorder, c’est que le meneur du jeu Place de l’Étoile reste le chef du Législatif, Nabih Berry. Fort de la longue expérience acquise depuis sa première élection à ce poste en 1992, et profitant du pragmatisme de ses alliés au sein du 8 Mars, le président Berry tient bel et bien les rênes dans l’hémicycle.

C’est ainsi que son bloc parlementaire, composé de 15 députés, a fait élire ses membres dans toutes les commissions. Cinq députés du mouvement Amal ont été élus membres de la commission de l’Administration et de la Justice, qui en compte 17, alors que les quatre candidats présentés par le bloc des " députés du changement " n’ont pas pu à y rentrer. Le comble dans l’élection de cette commission, c’est que l’ancien bâtonnier de Beyrouth, Melhem Khalaf , n’a pas réussi à se faire élire, alors que deux députés et anciens ministres d’Amal, poursuivis en justice dans l’enquête sur l’explosion tragique du Port de Beyrouth, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaiter, en sont devenus membres…

Le président Berry et le mouvement Amal ont bénéficié de la coopération des grands groupes parlementaires de tous bords, qui ont eux aussi tiré des avantages de cette coordination, dans toutes les commissions.

Cela signifie-t-il que les élections parlementaires n’ont rien changé ? Cela met plutôt l’accent, selon des proches des partis souverainistes, sur la nécessité d’une meilleure coordination entre les divers groupes qui forment la nouvelle majorité issue des dernières élections, à savoir les partis traditionnels du 14 Mars, les Kataëb et alliés, les indépendants et les députés du changement.

Présidents et rapporteurs

Après la formation mardi, de 14 des 16 commissions parlementaires, dont 5 à l’issue de longues élections, et 9 par consensus, les deux commissions restantes, celle de la Santé et de l’Éducation, seront formées vendredi, lors d’une séance parlementaire qui commencera à 15h. Elle sera suivie par l’élection par chaque commission, de son président et de son rapporteur. celle-ci devrait en principe se faire par consensus, selon plusieurs sources parlementaires. Ces élections, comme celles des membres, prennent en considération différents critères politiques, confessionnels et régionaux.

Quels députés seront élus présidents et rapporteurs des principales commissions, selon des sources parlementaires ?

En principe, le vice-président des Forces libanaises Georges Adwane sera réélu à la tête de la commission de l’Administration et de la Justice, qu’il dirige depuis 2018, et dont les talents de législateur sont reconnus par ses alliés et adversaires. Le rapporteur sortant de cette commission, le député Ibrahim Moussaoui (Hezbollah), pourrait être élu président de la commission de l’Information et des Télécoms, où il succèdera à Hassan Fadlallah, et un autre membre de ce parti le remplacerait dans l’Administration et la Justice.

Le président sortant de la commission des Finances et du Budget, le député Ibrahim Kanaan (CPL), qui dirige cette commission depuis plus de dix ans, sera probablement réélu. Le député Ragy Saad (bloc PSP), serait élu rapporteur, succédant ainsi à l’ancien député Nicolas Nahas.

Le député Fadi Alamé (Amal) succéderait à l’ancien député Yassine Jaber comme président de la commission des Affaires étrangères, dont Hagop Pakradounian (Tachnag) resterait le rapporteur.

Plusieurs anciens députés du Courant du futur qui dirigeaient des commissions ne se sont pas présentés aux élections, à la suite de la décision du chef du courant Saad Hariri de suspendre sa participation à la vie politique et de ne pas prendre part, ainsi que les membres du Courant aux élections. Pour respecter le critère confessionnel, des députés sunnites leur succèderont, probablement parmi ceux que l’on appelle " les anciens du Futur ". Les commissions concernées sont celle de la Défense et de l’Intérieur, auparavant présidée par Samir Jisr et celle de l’Éducation, longtemps dirigée par Bahia Hariri.

Pour ce qui est de la commission de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, que l’ancien député du courant du Futur Assem Araji dirigeait, sa présidence serait briguée par le député Bilal Abdallah (PSP). C’est afin d’obtenir cette présidence que le PSP aurait abandonnée celle de la commission de l’Environnement.

La commission des Travaux publics, du Transport et de l’Énergie, que présidait l’ancien député du Courant du Futur Nazih Najem, serait dirigée par Sajih Attiyé. Les députés du CPL, Farid Boustani et Simon Abi Ramia, conserveraient respectivement la présidence de la commission de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, et de celle de la Jeunesse et du Sport.

Pour leur part, les députés Amal, Inaya Ezzeddine, Ayoub Hemayed et Michel Moussa, garderaient la présidence des commissions de la Femme et de l’Enfant, de l’Agriculture et du Tourisme, et des Droits de l’homme.

De son côté, le parti Kataëb brigue la présidence de la commission des Technologies de l’information, qui était dirigée par le député Nadim Gémayel jusqu’à sa démission après l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, qui a conduit à son remplacement par le député Nicolas Sehnaoui.

Députés du changement

Les députés du changement pourraient-ils obtenir la présidence de l’une des commissions ? Cela semble peu probable. Des 13 députés, seul l’un d’entre eux, Ibrahim Mneimné, a été élu dans des commissions formées à l’issue de votes. Il a même été élu dans deux commissions, celle des Finances et celle des Travaux publics. Ses 12 collègues n’ont pu entrer, chacun, que dans les commissions élues d’office : Affaires étrangères (Michel Doueihy et Rami Fanj), Médias et Télécoms (Paula Yacoubian et Yassine Yassine), Femme et enfant (Cynthia Zarazir), Droits de l’homme (Michel Doueihy et Melhem Khalaf), Agriculture et Tourisme (Elias Jradé), Environnement (Najat Aoun), Jeunesse et Sport (Waddah Sadek) et Affaires des Émigrés (Mark Daou).

Des sources proches de partis traditionnels expliquent l’élection d’Ibrahim Mneimné par le fait qu’il est plus " malléable " que d’autres dans son groupe. Certaines sources s’attendent même à ce qu’il se rapproche progressivement, avec Elias Jradé, des députés indépendants Oussama Saad, Abdelrahman Bizri, et Charbel Massaad, pour constituer un sous-bloc.

Ibrahim Mneimné fait aussi l’objet de critiques de la part de sources proches de son groupe, qui n’excluent pas qu’il ait tissé des liens avec d’autres blocs, notamment les anciens du Futur et d’autres blocs " sunnites ", ce qui expliquerait la différence de votes obtenus par ses collègues du changement et lui.

Cependant, le fait de ne pas être membres d’une commission n’empêche pas d’ assister à ses réunions, même si le député n’a pas le droit de voter. Waddah Sadek et Melhem Khalaf ont respectivement indiqué qu’ils allaient assister aux réunions de la commission de l’Économie, et à celles de la commission de l’Administration et de la Justice.

Il semble en tous les cas que les partis traditionnels tentent de diviser le groupe de députés du changement, pour mieux les contrôler. Tout cela menace-t-il la cohérence du bloc du changement, dont l’élection des députés avait apporté tellement d’espoir aux Libanais aspirant au changement ? Il est encore trop tôt pour prédire une telle issue, et ces députés ont réussi jusque-là, heureusement, à préserver la cohésion du groupe et à adopter des positions unanimes. Il faut leur donner le temps de souffler et de s’adapter. Après tout, comme le souligne un observateur, ils sont encore en plein " rodage ".