La sortie retentissante de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (Brexit) le 31 janvier 2020 (premier pays à quitter l’UE après y avoir adhéré en 1973) n’a pas été l’unique coup porté à cet ambitieux projet unitaire. Ce coup a été particulièrement dur compte tenu du poids politique et historique du Royaume-Uni et l’importance de son rôle sur les scènes internationale et européenne. Sachant que ce rôle s’est relativement affaibli après la Seconde Guerre mondiale au profit de l’ascension du rôle américain.

Force est de constater que d’importants défis se posent à l’Union européenne, dont deux principaux qui ne peuvent pas être occultés. Le premier concerne les conséquences économiques de la guerre qui se poursuit entre la Russie et l’Ukraine, aggravée par la surenchère russe et ses mesures unilatérales, telles que l’organisation de " référendums " populaires dans les zones qu’elle occupe. À cela s’ajoute l’arrêt de l’approvisionnement en gaz de l’Europe et l’inquiétude croissante générée par cette question, notamment à l’approche du grand froid hivernal, avec toutes les conséquences que la raréfaction des ressources énergétiques aura sur l’Europe dans son ensemble.

Le second défi porte sur une question non moins importante avec la percée grandissante de l’extrême droite dans une multitude de pays européens. La dernière en date s’est matérialisée par une victoire historique en Italie. Sans oublier la concurrence sérieuse de Marine Le Pen au président Emmanuel Macron lors des dernières élections présidentielles en France, où elle disposait de réelles chances de remporter l’élection. Ces montées des extrêmes pourraient changer la face de l’Europe, son identité unitaire, et affecter l’espace économique commun, ainsi que son rôle politique au niveau international.

Les origines de la montée en flèche de la droite en Europe remontent à la période subséquente à la grave crise économique de 2008, lorsque l’Union européenne et les gouvernements locaux ont adopté des politiques et des mesures néolibérales ainsi que des budgets d’austérité. Or les forces de la droite considèrent que ces mesures creusent le fossé entre deux groupes : l’élite aisée et puissante et les milieux populaires opprimés. Ces derniers constituent pour les forces d’extrême droite un terreau fertile qui leur permet de peser, via leur progression aux élections, sur le fonctionnement des institutions politiques traditionnelles.

Par ailleurs, aux crises successives et aux défaites à répétition subies par la gauche européenne (et la gauche sur la scène internationale en général), s’ajoutent le recul incontestable des idéologies et des doctrines politiques traditionnelles au profit des conglomérats commerciaux, mercantiles et capitalistes, et la montée en puissance de courants qui prônent le recours aux mécanismes de l’économie de marché au détriment des missions sociales de l’État, marquées par un net recul. Par conséquent, tous ces éléments réunis ouvrent la voie aux partis et aux factions de la droite radicale et leur permettent de progresser et de gagner en popularité, surtout auprès des catégories sociales marginalisées.

La plupart des courants et partis extrémistes de droite sont fondés sur des principes politiques, économiques et sociaux radicaux, au premier rang desquels figurent la suprématie nationale et le refus de séparer l’identité nationale de ses fondements premiers. De plus, ces derniers nourrissent une vision hostile aux courants de La Renaissance européenne et occidentale.

Ces partis abhorrent également les régimes démocratiques avec leurs règles et leurs " dogmes " traditionnels et institutionnels. Ainsi, les mouvements d’extrême droite considèrent que l’alternance du pouvoir entre la droite, la gauche et le centre constitue un simple échange de rôles qui ne donne aucun poids réel aux revendications populaires légitimes, conscientes de leurs droits et des moyens de leur représentation dans le cadre d’un nouveau système politique. Ce système ne ressemble pas, dans sa composition et ses contours, aux approches patriarcales adoptées dans les systèmes politiques européens en vigueur à l’heure actuelle.

Par ailleurs, la lecture politique de ces formations radicales repose sur l’absurde, le rejet et l’extrémisme, et s’appuie sur des discours haineux, notamment à l’égard des immigrés et de l’immigration en général. De plus, ces formations appellent à l’expulsion des immigrés dans le but de restaurer la " pureté " nationale et patriotique, une fois débarrassés de ces " parasites " qui nuisent, de leur point de vue, à l’identité nationale et façonnent la société selon des données qui ne correspondent pas à leur vision d’exclusion et d’annihilation.

Partant, les conséquences destructrices de la montée de ces groupes radicaux qui menacent le projet unitaire sur lequel se fonde l’Union européenne depuis le milieu du siècle dernier, ne se feront pas attendre. D’autant que certains parmi eux considèrent le projet européen comme une version révisée de l’ex-Union soviétique, soit une entité artificielle visant à supprimer les nationalités européennes et à empêcher leur épanouissement dans leur pays.

Dans ce contexte, certaines forces de droite appellent leur pays à quitter l’Union européenne, tandis que d’autres suggèrent de limiter le rôle de leur pays au sein de l’UE à une coopération économique réduite à son expression minimale entre pays entièrement indépendants. D’autres, en revanche, vont jusqu’à réclamer une abolition pure et simple de l’UE, qui permettrait aux États-nations de recouvrir pleinement leur indépendance.

Par conséquent, il devient pressant que les gouvernements européens jugulent l’ascension fulgurante de l’extrême droite, en adoptant des mesures économiques et sociales qui renforceraient la justice sociale et en observant des politiques équilibrées et plus équitables envers les groupes marginalisés. Parallèlement, des campagnes de sensibilisation aideraient à une meilleure intégration des immigrés afin qu’ils ne soient plus considérés comme des intrus, voire des terroristes.

La démocratie est en danger. Certes, des reproches sérieux peuvent être faits s’agissant des performances démocratiques et institutionnelles en général, ainsi que du rôle croissant des multinationales et de leur énorme impact sur les processus démocratiques en termes d’engagement réel pour les principes de justice sociale en perte de vitesse.

Toutefois, il est impensable d’accepter l’effondrement du système démocratique, nonobstant ses écueils et ses manquements, et la montée en puissance de courants absurdes, fascistes et radicaux qui, pour rappel, avaient conduit, dans un passé pas très lointain, l’Europe et le monde à leur propre perte. La vigilance reste le maître mot afin d’éviter que l’histoire ne se répète avec de nouvelles figures qui risqueraient de ramener le monde à une période fâcheuse de son passé.