Des conclusions " faibles ", manque de données disponibles, questions incertaines… À quel point risque-t-on des problèmes cardiaques après avoir reçu un vaccin anti-Covid à ARN messager ? Très faible, cela est sûr. Mais l’existence infime de risques a été un argument largement exagéré par le camp antivaccin. Des études cherchent donc à ne pas négliger le sujet, qui reste difficile à évaluer précisément.

" Cela fait désormais plus d’un an et demi que l’on utilise massivement la vaccination à ARN messager, mais on n’a toujours pas de certitude solide " sur le degré exact des risques cardiaques, regrettaient mi-juillet deux chercheurs américains, Jing Luo et Walid Gellad, dans un éditorial au British Medical Journal (BMJ).
Ce texte n’est qu’un article d’opinion mais il se base sur une vaste étude, publiée dans le même numéro. Elle dresse l’état des connaissances sur la fréquence des myocardites et péricardites, deux inflammations cardiaques, après la vaccination par Moderna ou Pfizer/BioNTech. Le sujet est délicat pour la communauté scientifique. Ces risques ont rapidement été identifiés après le lancement des campagnes de vaccination l’an dernier, mais ont été considérablement exagérés par les opposants aux vaccins pour remettre en cause l’intérêt de ces derniers.

Ces troubles cardiaques sont en effet très rares et, la plupart du temps, n’ont pas provoqué de complications graves. Ils doivent aussi être mis en regard du fait que le Covid lui-même présente des risques cardiovasculaires. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause l’intérêt des vaccins à ARN messager. Mais, pour les éditorialistes du BMJ, il y a de quoi rester insatisfait quant à l’état actuel des connaissances sur leurs risques.

" C’est certain, les myocardites sont rares après la vaccination ", résument-ils. " Mais à quel degré de rareté ? La question reste d’une importance cruciale. " L’étude qu’ils commentent – réalisée par d’autres chercheurs en compilant une petite cinquantaine de travaux préalables – apporte quelques réponses, qui confirment globalement de précédentes observations.

Données insatisfaisantes

Le risque de myocardite apparaît sans conteste plus élevé chez les jeunes hommes que tout autre groupe. Il semble aussi, même si les conclusions sont un peu moins tranchées, plus fréquent après un vaccin Moderna que Pfizer/BioNTech. Ces conclusions appuient donc le choix de certains pays, comme la France, de réserver le vaccin Moderna aux plus de 30 ans, alors que d’autres, comme les États-Unis, n’ont pas fait une telle distinction.

Mais l’étude ne lève pas certains flous. Elle souligne ainsi que les résultats varient beaucoup d’un travail à l’autre en raison de méthodologies variables, et que, sur certains plans, les données sont insatisfaisantes. C’est le cas d’un volet particulièrement sensible: la vaccination des enfants, qui a été autorisée dans de nombreux pays mais n’a souvent jamais décollé, comme en France, face aux réticences des parents.

Un volet particulièrement sensible: la vaccination des enfants, qui a été autorisée dans de nombreux pays, mais n’a souvent jamais décollé.

Or si les myocardites apparaissent " très rares chez les enfants âgés de 5 à 11 ans ", ces conclusions ont une " faible " solidité à cause du manque de données disponibles, selon les auteurs. D’autres questions restent largement incertaines. La plupart du temps, les cas de myocardites et péricardites se sont résolus sans gravité, mais ils ont très rarement été suivis à long terme. On peut donc s’interroger sur le risque de séquelles durables.

Enfin, on ignore largement si les risques sont aussi élevés après une dose de rappel, une question importante alors que les pays développés ont largement vacciné leur population et s’interrogent maintenant sur la fréquence à donner à des campagnes de rappel. Sur ce sujet, toutefois, certains chercheurs commencent à apporter des réponses. Rendue publique vendredi, une étude française s’avère ainsi plutôt rassurante.

Ce travail, qui doit encore être indépendamment relu puis publié dans une revue scientifique, est le nouveau volet d’une série d’études sur la vaccination anti-Covid menée par Epi-Phare, une structure associant l’autorité du médicament (ANSM) et la Sécurité sociale, sur la base de données de santé publique concernant des millions de Français. Les auteurs concluent que le risque de myocardite est relancé par une dose de rappel de Pfizer/BioNTech ou Moderna, mais à un degré moindre que lors de la vaccination initiale. " De plus, le risque diminue avec l’allongement des délais entre chaque dose successive ", constatent les chercheurs, emmenés par l’épidémiologiste Mahmoud Zureik.

Avec AFP