Il ne faut jamais perdre de vue que l’absence d’une Gay Pride dans un pays implique l’absence de toute une tranche de la société et brosse par conséquent un tableau irréaliste et surtout exclusif. L’exclusion de toute une communauté d’hommes et de femmes révèle indubitablement une société malade.

Les parades de la Gay Pride (fierté gay) prennent de plus en plus d’ampleur à travers le monde, notamment dans les pays démocratiques et de culture occidentale. Elles sont joyeuses, artistiques et fortement colorées de liberté et de bonheur. Mais il arrive d’y constater des débordements exhibitionnistes assez choquants pour une partie des spectateurs. Nombre d’activistes homosexuels se disent opposés à ce genre d’étalages provocateurs et finissent par rejeter l’événement autant dans la forme que dans le fond.

Une dispersion

Pour le fond, ils se désolent que cette manifestation ne soit parfois axée que sur la dimension sexuelle, laissant de côté toutes les valeurs humaines auxquelles ce combat devait s’adresser: les droits spoliés, l’homophobie, l’exclusion, les souffrances que cela implique, le droit à avoir une famille, une vie, une liberté, et enfin le droit à l’amour.

Pour ce qui est de la forme, il arrive que des comportements impudiques, souvent pornographiques et avilissants, abaissent l’humain au niveau de l’instinct primitif et de la condition animale. Se déplaçant à quatre pattes, munis de muselières, les figurants créent un contraste offusquant devant des enfants en bas-âge complètement désorientés par la scène, dans un contexte on ne peut plus inadéquat.

Le Stonewall Inn

La Gay Pride a lieu au mois de juin, car c’est en juin 1969 qu’elle trouvait son origine lors d’une descente de police dans un bar de Greenwich Village à New York. Ce jour-là, pour la première fois, les homosexuels ont décidé de prendre leur destin en main et de résister. De manière imprévisible, les confrontations de ce Stonewall bar ont fini par s’étendre sur cinq journées, déclenchant la mobilisation de plusieurs groupes de militants venus en renfort.  Le 28 juin 1970, le libraire Craig Rodwell a lancé la première marche de plusieurs centaines de personnes pour commémorer l’événement, simultanément à New York, Los Angeles et San Francisco. Très vite, l’initiative a été reprise au Canada et, dès 1972, en Europe, avec 200 participants à Munster en Allemagne. La France ne connaîtra sa première manifestation gay qu’en juin 1977.

En 1978, le drapeau arc-en-ciel, proposé par le graphiste américain Gilbert Baker, a été adopté pour la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans). C’est ce symbole merveilleusement interprété en fleurs qui a été vandalisé hier à Achrafié.

La Gay Pride dans le monde

L’Afrique du Sud a eu sa première parade en 1990. D’autres pays africains lui ont emboîté le pas, comme l’Ouganda, en 2012, et le Kenya, en 2018. La première marche d’Asie s’est déroulée à Tokyo au Japon, en 1994. Suivront la Thaïlande, la Corée du Sud et Taïwan.

Le Brésil a assisté à son premier défilé en 1997 et sera imité par plusieurs pays d’Amérique latine excepté Cuba où la marche demeure interdite. Le constat est le même pour le Moyen-Orient où, à part Israël, ce genre de parade n’est toujours pas envisageable. Le Liban était sur le point de déroger à cette règle lorsqu’en 2017, Hadi Damien avait tenté d’organiser la première Gay Parade. Celle-ci avait été annulée par crainte de représailles islamistes. La seconde tentative a également échoué en 2018, aboutissant même à l’arrestation de Damien. C’est le même genre de conservatisme qui entrave ces marches en Europe de l’Est. Alors que la Hongrie organise des défilés depuis 1995, d’autres pays sont contraints de les annuler ou bien ils assistent à des confrontations avec des groupes conservateurs. En Pologne, la manifestation de 2006 a fini par s’imposer, bravant l’interdiction promulguée par le maire de Varsovie.

EuroPride et WorldPride

Depuis 1991, l’Europe possède son EuroPride qui se déroule chaque année dans une ville différente, atteignant des proportions considérables. Quant à la WorldPride, qui a débuté à Rome, en 2000, avec 250.000 personnes, elle se tient désormais tous les cinq ans. Ces parades sont de plus en plus grandioses, mais aussi de plus en plus exubérantes. Nous assistons à des scènes qui semblent outrepasser leur raison d’être originelle liée aux libertés et au respect de l’autre. Ces valeurs sont même parfois fortement contredites. Il revient aux intéressés de recentrer le débat et ses manifestations, sur leur principe de tolérance, d’égalité, d’amour et de respect mutuel.

Que des personnes soient révoltées face à certaines scènes est une chose parfaitement compréhensible. Plusieurs défenseurs de la cause LGBT le sont eux-mêmes. Il ne faut cependant jamais perdre de vue que l’absence d’une Gay Pride dans un pays implique l’absence de toute une tranche de la société et brosse par conséquent un tableau irréaliste et surtout exclusif. L’exclusion de toute une communauté d’hommes et de femmes révèle indubitablement une société malade. Autant la Gay Pride laisse perplexe sur la gravité de certaines formes de débordements, autant son absence, son interdiction, dénotent un modèle social agonisant, instable et létal pour toutes ses composantes et tendances confondues.