Il est de retour et cela promet d’être agité. Après être passé dans l’opposition quelque temps, Benjamin Netanyahu redevient le Premier ministre d’Israël. Pour obtenir sa majorité et éviter d’être condamné pour corruption, beaucoup estiment qu’il n’a pas hésité à ouvrir les porte du gouvernement aux partis les plus extrêmes de l’extrême droite du pays. Trois d’entre eux récupèrent, en effet, des portefeuilles ministériels. 

Après une pause dans l’opposition, Benjamin Netanyahu revient jeudi au pouvoir à la tête du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël qui suscite déjà des inquiétudes.

Vainqueur des législatives du 1er novembre, M. Netanyahu a présenté dans la matinée son équipe ministérielle aux députés, avant un vote de confiance attendu sans suspense au Parlement, où sa coalition dispose de la majorité des sièges.

M. Netanyahu a notamment annoncé la nomination de l’ex-ministre du Renseignement Eli Cohen à la tête des Affaires étrangères. La veille, il avait indiqué que Yoav Gallant, un ancien haut gradé jugé proche du mouvement pro-colonisation en Cisjordanie occupée, allait obtenir la Défense.

Avi Maoz, chef du party d’extrême-droite Noam (AFP)

La mission du gouvernement sera de " contrecarrer les efforts de l’Iran pour se doter d’un arsenal nucléaire ", " d’assurer la supériorité militaire d’Israël dans la région ", tout en " élargissant le cercle de la paix " avec les pays arabes, a déclaré M. Netanyahu au Parlement.

Âge de 73 ans et inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, le chef du Likoud (droite) avait été chassé du pouvoir en juin 2021 par une coalition hétéroclite avant de promettre un retour aux affaires en s’alliant avec des partis ultraorthodoxes et d’extrême droite.

Sa coalition comprend notamment les formations " Sionisme religieux " de Bezalel Smotrich et " Force juive " d’Itamar Ben Gvir, connus pour leurs propos anti-palestiniens et leurs positions favorables à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, et " Noam " d’Avi Maoz, ouvertement anti-LGBTQ.

Des centaines de personnes, dont plusieurs arborant le drapeau arc-en-ciel, manifestaient jeudi devant le Parlement contre le nouveau gouvernement.

Il s’agit d' "un rêve pour les partenaires de Netanyahu mais d’un cauchemar pour ses adversaires ", souligne Yohanan Plesner, directeur de l’Institut démocratique d’Israël (IDI).

Le Premier ministre sortant Yair Lapid lors du vote pour former le nouveau gouvernement le 29 décembre (AFP)

La procureure générale, Gali Baharav-Miara, a récemment dit craindre des réformes réduisant le pouvoir des juges et d’une " politisation des forces de l’ordre " qui " porterait un coup sérieux aux principes les plus fondamentaux de l’Etat de droit ".

Et le chef d’état-major de l’armée Aviv Kochavi s’est dit inquiet de la création d’un second poste de ministre, celui de M. Smotrich, au sein même de la Défense pour superviser la gestion civile de la Cisjordanie.

Pour de nombreux analystes, M. Netanyahu a multiplié les concessions à ses partenaires dans l’espoir d’obtenir une immunité judiciaire ou l’annulation de son procès pour corruption.

" Ce gouvernement est l’addition de la faiblesse politique de Netanyahu, compte tenu de son âge et de son procès, et du fait qu’on a une nouvelle famille politique, liée à la droite révolutionnaire, que l’on n’avait jamais vu avec cette force en Israël ", explique à l’AFP Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Open University d’Israël.

Des manifestants protestent contre la formation du nouveau gouvernement, le 29 décembre (AFP)

MM. Smotrich et Ben Gvir, qui souhaitent avant tout renforcer la colonisation en Cisjordanie, territoire palestinien où vivent déjà plus de 475.000 colons juifs, " ont une très forte soif de pouvoir et ils savent que ce qu’ils n’obtiennent pas d’ici à trois mois, six mois, voire deux ans, n’aura pas lieu ", ajoute M. Charbit.

Dans la foulée de la dernière guerre Hamas/Israël à Gaza en mai 2021 et des violences récentes en Cisjordanie, les plus graves depuis la fin de la Seconde intifada (2000 à 2005), la crainte d’une escalade militaire avec les Palestiniens est bien présente.

" Il y a de nombreuses lignes rouges: Al-Aqsa, l’annexion [de la Cisjordanie], le statut des prisonniers palestiniens (en Israël) … Si Ben Gvir, à titre de ministre, se rend à Al-Aqsa, ce sera une grande ligne rouge de franchie et cela mènera à une explosion ", confie à l’AFP Basem Naim, haut responsable politique du Hamas.

M. Ben Gvir s’est déjà rendu ces derniers mois sur l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs), lieu saint au cœur des tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est.

En vertu d’un statu quo historique, les non-musulmans peuvent s’y rendre, mais pas y prier, mais la visite d’un ministre israélien en fonction sur ce site serait perçu comme de la provocation parmi les Palestiniens.

" Si le gouvernement agissait de manière irresponsable, cela pourrait provoquer une crise sur le plan de la sécurité ", s’est inquiété le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz.

Avec AFP