Des proches de victimes de la gigantesque explosion survenue il y a deux ans au port de Beyrouth ont engagé aux États-Unis des poursuites contre une compagnie américaine pour ses liens présumés avec la tragédie, a annoncé mercredi la fondation suisse Accountability Now, dans un communiqué. Ils réclament, entre autres, des indemnités qui s’élèvent à 250 millions de dollars.

La plainte a été déposée auprès d’un tribunal au Texas plus tôt cette semaine par neuf proches de victimes, tous des ressortissants américains, contre la compagnie américano-norvégienne de services géophysiques TGS, selon le texte.

Le groupe est propriétaire de la compagnie britannique Spectrum Geo, qui a affrété il y a dix ans le Rhosus, un bateau battant pavillon moldave qui a transporté les 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium à l’origine de l’explosion apocalyptique au port de Beyrouth.

Selon Accountability Now, Spectrum Geo avait "conclu une série de contrats très rentables mais suspects avec le ministère libanais de l’Énergie" pour transporter du matériel de prospection sismique du Liban vers la Jordanie à bord du Rhosus.

Le ministre de l’Énergie à l’époque était le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui a toutefois démenti tout lien avec la compagnie.

"Ce procès est une première. C’est une façon de contourner les obstacles auxquels fait face l’enquête au Liban", a déclaré à l’AFP Zeina Wakim, avocate au sein de d’Accountability Now.

"Les preuves qui vont émerger au cours de cette procédure pourront aussi servir à faire avancer l’enquête au Liban", a-t-elle ajouté.

Or celle-ci est toujours bloquée à cause des interférences politiques et des recours en cascade contre le juge en charge d’instruire le dossier de l’enquête, Tarek Bitar. Ce dernier a engagé des poursuites contre un groupe de responsables politiques, militaires et administratifs dont il a retenu "la responsabilité criminelle" dans l’explosion qui avait pulvérisé plusieurs quartiers de la capitale et fait au moins 215 morts et plus de 6.500 blessés.

Les hommes politiques mis en cause dans cette affaire – , Ghazi Zeayter, Ali Hassan Khalil, Youssef Fenianos et Hassane Diab –  avaient réagi en présentant une série de recours en dessaisissement du dossier contre le juge Bitar. Tous ont été rejetés par les autorités judiciaires compétentes. D’autres ont suivi, mais l’enquête reste suspendue faute de quorum au sein de l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui doit statuer, entre autres, sur une action en responsabilité de l’État, présentée par MM. Zeayter et Hassan Khalil, contre un de ses membres, le juge Naji Eid, président de la première chambre civile de la Cour de cassation. Ce dernier était chargé d’examiner des recours contre le juge Bitar.

Les membres du Conseil supérieur de la magistrature s’étaient entendus sur les noms des présidents des chambres de cassation, ce qui devait permettre à la cour de retrouver son quorum et de plancher sur les recours présentés dans le cadre de l’enquête. La liste avait été approuvée par le ministre sortant de la Justice, Henry Khoury, le Premier ministre Najib Mikati et le président Michel Aoun, mais le décret est toujours bloqué par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, qui refuse de le signer.