Les manifestants ne décolèrent pas en Iran, où les rassemblements et les actes de protestation se poursuivent dans tout le pays suite à la mort d’une jeune femme après son arrestation par la police des mœurs. Face à la répression sauvage pratiquée par le pouvoir, les contestataires s’emploient par divers moyens à détourner les coupures d’internet et des réseaux WhatsApp et Instagram. 

 

Une manifestation pro-pouvoir a eu lieu à l’appel des autorités, avec des slogans en faveur du port du voile. (AFP)

Les frondeurs en Iran ne décolèrent pas et descendent depuis plus d’une semaine dans la rue pour protester contre la mort d’une jeune fille de 22 ans morte en détention après avoir été arrêtée le 13 septembre, à Téhéran, par la police des mœurs parce qu’elle ne portait pas " correctement " le voile.  Face aux manifestations de colère, les autorités iraniennes ont réagi en limitant l’accès à internet et en bloquant WhatsApp et Instagram. Les connexions internet y sont d’ailleurs toujours très perturbées. Selon un spécialiste d’internet contacté par Ici Beyrouth, " le régime cible les réseaux sociaux pour éviter la coordination de masse et la fuite de nouvelles vers l’étranger " .  " Mais les Iraniens ont tenté de s’entraider en créant des connexions proxy et des connexions ‘à l’ancienne’ par modem, car les autorités ne peuvent pas couper les lignes téléphoniques classiques " , ajoute-t-il.

Ce type de connexion est plus lent évidemment, mais il permet de contourner le blackout officiel afin de transmettre des images ou des informations.

Le maintien de contacts avec le monde extérieur est vital pour les opposants iraniens qui doivent pouvoir informer l’opinion internationale de la répression sauvage et meurtrière à laquelle se livre le pouvoir. Ainsi, au moins 35 personnes ont été tuées et plus de 730 arrêtées en huit nuits de manifestations déclenchées à la suite de la mort de la jeune fille Mahsa Amini. Les autorités nient toute implication dans ce décès et fustigent les manifestants, qualifiés d' "émeutiers " ou de " contre-révolutionnaires ", qui crient leur colère chaque soir à travers l’Iran depuis le 16 septembre.

" La télévision d’État a annoncé vendredi soir que le nombre de personnes décédées lors des récentes émeutes dans le pays est passé à 35 personnes ", contre 17 selon un précédent bilan, a rapporté samedi l’agence de presse Borna News.

Mais le bilan risque d’être plus lourd, l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisant état vendredi d’au moins 50 morts dans la répression des manifestations.

Des " émeutes anti-révolutionnaires " 
Les autorités iraniennes ont pour l’heure choisi la voie de la répression, à l’image des manifestations de 2019. (AFP)

 

Pendant huit nuits de suite, des manifestants ont ainsi affronté les forces de sécurité, incendié des véhicules de police et scandé des slogans hostiles à la République islamique dans la capitale Téhéran, à Ispahan et Qom (centre), Machhad (nord) et dans des dizaines d’autres villes du pays, selon des médias et des militants.

Des centaines d’entre eux ont été appréhendées. Rien que dans la province de Guilan (nord), " 739 émeutiers parmi lesquels 60 femmes " ont été arrêtés, a indiqué le chef de la police de la province, selon l’agence de presse Tasnim.

De son côté, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux États-Unis, a indiqué que 11 journalistes avaient été arrêtés en Iran depuis le 19 septembre.

Mahsa Amini, originaire de la région du Kurdistan (nord-ouest),a été arrêtée le 13 septembre à Téhéran, pour " port de vêtements inappropriés ", par la police chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique. Elle est décédée trois jours plus tard à l’hôpital.

En Iran, les femmes doivent se couvrir les cheveux et le corps jusqu’en dessous des genoux et ne doivent pas porter des pantalons serrés ou des jeans troués.

En disant se baser sur des témoins, des vidéos et des avis médico-légaux, le ministre de l’Intérieur Ahmad Vahidi a réaffirmé vendredi soir que Mahsa Amini n’avait pas été frappée par les forces de l’ordre, comme l’affirment ses proches.

Il a dit que le gouvernement enquêtait sur la cause de sa mort. " Il faut attendre l’avis définitif du médecin-légiste, ce qui prend du temps ", a-t-il précisé.

M. Vahidi a accusé les manifestants de " suivre les Etats-Unis, les pays européens et les groupes contre-révolutionnaires ".

Son ministère a promis samedi qu’il continuerait à " faire face aux émeutes (…) en respectant toutes les règles juridiques et islamiques ".

En riposte à ces manifestations, le gouvernement a mobilisé vendredi plusieurs milliers de personnes, qui ont défilé à travers l’Iran pour défendre le port obligatoire du voile et fustiger les " émeutiers ".

Mais de nouvelles manifestations nocturnes avaient eu lieu quelques heures plus tard, des vidéos en ligne montrant des scènes de violence à Téhéran et dans d’autres grandes villes comme Tabriz (nord-ouest).

Une répression sanglante
Dans plusieurs villes d’Iran, des manifestants ont affronté les forces de sécurité, incendié des véhicules de police et scandé des slogans hostiles au pouvoir, selon des médias et des militants. (AFP)

 

Certaines images montrent les forces de sécurité tirant sur des manifestants non armés à Piranshahr, Mahabad et Urmia (nord-ouest).

Une vidéo, partagée par IHR sur les réseaux sociaux, montre un homme en uniforme militaire tirant avec un fusil d’assaut AK-47 vers des manifestants à Téhéran.

Amnesty International accuse les forces de sécurité de tirer " délibérément (…) à balles réelles sur des manifestants ", appelant à une " action internationale urgente pour mettre fin à la répression ".

Amnesty s’est en outre inquiétée de la " panne d’Internet délibérément imposée " en Iran où les connexions sont toujours très perturbées, avec le blocage de WhatsApp et Instagram.

L’organisation kurde de défense des droits humains Hengaw a de son côté affirmé que des manifestants avaient pris le contrôle de certaines parties de la ville de Oshnaviyeh (nord-ouest).

Des vidéos montrent des protestataires marcher en faisant le signe de la victoire et l’ONG dit redouter une répression dans cette ville kurde.

L’autorité judiciaire a reconnu que des " émeutiers (y) avaient attaqué trois bases des Bassidjis ", en référence aux miliciens islamiques. Mais elle a démenti, selon son agence, que les forces de sécurité aient perdu le contrôle d’Oshnaviyeh.

Le président iranien Ebrahim Raïssi a promis samedi d’agir de façon " décisive " contre les manifestants dans un appel téléphonique à la famille d’un bassidj tué à Machhad, selon l’agence officielle Irna.

Avec AFP