Le Premier ministre désigné Najib Mikati devrait se rendre lundi ou mardi au palais présidentiel de Baabda pour proposer une nouvelle mouture ministérielle au président de la République, Michel Aoun.

Former un gouvernement au Liban requiert une maîtrise parfaite de l’art de l’équilibre des forces politiques et communautaires. Une affirmation qui a certainement lieu d’être, en consultant la première mouture proposée par le Premier ministre désigné Najib Mikati mercredi au président de la République, Michel Aoun.

Le document, que le chef du gouvernement avait remis au chef de l’État (qui par ailleurs a fuité et a causé une polémique), révélait que M. Mikati souhaitait attribuer le ministère de l’Énergie (actuellement tenu par Walid Fayad, une figure proche du Courant patriotique libre) à Walid Sinno, un sunnite proche du Premier ministre. Cette proposition n’aurait pas plu à Baabda, d’autant que le ministère des Finances, selon la mouture avancée, resterait aux mains de la communauté chiite, plus précisément à l’ancien député Yassin Jaber, une personnalité proche du mouvement Amal. Une éventualité qui provoquerait l’ire du camp aouniste, refusant de faire les frais de la politique de deux poids deux mesures de M. Mikati.

Toutefois, ce n’est un secret pour personne que le portefeuille de l’Énergie est jalousement gardé par le CPL depuis plus de dix ans. C’est pourquoi l’approche de Najib Mikati ne pouvait être perçue que comme une attaque ciblée à l’encontre du courant aouniste et du ministre sortant Walid Fayad, avec qui M. Mikati entretient des relations glaciales, à la suite d’ "une guerre de communiqués " déclenchée en mai dernier, concernant les centrales de Salaata et Deir Ammar.

Après l’échec de leur premier aparté, le Premier ministre désigné s’est de nouveau rendu vendredi matin au palais présidentiel de Baabda, pour une audience avec le chef de l’État qui n’a duré que quelques minutes. Aucun commentaire ou point de presse n’a été accordé à l’issue de cet entretien. Cependant, une source informée proche du camp présidentiel a révélé à Ici Beyrouth que la discussion entre les deux pôles de l’exécutif était plutôt tendue. M. Mikati aurait réprimandé M. Aoun pour avoir dévoilé aux médias le contenu de sa proposition écrite concernant la composition du gouvernement et il aurait qualifié cet incident d’ "inacceptable ".

Néanmoins, la réunion des deux officiels a quand même fourni l’occasion au président de présenter au Premier ministre trois options auxquelles il consentirait, à en croire les informations relayées par la chaîne télévisée MTV. La première, serait d’élargir l’équipe gouvernementale et de former un cabinet de 30 ministres regroupant des figures politiques ainsi que des technocrates, pour assurer un équilibre aux niveaux du fond et de la forme. La deuxième serait d’effectuer quelques permutations au sein du gouvernement chargé de l’expédition des affaires courantes, afin de maintenir l’équilibre communautaire. La troisième proposition consisterait à se conformer à la composition exacte du gouvernement sortant, en gardant les mêmes personnalités à la tête des ministères qu’ils président.

En conclusion, la balle serait actuellement dans le camp du Premier ministre, qui devra formuler une nouvelle mouture, tout en prenant en compte les considérations communautaires, politiques, économiques et stratégiques du pays, mais aussi les " consignes " du président, pour garantir que sa prochaine proposition soit avalisée. Najib Mikati dispose de quelques jours pour réviser sa copie, avant de la soumettre à Baabda en début de semaine prochaine.