Des affrontements meurtriers ont eu lieu dans le nord de la Syrie entre la principale organisation jihadiste de la région, le " Hayat Tahrir al Cham ", et des groupes pro-turcs. 59 morts sont à déplorer, dont 11 civils, tandis que de nombreux habitants ont fui les violences. En quelques jours, HTS a pu prendre le contrôle total de la région d’Afrine, proche de la frontière turque.

Une trentaine de factions syriennes, regroupées au sein de  " l’Armée nationale syrienne  " fidèle à Ankara, se partagent le contrôle d’une zone frontalière qui s’étend de Jarablus, au nord-est d’Alep, à Afrine, au nord-ouest d’Alep. (AFP)

 

 

Près d’une soixantaine de personnes ont été tuées lors de combats qui ont opposé la principale organisation jihadiste du nord de la Syrie à des groupes proturcs au cours des dix derniers jours, ont rapporté mardi une ONG et un correspondant de l’AFP.

Ces affrontements, les plus meurtriers depuis des années, ont permis au groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, de gagner du terrain dans les zones d’influence d’Ankara, proches de la frontière avec la Turquie, selon ces sources.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, 28 combattants de HTS et 20 autres des factions proturques ont été tués, ainsi que dix civils.

" Nous sommes alarmés par l’incursion récente de HTS, une organisation terroriste désignée, dans le nord (de la province) d’Alep ", a réagi mardi l’ambassade américaine en Syrie sur Twitter, appelant au retrait immédiat des forces du groupe jihadiste de cette région.

Les combats ont éclaté le 8 octobre. En quelques jours, HTS a pu prendre le contrôle total de la région d’Afrine, proche de la frontière turque, ont indiqué le correspondant de l’AFP et le porte-parole d’un groupe armé proturc local.

Selon l’OSDH, un accord a été conclu entre les belligérants, stipulant que HTS administrera Afrine, y sera chargée de la sécurité et se déploiera aux postes de contrôle séparant cette zone des régions tenues par le régime syrien et les Kurdes. L’accord devait s’étendre à d’autres régions proches de la frontière turque, mais les combats ont repris lundi soir, après une brève accalmie, près de la ville voisine d’Azaz, bastion d’un groupe proturc, Al Jabha al Chamia.

Mardi, l’armée turque, présente dans la région, s’est déployée pour la première fois pour s’interposer entre les belligérants près d’Azaz, sans que HTS se retire, selon l’OSDH et un correspondant de l’AFP.

Un positionnement turc ambigu
Près de 11 civils ont été tués lors des hostilités entre les deux bélligérants. (AFP)

 

 

Selon le chef de l’OSDH Rami Abdel Rahmane, " HTS n’aurait pas pu entrer dans cette région sans l’accord de la Turquie ". " Jusqu’à présent, la Turquie n’a pas réagi officiellement à ces combats ", a déclaré à l’AFP Siraj al-Din al-Chami, le porte-parole de la Troisième Légion, une faction armée proturque. " Cela signifie peut-être qu’elle ne voit pas d’objection " à ce que HTS gagne du terrain, " ou alors qu’elle est placée devant le fait accompli ", a-t-il ajouté.

La Turquie a infléchi ces dernières semaines sa position à l’égard de Damas après lui avoir été violemment hostile depuis le début du soulèvement populaire en 2011. Pour le chercheur Nawar Oliver, du centre Omran basé en Turquie, les Turcs cherchent peut-être à " miser sur le groupe le plus organisé pour contrôler les autres factions " rebelles.

La Turquie, qui s’est opposée au régime de Bachar al-Assad au début de la guerre, a commencé à déployer des troupes dans le nord de la Syrie en 2020, où elle contrôle des zones avec ses supplétifs syriens.

Une trentaine de factions syriennes, regroupées au sein de " l’Armée nationale syrienne " fidèle à Ankara, se partagent le contrôle d’une zone frontalière qui s’étend de Jarablus, au nord-est d’Alep, à Afrine, au nord-ouest d’Alep, en passant par des villes comme Al-Bab et Azaz.

Ces groupes sont accusés d’exactions par les habitants, dont des arrestations arbitraires et la confiscation de terres et de biens. Amnesty International a même accusé certaines factions d’avoir commis des " crimes de guerre ".

Le dernier grand bastion rebelle et jihadiste en Syrie 
Une trentaine de factions syriennes, regroupées au sein de  " l’Armée nationale syrienne  " fidèle à Ankara, se partagent le contrôle d’une zone frontalière qui s’étend de Jarablus, au nord-est d’Alep, à Afrine, au nord-ouest d’Alep. (AFP)

 

 

HTS, de son côté, " veut envoyer des signes clairs indiquant qu’il est capable de contrôler la région ", explique-t-il. . Cette organisation contrôle la moitié de la province d’Idleb, dernier grand bastion rebelle et jihadiste en Syrie, où la guerre a fait près d’un demi-million de morts depuis 2011. Depuis l’offensive de HTS, des centaines de personnes ont manifesté dans plusieurs villes de la région contre ce groupe jihadiste.

Après plusieurs offensives des forces gouvernementales contre cette région qu’elles voulaient reprendre, un accord de trêve a été conclu en 2020 par la Russie, alliée du régime, et la Turquie. La Turquie a déployé dans ce cadre des troupes à Idleb, où elle a continué à entretenir des liens avec le groupe jihadiste, considéré comme une organisation " terroriste " par Washington qui a appelé mardi au retrait immédiat des troupes de HTS de la province d’Alep.

HTS, qui a annoncé sa rupture avec Al-Qaïda en 2016 et cherche à polir son image auprès de la communauté internationale, contrôle le point de passage de Bab al Hawa, avec la Turquie.

Avec AFP