En dépit des assurances formulées par le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan, au sujet des garde-fous censés barrer la voie à toute exploitation politicienne d’une levée du secret bancaire, approuvée lundi en commissions, nombreux sont ceux qui, dans les milieux politiques et économiques, restent sceptiques.

Des sources financières, citées par l’agence locale al-Markaziya, ironisent en se demandant "comment les hommes politiques libanais vont réciproquement accepter que le secret bancaire soit levé sur leurs comptes". "Ils parlent de vouloir tout faire pour restituer aux déposants leur argent mais puisent au quotidien dans ce qui en reste afin de financer l’achat de fuel, de blé… sans même songer à donner la priorité à la réalisation de réformes", s’indignent-elles.

Le président du département de recherches économiques et financières à la banque Byblos, Nassib Ghobril, s’étend davantage sur les "complications politiques" liées à la mise en œuvre de la loi relative à la levée du secret bancaire, si jamais elle est promulguée en séance plénière au Parlement. Certes, il reconnaît que le texte fait partie des éléments qui figurent dans l’accord préliminaire conclu entre le Liban et le Fonds monétaire international le 7 avril 2022, et qu’il avait été retenu pour que la législation libanaise dans ce domaine soit en harmonie avec les critères internationaux définis dans le cadre de la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale. "Normalement, a-t-il ajouté, la levée du secret bancaire ne devrait inquiéter que ceux qui ont des choses à cacher", avant d’enchaîner: "Mais au Liban il y a un autre paramètre qui entre en jeu, à savoir les interférences politiques". "Les amendements apportés en commission parlementaire à la loi sur le secret bancaire risquent d’être exploités à des fins politiques qui n’ont rien à voir avec leur objectif annoncé", explique l’expert, en estimant qu’il aurait fallu aux parlementaires adopter en premier la loi sur l’indépendance de la justice.

Il a rappelé dans ce contexte que les lois libanaises ont été modifiées au fil des dernières années, pour autoriser la levée du secret bancaire dans les cas mis en avant par le FMI, notamment en cas de doutes sur des opérations de blanchiment d’argent, de corruption, de fraude, ou lorsque des soupçons pèsent sur certains comptes. M. Ghobril a en outre énuméré les accords internationaux conclus par le Liban et qui vont dans ce même sens, avant de commenter: "Nous n’avons pas de secret bancaire absolu aujourd’hui au Liban et s’il y a des inquiétudes quant à une exploitation des amendements introduits à la loi, c’est à cause du manque de confiance qu’inspire la classe politique".

Nassib Ghobril a ensuite affirmé ne pas partager les craintes de ceux qui considèrent que la levée du secret bancaire fera perdre la confiance dans le Liban "parce que cette confiance est de toute façon perdue". Soulignant que le pays "a de bonnes lois qui sont cependant partiellement ou pas du tout appliquées", l’expert a insisté sur le fait que ce sont les éléments suivants qui vont rétablir la confiance dans le pays: la transparence, la bonne gouvernance, la lutte contre l’évasion fiscale et la contrebande à travers les frontières, l’amélioration de la perception des recettes, l’adoption d’un programme de réformes qui tend à développer le volume de l’activité économique, soutenir la croissance, créer un climat propice aux investissements et aux affaires, réhabiliter l’infrastructure, reconnaître que le secteur et l’initiative privés constituent la colonne vertébrale de l’économie, alors que le secteur public en est seulement complémentaire au lieu qu’il ne soit un fardeau pour l’économie, comme c’est le cas actuellement".