Les Hongkongais ont très largement boudé les urnes, dimanche, pour le renouvellement du Conseil législatif de leur ville en vertu d’un nouveau processus imposé par Pékin, qui a drastiquement réduit le nombre des sièges pourvus au suffrage universel et réservé le droit d’être candidat aux " patriotes " loyaux envers la Chine.

Le taux de participation, de 30%, est le plus bas depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni en 1997, et même depuis la première élection directe de membres du Conseil législatif, en 1991.Les résultats définitifs sont attendus lundi dans la journée.

Le principal responsable des élections dans ce territoire, Barnabas Fung, a déclaré que seuls 1.350.680 des 4.472.863 électeurs inscrits avaient voté pour désigner les 20 membres élus au suffrage universel sur les 90 que compte le Conseil législatif (le " LegCo "). Les 70 membres restants sont choisis par plusieurs comités composés d’élites politiques acquises au régime chinois.

Au précédent scrutin, en 2016, la participation avait été de 58,3%. Le Conseil comptait alors 70 membres, pour moitié désignés directement par les électeurs.

Cette année, pour être autorisé à briguer un siège, chacun des 153 candidats avait dû donner des gages de " patriotisme " et de loyauté politique à l’égard de la Chine.

De ce fait, les militants pour la démocratie ont été empêchés de se présenter ou y ont renoncé, lorsqu’ils ne sont pas en prison ou en fuite à l’étranger. Plusieurs d’entre eux qui vivent en exil avaient appelé à boycotter les urnes.

Les personnes exclues du scrutin " sont ces traîtres qui n’auraient pas agi pour le bien général de Hong Kong ", a lancé dimanche le numéro deux du gouvernement de ce territoire, John Lee.

Le taux de participation, thermomètre de l’adhésion des Hongkongais au nouveau système électoral, était donc particulièrement attendu.

S’abstenir ou voter blanc ou nul reste légal à Hong Kong. En revanche, encourager ces pratiques constitue depuis cette année une infraction pénale, pour laquelle 10 personnes ont été arrêtées.

Les nouvelles règles ont été imposées par Pékin dans le cadre de la reprise en main de Hong Kong après les gigantesques manifestations pour la démocratie de 2019.

Le gouvernement a fait insérer des pages de publicité dans les journaux, distribué des tracts dans les boîtes aux lettres et envoyé massivement des SMS pour inciter les Hongkongais à voter. Les transports publics étaient gratuits dimanche.

La faible participation est " extrêmement embarrassante " pour le gouvernement, a estimé Kenneth Chan, politologue à l’Université baptiste de Hong Kong. " La plupart des électeurs défendant la démocratie ont décidé de s’abstenir, pour exprimer leur désapprobation ", a-t-il déclaré à l’AFP.

Avant le scrutin, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, avait affirmé qu’un faible taux de participation ne " voudrait rien dire ".

" Quand le gouvernement fait bien les choses et que sa crédibilité est forte, la participation des électeurs est moindre car les gens ne ressentent pas vraiment le besoin de choisir de nouveaux représentants ", avait-elle assuré dans les médias d’Etat chinois.

De récents sondages indépendants situent la cote de popularité de Mme Lam aux alentours de 36%. En allant voter dimanche, la cheffe de l’exécutif a été interpellée par trois militants d’un parti en faveur de la démocratie qui ont réclamé un " vrai suffrage universel ".

Le " LegCo " est l’organisme chargé de voter les lois dans l’ancienne colonie britannique de 7,5 millions d’habitants, dont le système légal reste distinct de celui de Chine continentale.

Même si la majorité des sièges du Conseil était toujours accordée aux figures acquises à Pékin, une minorité d’opposants y était jadis tolérée, ce qui en faisait un lieu de débats souvent très vifs. Les nouvelles règles imposées par Pékin ont mis un terme à cette tradition.

Des dizaines de figures de l’opposition pro-démocratie – dont un certain nombre avait été élues aux précédentes élections en 2016 – ont été disqualifiées, sont actuellement en prison en vertu d’une loi draconienne sur la " sécurité nationale " imposée par Pékin l’an dernier ou ont fui à l’étranger.

Pékin affirme que ce système électoral " amélioré " permettra d’éradiquer les éléments " antichinois " et de s’assurer que le " LegCo " adoptera plus rapidement les nouvelles lois.

" Les gens ne veulent pas voter pour une chambre d’enregistrement et prétendre ensuite que tout va bien ", a tweeté dimanche Nathan Law, un ancien membre du " LegCo " qui vit en exil à Londres. " Ceci est une fausse élection et la pire des régressions de notre système électoral ", a renchéri un autre opposant, Brian Leung, réfugié aux Etats-Unis.

AFP

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