Les observateurs ne s’attendent pas que le prochain gouvernement que Nagib Mikati tente de former soit porteur de solutions financières, économiques et sociales qui sortiront le Liban de la crise. Et si M. Mikati réussit toutefois à former ce gouvernement, il sera un gouvernement qui accompagnera la crise jusqu’à la fin du mandat du président Michel Aoun, le 31 octobre.

D’aucuns au Liban ou à l’étranger ne s’attendent à ce que des miracles se produisent dans les quatre prochains mois. Le gouvernement intérimaire actuel est dans l’incapacité de mettre en œuvre ne serait-ce qu’une partie des réformes exigées par le Fonds Monétaire international afin d’entamer l’étape de négociations sérieuses entre l’État libanais et le FMI, ce qui à son tour nécessitera un certain temps. En effet, le cabinet sur lequel planche Nagib Mikati sera, dans le meilleur des cas, un gouvernement tremplin en pleine vacance présidentielle, qui permettra de passer le cap de l’étape actuelle sans ébranler la stabilité sécuritaire du pays, sur base de l’équilibre politique établi depuis le "règlement présidentiel" de 2016 qui a porté le général Michel Aoun à la présidence de la République.

D’ailleurs, les principales forces politiques semblent se satisfaire de cette réalité. De ce fait, il n’était pas important pour M. Mikati d’obtenir un résultat significatif lors des consultations parlementaires contraignantes. Le nombre de 54 députés qui ont voté pour sa reconduction à la tête du gouvernement était suffisant pour refléter la situation à la suite des élections législatives, et un message adressé par plusieurs forces politiques selon lequel l’heure du changement n’a pas encore sonné, et que l’important à l’heure actuelle est d’éviter l’entrée du Liban dans une confrontation interne, à un moment où les cartes sont rebattues au niveau régional.

Par conséquent, poursuivre avec un gouvernement qui traite les affaires courantes est la chose la plus adéquate en ce moment précis. Dans le cas où un nouveau gouvernement dirigé par Najib Mikati serait formé, il faudrait une équipe qui affiche des ambitions modestes et qui ne mette pas la barre trop haute.

Ainsi, quel que soit le gouvernement en place dans les mois qui nous séparent de la fin du mandat du président de la République, ce cabinet sera un gouvernement "crépusculaire", qui signera la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère. Cependant, le problème pourrait surgir d’une crise majeure provoquée par le refus du président Michel Aoun de signer les décrets de formation du nouveau gouvernement, et de sa volonté de rester à Baabda, prétextant qu’il "ne laissera pas la présidence vacante". En outre, des complications internes et régionales peuvent également survenir durant l’été et conduire à l’impossibilité d’élire un nouveau président avant la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre.  Ce dernier quittera alors le palais de Baabda, laissant derrière lui un vide présidentiel qui créerait une crise politique majeure, qui peut très vite se muer en une crise de régime, où la question d’amender les accords de Taëf serait remise sur le tapis.

Nul n’ignore que l’élection des présidents de la République au Liban se déroule, non seulement au Parlement, mais aussi dans les capitales qui détiennent un pouvoir de décision et qui manifestent un intérêt particulier pour les affaires libanaises à un moment précis. En 2016, par exemple, la décision de porter Michel Aoun à la présidence de la République a été prise à la suite du succès du Hezbollah à subjuguer la plupart des forces politiques et à les intimider par la force de ses armes. Sans compter l’exploitation par l’Iran des répercussions de la signature de l’accord sur le nucléaire à l’été 2015, et la décision de l’administration de l’ancien président américain Barack Obama d’éviter coute que coute une confrontation avec Téhéran afin de protéger l’accord sur le nucléaire, considéré comme un héritage historique de son mandat. L’arrivée de Michel Aoun à Baabda a coïncidé avec le retrait des Américains de la Syrie qui a laissé le champ libre à la Russie (automne 2015), et à l’intensification de l’implication iranienne sur tout le territoire syrien sans que les pays occidentaux ou arabes n’y trouvent à redire.

Partant, le prochain président sera choisi en fonction d’une équation interne libanaise, mais également en réponse à une réalité régionale et internationale qui portera une personnalité qui sera soit à l’image de Michel Aoun, soit en rupture totale avec le mandat de ce dernier. Ainsi, le Liban passera d’une étape à une autre. Un nouveau gouvernement peut être formé, mais néanmoins, il ne déplacera pas des montagnes. Ce sera au mieux le gouvernement du minimum syndical, du fait que l’échéance capitale restera l’élection présidentielle.