Longtemps haï par la gauche, le FBI est aujourd’hui menacé par certains partisans de son propre socle politique. Des soutiens pro-Trump qui n’ont pas digéré les enquêtes de la police fédérale contre l’ex-président conservateur.

Jamais dans leur histoire les agents du FBI n’ont été confrontés à des attaques comme celles émanant de conservateurs républicains après la perquisition du domicile de Donald Trump en Floride.

Les agents de la police fédérale américaine ont pourtant l’habitude d’être critiqués. Depuis sa création il y a plus de cent ans, le FBI a surtout été blâmée pour sa répression du mouvement pour les droits civiques des années 1960, au nom de la sécurité nationale.

Des véhicules de police aux portes de Mar-a-Lago, le complexe hôtelier dont une partie abrite une résidence privée de Trump, à Palm Beach, en Floride.

 

Mais aujourd’hui, le socle politique du FBI lui-même qui le menace. "C’est le monde à l’envers!", s’exclame Kenneth O’Reilly, un ancien professeur d’histoire de l’Université de l’Alaska, auteur de plusieurs ouvrages sur le service de renseignement intérieur.

Selon lui, le FBI a toujours été une "institution profondément conservatrice", soutenue aussi bien par les démocrates que par les républicains.

"Vous méritez de mourir"

Mais depuis que Donald Trump a dénoncé la perquisition de son domicile de Mar-a-Lago en Floride, où la police fédérale a saisi des documents "top secret", les attaques des partisans de l’ex-président républicain n’ont pas cessé.

La présidente du parti républicain, Ronna McDaniel, a même accusé le FBI d’"abus de pouvoir". Le sénateur républicain Marco Rubio a quant à lui comparé le service à la police politique d’une dictature marxiste, tandis qu’un élu du même bord, Paul Gosar, appelait à le "démanteler".

Mais c’est véritablement par le biais des réseaux sociaux que les menaces ont pris une tournure violente et réelle.

De nombreux militants se sont mobilisés en défense de l’ancien président Trump, visé par une enquête du FBI. Un nouveau scandale qui pourrait aider l’homme politique à rassembler la base conservatrice autour de sa personne en vue des élections de 2024. (AFP)

 

Le 11 août, un homme armé de 42 ans a tenté d’entrer par la force dans les locaux du FBI à Cincinnati, dans l’Ohio, après avoir lancé un "appel aux armes" sur le réseau social de Donald Trump, Truth Social.

L’homme, qui a été ensuite tué par les forces de l’ordre, estimait qu’il fallait "répondre par la force" à la perquisition chez Donald Trump et "tirer à vue sur les agents du FBI".

Le lendemain, un homme de 46 ans a été arrêté en Pennsylvanie après avoir publié des menaces similaires. "Si vous travaillez pour le FBI, vous méritez de mourir", avait-il posté.

Une réputation controversée

Longtemps idéalisé au cinéma et à la télévision, le FBI des Incorruptibles et du sulfureux J. Edgar Hoover, son premier directeur, n’a pourtant pas une réputation sans tache, rappelle Kenneth O’Reilly.

"Parmi les racistes du Sud, au début des années 60, il y a eu une forte opposition au FBI, qui était comparé à la Gestapo" quand ses agents enquêtaient sur les lynchages d’Afro-Américains, explique-t-il à l’AFP.

 

Le sceau du FBI sur le bâtiment J. Edgar Hoover à Washington, DC. (AFP)

 

La période la plus difficile a été les années 1960, quand le FBI a procédé à des écoutes illégales des militants des droits civiques, discrédité la réputation de Martin Luther King et attisé les violences entre groupes rivaux.

Il y a eu des critiques et des procès, puis une vaste enquête parlementaire qui a révélé les agissements illégaux du FBI. Mais "il n’y a pas eu de violences dirigées contre des agents du FBI", souligne l’historien.

Le FBI a subi une attaque violente en 1995, lorsque deux extrémistes ont fait exploser un véhicule piégé devant un immeuble d’Oklahoma City abritant ses bureaux, tuant 168 personnes. Les auteurs de l’attentat voulaient protester contre la gestion par le FBI de prises d’otages à l’issue tragique en 1992 et 1993.

Des cartons remplis de documents classifiés, emportés illégalement par Trump dans sa résidence.

 

"Un organe de la gauche radicale"

Mais tout au long de ces périodes troublées, le FBI a conservé le soutien de la population américaine et de la classe politique.

Le mouvement anti-FBI actuel prend ses racines dans l’enquête de la police fédérale sur l’assaut de partisans de Donald Trump contre le Capitole le 6 janvier 2021, explique M. O’Reilly.

Pour lui, ce sont les menaces ouvertes de politiciens contre les agents du FBI qui sont les plus choquantes.

"Je parierais que la grande majorité des agents du FBI ont voté Trump", dit-il. "C’est donc incroyable que les éléments les plus conservateurs du parti républicains voient le FBI comme un organe de la gauche radicale ".

 

En réponse aux menaces, des barrières protectrices ont été érigées autour du siège du FBI à Washington."La violence et les menaces contre les forces de l’ordre, y compris le FBI, sont dangereuses et devraient profondément inquiéter tous les Américains", a déclaré le directeur de l’agence fédérale, Christopher Wray.

Le département de la Sécurité intérieure (DHS) a publié un bulletin spécial à l’intention de ses agents pour les prévenir qu’ils pourraient être en danger.

"Je n’ai pas souvenir de telles menaces depuis longtemps", a déclaré à la radio publique NPR le président de l’association des agents du FBI, Brian O’Hare. "Il y a une atmosphère d’acceptation de la violence et ça doit changer".

Avec AFP