Alors que la mission ouest-africaine de la Cédéao est repartie " confiante " mardi du Burkina Faso, des manifestants s’étaient rassemblés pour la vilipender, l’accusant d’être proche de l’ancienne puissance coloniale française. À Ouagadougou, qui expérimente son second coup d’État en huit mois, l’influence russe ne cesse de croître. Le fondateur du groupe paramilitaire Wagner a même apporté son " soutien " au nouveau dirigeant burkinabè Traoré, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat.

Le Burkina Faso, pays pauvre du Sahel, est plongé dans la tourmente depuis que le précédent chef de la junte, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en janvier, a été à son tour déposé vendredi soir par le capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans.

Quelques dizaines de manifestants dans la capitale Ouagadougou scandaient mardi des slogans favorables à la Russie et critiques envers la France, en perte d’influence en Afrique de l’Ouest, alors qu’une mission ouest-africaine de la Cédéao se tenait le même jour.

 

 

" La Cédéao, c’est aujourd’hui une honte ", a dit à l’AFP l’enseignant Amadou Sagada, martelant que " le peuple burkinabè est debout et ne veut plus se laisser faire ". " Non à l’ingérence de la Cédéao ", " France dégage " ou encore " Vive la coopération Russie-Burkina ", pouvait-on entendre de la part des manifestants. La délégation était arrivée mardi matin pour rencontrer le capitaine Traoré, qui a renversé vendredi le lieutenant-colonel Damiba, lui-même arrivé au pouvoir lors d’un putsch en janvier.

Mise en garde américaine

Les Etats-Unis ont mis en garde la junte au pouvoir au Burkina Faso contre les risques d’une alliance avec la Russie, dont le groupe paramilitaire Wagner a témoigné d’un franc soutien aux auteurs du dernier coup d’Etat en date.

" Les pays où le groupe (Wagner) a été déployé se retrouvent affaiblis et moins sûrs, et nous avons constaté cela dans plusieurs cas rien qu’en Afrique ", a dit à la presse un porte-parole du département d’Etat américain, Vedant Patel.

" Nous condamnons toute tentative d’empirer la situation actuelle au Burkina Faso, et nous encourageons fortement le nouveau gouvernement de transition à se conformer au calendrier convenu pour un retour à un gouvernement civil démocratiquement élu ", a-t-il ajouté.

Plusieurs dizaines de personnes manifestent à Ouagadougou contre la visite d’une délégation ouest-africaine venue évaluer la situation au Burkina Faso quelques jours après un second coup d’État en huit mois. (AFP)

 

Le spectre Wagner

Evguéni Prigojine, un homme d’affaires proche du Kremlin et fondateur du groupe paramilitaire Wagner, a annoncé apporter son soutien au capitaine Ibrahim Traoré, le nouvel homme fort du Burkina Faso, après un deuxième coup d’Etat en huit mois dans ce pays.

" Je salue et j’apporte mon soutien au capitaine Ibrahim Traoré ", a déclaré M. Prigojine dans une publication sur les réseaux sociaux de son entreprise Concord.

Ibrahim Traoré et ses hommes " ont fait ce qui était nécessaire et ils l’ont fait uniquement pour le bien de leur peuple ", s’est-il enthousiasmé.

" C’est pourquoi je félicite chaleureusement et je salue le capitaine Ibrahim Traoré, un véritable fils courageux (…) de sa patrie ", a souligné M. Prigojine.

Fin septembre, Evguéni Prigojine a reconnu avoir fondé en 2014 le groupe paramilitaire Wagner, présent dans de nombreux conflits dans le monde, le qualifiant de " pilier " de la défense des intérêts russes.

Wagner, dont la présence a été documentée depuis huit ans en Ukraine, en Syrie, en Libye, en Centrafrique, ou encore au Mali, est perçu par ses détracteurs comme l’armée de l’ombre de Vladimir Poutine, promouvant les intérêts russes en fournissant des combattants, mais aussi des instructeurs militaires et conseillers.

Après avoir remercié " l’ensemble des manifestants pour leur mobilisation ", M. Traoré les a invité mardi soir à " libérer les voies publiques " en les assurant que leurs " différents messages ont été entendus ". Pendant le week-end, alors que la situation restait confuse sur les intentions de M. Damiba, des bâtiments diplomatiques et représentant des intérêts de la France avaient été pris pour cibles par des manifestants favorables au capitaine Traoré.

 

Après s’être dans un premier temps opposé à sa destitution, le lieutenant-colonel Damiba avait fini par accepter de démissionner dimanche et partir à Lomé. En fin de semaine dernière, des manifestants qui réclamaient le départ de M. Damiba, accusé d’avoir été protégé par Paris, avaient déjà brandi des drapeaux russes, demandant un renforcement de la coopération militaire avec Moscou.

 

La mission ouest-africaine venue évaluer la situation au Burkina Faso, quelques jours après un deuxième coup d’Etat en huit mois, dit qu’elle restera aux côtés du peuple burkinabè. (AFP)

Avec AFP