Le Premier ministre japonais a annoncé qu’une réflexion allait être lancée sur la construction de nouvelles centrales nucléaires. Cette mesure, présentée comme phare pour garantir la sécurité énergétique du pays, reste controversée, onze ans après la catastrophe de Fukushima. Face au coût croissant de l’énergie, de nombreux Japonais commencent cependant à soutenir le redémarrage d’anciens réacteurs nucléaires. 

Le démantèlement et la décontamination de la centrale de Fukushima ne devrait pas s’achever avant 2070, la facture des travaux dépassant les 170 milliards de dollars. (AFP)

 

Le gouvernement japonais compte donner un sérieux coup d’accélérateur à la relance du nucléaire, un secteur fragilisé et controversé dans le pays depuis la catastrophe de Fukushima en 2011 mais qui revient en grâce face aux fortes tensions énergétiques mondiales.

Le Premier ministre Fumio Kishida a annoncé mercredi qu’une réflexion allait être lancée sur la construction éventuelle de " réacteurs nucléaires de nouvelle génération, dotés de nouveaux mécanismes de sécurité ", ce qui serait un tournant majeur pour le Japon.

" L’invasion russe de l’Ukraine a largement transformé le paysage énergétique mondial ", a justifié M. Kishida devant la presse, et par conséquent " le Japon doit tenir compte de potentiels scénarios de crise dans le futur ".

Il a aussi appelé à " maximiser " l’utilisation des réacteurs nucléaires existants ayant obtenu des autorisations réglementaires pour redémarrer depuis la catastrophe de Fukushima.

" En plus de sécuriser les opérations des dix réacteurs déjà remis en service, le gouvernement va s’efforcer de faire tout ce qui est nécessaire " pour faire redémarrer dès que possible d’autres réacteurs anciens ayant obtenu des feux verts réglementaires, a déclaré le Premier ministre.

M. Kishida, qui songe aussi à étendre la durée d’exploitation des réacteurs au-delà de la limite actuelle de 60 ans, a appelé ses ministres à aboutir à " des solutions concrètes d’ici à la fin de l’année ".

Une crise énergétique croissante 

 

Comme de nombreux autres pays, le Japon souffre d’approvisionnements énergétiques considérablement plus chers et plus difficiles depuis le début de la guerre en Ukraine il y a six mois.

Visant par ailleurs la neutralité carbone à horizon 2050, le Japon a aussi été menacé de pénuries d’électricité cet été à cause de températures caniculaires faisant tourner la climatisation à plein régime.

Tout le parc nucléaire nippon avait été arrêté après la catastrophe à la centrale de Fukushima, consécutive à un puissant séisme et à un gigantesque tsunami dans le nord-est. Sur 33 réacteurs théoriquement opérables, seuls 10 ont redémarré depuis après s’être mis en conformité avec des normes de sécurité considérablement relevées.

Mais ces 10 réacteurs ne fonctionnent pas en permanence et plusieurs d’entre eux sont actuellement en maintenance. Sept autres réacteurs ont obtenu des autorisations réglementaires sans avoir encore pu redémarrer pour le moment.

En 2020, moins de 4% de l’électricité générée au Japon provenait du nucléaire, contre 30% avant la catastrophe de Fukushima. L’archipel est très dépendant de ses importations d’énergies fossiles et cherche en parallèle à développer ses énergies renouvelables.

Une question qui reste controversée
De nombreux Japonais, encore marqués par la catastrophe, restent opposés à la relance du nucléaire. (AFP)

 

Construire des réacteurs de nouvelle génération " serait une avancée importante " pour le Japon car tous ses réacteurs actuels sont conventionnels, a rappelé mercredi à l’AFP Tom O’Sullivan, un expert en questions énergétiques de la firme Mathyos Advisory, basée à Tokyo.

Pour remettre en service plus de réacteurs anciens, l’exécutif nippon aura notamment besoin de l’aval des autorités locales, ce qui pourrait être " politiquement difficile ", selon cet analyste.

Mais " c’est faisable " car le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) dirigé par M. Kishida dispose d’une confortable majorité au Parlement et " l’environnement a changé depuis la guerre en Ukraine ", a estimé M. O’Sullivan.

L’opinion publique japonaise a " vraiment pris conscience " de la nécessité de réduire les importations de gaz, de pétrole et de charbon venant de Russie, et le coût de l’électricité au Japon est aussi un " problème " pour les ménages et les entreprises, a-t-il relevé.

Davantage de Japonais sont désormais favorables au redémarrage d’anciens réacteurs nucléaires, ont montré plusieurs sondages de médias nippons ces derniers mois.

Les entreprises japonaises impliquées dans le secteur nucléaire ont bondi mercredi à la Bourse de Tokyo. Le fournisseur d’électricité Tokyo Electric Power (Tepco) a ainsi flambé de 9,96% à 552 yens, Mitsubishi Heavy Industries s’est apprécié de 6,85% à 5.209 yens et le groupe d’ingénierie nucléaire IHI a gagné 5,37% à 3.630 yens.

Avec AFP