La Croatie a inauguré le pont de Peljesac, qui relie le sud du littoral du pays à la région de Dubrovnik. Il relie les deux parties du pays, séparées depuis 1990 par une enclave bosnienne suite à l’éclatement de la Yougoslavie. Ce pont était très attendu par les habitants qui devaient attendre durant plusieurs heures à la frontière bosnienne avant de pouvoir rejoindre le reste du pays.

La Croatie inaugure mardi un pont crucial qui va relier, trois décennies après la proclamation d’indépendance, le sud de son littoral, dont la très touristique cité médiévale de Dubrovnik, au reste du pays, en contournant une petite bande de la côte bosnienne.

Après l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990, les frontières de ses républiques fédérales sont devenues celles de nouveaux Etats. La région de Dubrovnik, " perle de l’Adriatique ", s’était ainsi retrouvée coupée du reste de la Croatie par la sortie bosnienne sur la mer.

Le pont de Peljesac (AFP)

Pour les 90.000 habitants de cette zone et pour les touristes, l’ouverture du " Pont de Peljesac " signifie la fin des heures d’attente à la frontière, notamment en saison estivale, pour entrer en Bosnie, puis pour en ressortir dix kilomètres plus loin.

" Nous devenons enfin partie intégrante de la Croatie ", se réjouit Mario Radibratovic, conchyliculteur sur la péninsule de Peljesac, reliée désormais à la côte par un élégant pont à haubans, long de 2,4 kilomètres, un des plus grands projets d’infrastructure depuis l’accès à l’indépendance en 1991.

" C’est un immense soulagement. Nous nous sentions jusqu’à présent comme des citoyens de seconde classe ", explique à l’AFP cet homme de 57 ans, au retour d’une visite en bateau à sa ferme d’huitres et de moules, dans la baie de Mali Ston, organisée pour une vingtaine de touristes.

Car lorsque lui et ses collègues de la péninsule se mettaient en route pour transporter leurs coquillages vers le nord du pays, ils s’armaient de patience. Au lieu d’attendre pendants des heures à la frontière, il suffira désormais de franchir en quelques minutes le pont qui relie la localité de Brijesta, sur la péninsule, à Komarna, en face, et dont l’ouverture sera célébrée mardi soir en grande pompe.

Pour les habitants de la pittoresque péninsule, connue aussi pour ses vins, ses plages de galets et prisée également par des surfeurs qui profitent d’un mistral qui se forme dans le couloir entre Peljesac et l’île de Korcula, c’est la fin des migraines causées par la seule pensée à la frontière bosnienne ou à de rares ferrys.

Des bouchons à la frontière entre la Bosnie et la Croatie (AFP)

" C’était vraiment épuisant, l’attente à la frontière créait une sorte d’amertume chez les gens qui vivent ici ", dit Sabina Mikulic, propriétaire d’un hôtel, d’un camping de luxe et d’un vignoble à Orebic, sur Peljesac. " C’est vraiment un projet historique pour la Croatie ", ajoute-t-elle.

Un projet depuis 2007

L’ouverture du pont a été longue à venir. Depuis des années, la Croatie entendait remédier à cette absurdité en construisant un pont pour enjamber le bras de mer face à la ville bosnienne de Neum. Des travaux de construction avaient été entamés une première fois en 2007, pour cesser peu après à défaut de budget.

Quatre ans après avoir adhéré en 2013 à l’Union européenne, le pays a obtenu du bloc 357 millions d’euros pour reprendre le projet, soit 85% du coût estimé à 420 millions d’euros avec des routes d’accès. Les travaux avaient été relancés cette fois-ci par un consortium chinois, " China Road and Bridge Corporation ", qui a livré son oeuvre dans les délais prévus.

A un moment, le projet avait fâché certains dirigeants bosniens qui redoutaient que le pont allait gêner, voire empêcher l’entrée des bateaux de fort tonnage dans la baie de Neum.

Zagreb avait finalement accepté de faire augmenter la hauteur du pont à 55 mètres, même si ce changement a augmenté le coût.

Le pont sera ouvert en pleine saison touristique, alors que la Croatie, qui avait accueilli en 2019 près de 20 millions de touristes, espère un nouveau rebond des visites et les chiffres de la période pré-pandémique.

Rues de Dubrovnik (AFP)

" L’importance du pont est énorme, non seulement sur le plan émotionnel en raison de la connexion du territoire croate mais aussi pour le tourisme et pour l’économie en général ", a déclaré récemment le ministre croate des Transports, Oleg Butkovic.

" Nous sommes une génération privilégiée qui a mené à bout ce projet tant attendu ", a-t-il ajouté.

Pour Smilja Matic, professeure du piano à la retraite, qui passe régulièrement ses vacances à Komarna, avec désormais sa plage au pied du pont, l’ouvrage aura un impact positif majeur pour les habitants et les touristes.

" Ca signifie une nouvelle vie pour les gens de ce côté et pour les gens d’en face, aussi pour ceux qui arrivent en avion à Dubrovnik et qui pourrons désormais venir ici par la route sans devoir franchir les frontières ", dit-elle.

Avec AFP