Retour historique, mais en demi-teinte, pour Lula au Brésil. Dimanche 30 octobre, Luiz Inacio Lula da Silva a remporté, pour la troisième fois, les élections présidentielles du pays en obtenant 50,9% des voix. Le lendemain, son adversaire d’extrême droite Jair Bolsonaro ne s’était toujours pas exprimé, faisant redouter une passation de pouvoir difficile.

 

Au terme d’un scrutin serré, Luiz Inacio Lula da Silva a été élu dimanche pour la troisième fois président du Brésil. Acclamé par une impressionnante marée rouge de centaines de milliers de partisans massés sur l’Avenida Paulista de Sao Paulo, Lula a prôné la " paix et l’unité " après son élection d’une courte tête avec 50,9 % des voix.

C’est un come-back historique pour cet ancien métallo de 77 ans, qui débutera le 1er janvier son troisième mandat, 12 ans après avoir quitté le pouvoir sur une popularité record (87%). Mais aussi après être passé 580 jours par la case prison, après des condamnations pour corruption, finalement annulées pour vice de forme.

" On m’avait enterré vivant! ", a lancé l’icône inoxydable de la gauche, qui a comparé sa victoire à une " résurrection ".

Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu 50,9% des voix au second tour, contre 49,1% pour le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui ne s’était toujours pas manifesté.

Brésil
Scène de liesses dans tout le pays après la victoire de Lula (AFP)

 

" Dans n’importe quel pays au monde, le candidat défait m’aurait déjà appelé pour reconnaître sa défaite. Il ne m’a toujours pas appelé, je ne sais pas s’il va appeler et s’il va reconnaître " sa défaite, a déclaré Lula s’adressant à ses partisans.

" J’aimerais bien être juste heureux, mais je suis moitié heureux, moitié inquiet ", a-t-il insisté.

Où est Bolsonaro ?

Après les scènes de liesse dans les rues du pays, les feux d’artifice toute la nuit et un discours de victoire plein de promesses, Lula, président élu du Brésil, peut se préparer dès lundi 31 octobre à un mandat qui s’annonce compliqué.

Le Brésil est suspendu à la réaction de son adversaire Jair Bolsonaro, muré dans le silence depuis l’annonce du résultat et qui n’a toujours pas reconnu sa défaite.

La transition, qui au Brésil dure jusqu’au 1er janvier, ne sera certainement pas une mince affaire.

Le silence assourdissant de Jair Bolsonaro, qui doit encore gouverner deux mois, est en soi lourd de menaces.

" Le pire qui puisse arriver serait que les Brésiliens aillent se coucher sans entendre la position de leur président (Bolsonaro), ce qui sèmerait le doute sur son acceptation du résultat " de l’élection, disait dimanche soir à l’AFP Leandro Consentino, politologue de l’Université privée Insper de Sao Paulo.

Brésil
Le président sortant Bolsonaro ne s’est toujours pas exprimé, faisant craindre une passation compliquée (AFP)

 

Réunir et pacifier

Or les lumières du Palais de l’Alvorada se sont éteintes tôt dimanche soir et selon Lauro Jardim, éditorialiste généralement bien informé du quotidien O Globo, le président défait aurait refusé toute visite après le résultat et serait allé se coucher.

Lors du second tour de la présidentielle dimanche, Luiz Inacio da Silva, anticipant apparemment déjà des difficultés, avait souhaité que " le gouvernement (sortant) soit civilisé au point de comprendre qu’il est nécessaire de faire une bonne passation de pouvoirs ".

Ensuite, Lula va devoir réunir et pacifier un Brésil malmené par quatre années de gestion à coups de crises de son prédécesseur au Palais du Planalto et de surcroit coupé en deux par la campagne la plus polarisée et brutale de son histoire récente.

" La moitié de la population est mécontente " du résultat, note M. Consentino. " Il va être essentiel que Lula ait la capacité de tendre la main à ceux qui n’ont pas voté pour lui et leur dise qu’il est le président de tous ".

" Lula va devoir pacifier le pays ", dit l’analyste. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné le vétéran de la politique brésilienne dimanche: " il n’existe pas deux Brésil ", a-t-il lancé, " nous sommes un seul peuple, une seule nation ".

Un Parlement d’opposition

" Je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi ", a ajouté Lula. 58 millions de Brésiliens ont voté contre lui.

" Ce pays a besoin de paix et d’unité ", a insisté l’icône de la gauche car " personne n’a envie de vivre dans une famille où règne la discorde ".

Lula va aussi devoir composer avec un Parlement que les élections législatives du 2 octobre ont fait pencher davantage vers la droite radicale, le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro étant devenu la première formation à la Chambre des députés comme au Sénat.

En se présentant, Lula a réuni une coalition hétéroclite d’une dizaine de formations autour de son Parti des Travailleurs (PT). Il a choisi aussi un vice-président au centre, Geraldo Alckmin, un ex-adversaire battu à la présidentielle de 2006, pour séduire l’électorat modéré et les milieux d’affaires.

Brésil

 

Dans les deux mois, le futur président doit faire des annonces concernant la composition de son gouvernement.

Retour de la diversité

On s’attend que Lula accueille plus de diversité au sein de son cabinet: des femmes — il n’en reste plus qu’une dans le dernier gouvernement Bolsonaro — des personnes de couleur, et des indigènes, dont l’un devrait prendre la tête d’un ministère nouvellement créé des affaires autochtones.

" Voir Lula revenir au pouvoir nous donne un grand espoir ", dit Vanda Witoto, aide-soignante indigène de 32 ans, rencontrée par l’AFP à Manaus, en Amazonie.

Le gouvernement de Lula devra par ailleurs redonner des moyens aux organismes de surveillance de la déforestation en Amazonie très affaiblis par les coupes de crédit, les démembrements et l’impunité totale de toutes sortes de trafiquants.

" Le Brésil est prêt à reprendre son leadership dans la lutte contre la crise climatique (…) Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie ", a lancé Lula.

Autre défi de taille pour le nouveau président, à l’heure où il devra financer les politiques sociales promises et sans la croissance de ses précédents mandats: les finances de l’État brésilien ont été plombées après la distribution, à des fins électorales, de dizaines de milliards de réais d’aides lors de sa campagne par Jair Bolsonaro.

Avec AFP