Crimes contre l’humanité, mais génocide non prouvé. Dans son rapport très attendu publié mercredi 31 août, l’ONU estime que la Chine a bien commis des crimes contre l’humanité dans le Xinjiang, contre les Ouïghours. Quant à la volonté de faire disparaître cette communauté, les preuves manquent.

La Chine semble avoir commis des crimes contre l’humanité dans la région du Xinjiang selon le Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, qui ne retient pas le génocide, notoirement difficile à prouver.

Le crime de génocide repose non seulement sur des actes, mais -et c’est crucial- sur l’intention d’éliminer.

Une difficulté soulignée par Nikita White, d’Amnesty International Australie, dans un entretien à l’AFP: Les conclusions du rapport publié par le Haut commissariat " sont très solides et très sérieuses " mais " pour porter des accusation de génocide, l’ONU devrait prouver l’intention (…) C’est vraiment difficile à prouver lorsque l’accès au Xinjiang est restreint ".

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De nombreuses et graves violations des droits humains

Publié in extremis mercredi, le rapport de 48 pages documente toute une séries de graves violations des droits humains des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes de cette région de l’ouest de la Chine.

Le rapport juge " crédibles " les accusations de torture et souligne que " l’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane (…) peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ".

Mais le document ne mentionne nulle part le mot génocide. Les autorités chinoises n’ont pas manqué de souligner ce point.

En revanche, les Etats-Unis mais aussi plusieurs législateurs, comme l’Assemble nationale française, accuse bien la Chine de commettre un génocide au Xinjiang.

" Ce rapport renforce et réaffirme nos graves préoccupations concernant le génocide en cours " au Xinjiang, a déclaré jeudi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.

" Nous ne portons aucun jugement nous-mêmes sur cette question spécifique ", a déclaré à l’AFP la porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani. " Les informations disponibles évaluées selon nos propres normes ne nous permettent pas de le faire pour le moment ", explique t-elle.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée après la Seconde Guerre mondiale, a codifié pour la première fois ce crime.

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" Détruire un groupe "

Il s’agit du premier traité relatif aux droits de l’homme adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1948.

Elle définit " les actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ".

Cela peut comprendre le meurtre des membres du groupe visé, mais aussi l’imposition de mesures visant à empêcher les naissances, le transfert forcé d’enfants à un autre groupe, ou encore " l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres ou l’imposition délibérée au groupe de conditions de vie calculées pour provoquer sa destruction physique en tout ou en partie ".

Mais la définition du génocide comprend aussi l’intention, qui " est l’élément le plus difficile à déterminer ", selon une fiche d’information de l’ONU sur la convention.

La destruction culturelle ne suffit pas. " C’est cette intention particulière (…) qui rend le crime de génocide si unique ", souligne cette note.

Bien que le rapport ne fasse pas référence au génocide, il se base sur des statistiques officielles chinoises pour documenter les changements dans la population de la région.

En infériorité numérique de plus de 10 contre un en 1953, les Chinois Han sont désormais à peu près à parité avec les Ouïghours, en grande partie en raison de la migration vers l’ouest, notamment à la suite d’incitations gouvernementales.

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La Chine a qualifié le rapport d' "outil politique " contre elle (AFP)

 

Stérilisations

Le rapport détaille aussi la réduction de moitié " inhabituelle et brutale " du taux de natalité dans la région, notamment chez les Ouïghours.

Il a également fait remarquer la " hausse inhabituellement forte " du taux de stérilisation dans la région, qui est plus de sept fois supérieur à la moyenne en Chine.

" Il existe des indications crédibles de violations des droits reproductifs par l’application coercitive des politiques de planification familiale depuis 2017 ", souligne le document.

Le Bureau des Nations unies pour la prévention du génocide, basé à New York, évalue s’il existe un risque de génocide et cherche les moyens pour tenter de le prévenir.

L’ONG Uyghur Human Rights Project souhaite que le bureau procède à une évaluation immédiate des risques.

" Bien qu’il ne parle pas de génocide, je pense que les groupes ouïghours ou les chercheurs appelleraient cela un génocide ", a déclaré à l’AFP Peter Irwin du groupe à propos du rapport.

Avec AFP