Au-delà de l’invasion militaire, la Russie est accusée par l’Ukraine, des ONG et des instances de l’ONU de se livrer au pillage et à la destruction de biens culturels dans les territoires occupés par ses forces armées. Le vol d’objets précieux n’est pas le seul mobile retenu, mais plutôt une volonté implacable de rappeler aux Ukrainiens que leur culture et leur nation n’ont jamais existé d’une manière indépendante de la civilisation russe.

Dès le déclenchement de l’invasion, les forces russes ont pillé des musées, saccagé des monuments, brûlé des bibliothèques, et déboulonné des statues et autres plaques historiques dans les villes et les villages investis.

A l’origine de cette action, une volonté de confirmer l’unicité de la culture russe et de lutter contre le désir d’indépendance de l’Ukraine comme nation séparée de la Russie.

L’ermitage en bois de la Laure de Sviatohorsk, dans la région de Donetsk, réduit en ruine.

L’un des objectifs stratégiques et militaires des Russes, mis à part l’occupation du territoire ou la pression politique, est la destruction délibérée du patrimoine culturel séculaire, de l’identité nationale et de la mémoire historique de l’Ukraine. Cette politique vise à affaiblir l’identité de l’Ukraine en tant que pays distinct et à revendiquer la propriété légale de la Russie sur ses biens.

Le nombre des cas enregistrés contre le patrimoine culturel suggère qu’il ne s’agit pas de cas isolés, mais d’une politique délibérée des autorités russes.

Les Russes savent que pour vaincre l’Ukraine à tous les niveaux, il faut aussi effacer le code culturel de la nation ukrainienne, priver les Ukrainiens de leur culture, de leur langue et de leur façon de penser.

Un soldat russe au théâtre de Marioupol peu après la prise de la ville.

Le 26 décembre dernier, Vladimir Poutine a annoncé lors d’un discours télévisé que son " objectif est d’unir le peuple russe  " et que son armée  " agit dans la bonne direction  " en Ukraine.

Le président russe utilise régulièrement le concept de  " Russie historique  " pour justifier l’intervention militaire en Ukraine par le besoin de rassembler Ukrainiens et Russes, qui ne formeraient, selon lui, qu’un seul peuple.

Ainsi, après la reprise de Kherson par l’armée ukrainienne le 23 décembre dernier, les habitants ont découvert que le musée de leur ville a été l’objet d’un véritable pillage, une action qu’a qualifiée l’ONG Human Rights Watch de " crime de guerre ". 

Consacré à l’histoire locale, le Musée régional de Kherson abritait environ 180 000 objets dans ses collections avant l’invasion russe lancée fin février. (AFP)

Consacré à l’histoire locale, le Musée régional de Kherson abritait environ 180.000 objets dans ses collections avant l’invasion russe. 

" Les habitants de Kherson ont déjà souffert pendant des mois de torture et d’autres abus lors de l’occupation russe, et ont ensuite vu leur héritage culturel et historique se faire emballer et emporter ", a déploré Belkis Wille, directrice adjointe du département " Crises et conflits " de HRW, dans une interview avec l’AFP.

Selon Human Rights Watch, " au moins 450 objets " ont disparu du musée de Kherson. (AFP)

Objets en or, pièces rares, armes, médailles militaires: la liste est longue. Selon des médias ukrainiens, les Russes ont transféré certains objets disparus de cet établissement et du Musée régional de beaux-arts de Kherson vers des musées en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par Moscou en 2014.

L’or des Scythes

Selon l’ONG internationale, " au moins 450 objets " ont disparu au total, dont notamment du précieux " or des Scythes, des médailles impériales russes et des pièces de monnaie ", mais aussi des tableaux, des meubles ou encore des uniformes militaires datant de l’époque soviétique. Un trésor local, hérité de centaines d’années d’histoire, au gré des péripéties du pays.

Une femme tente de sauver des livres anciens au musée du philosophe ukrainien Hryhoriy Skovoroda, dans la région de Kharkiv.

Ailleurs, on peut citer le musée de Hryhoriy Skovoroda, philosophe ukrainien, détruit dans la région de Kharkiv ou le bâtiment du théâtre de Marioupol détruit par une frappe aérienne.

On peut aussi citer l’exemple du musée de l’artiste ukrainienne Maria Primachenko, détruit dans la région de Kiev, l’ermitage en bois de la Laure de Sviatohorsk, brûlé dans la région de Donetsk.

La liste des richesses du patrimoine culturel endommagées n’est pas exhaustive, car on ignore la situation sur les territoires occupés.

" Le peuple ukrainien a le droit à la restitution de tous les objets volés et à la justice ", a ajouté la directrice chez HRW.

En octobre 2021, la justice néerlandaise a ordonné le retour en Ukraine d’une collection d’une valeur inestimable de trésors archéologiques prêtés par la Crimée à un musée d’Amsterdam peu avant l’annexion par Moscou de cette péninsule ukrainienne, " une décision politique et juridique très importante " pour Kiev.

Kiev a d’ores et déjà entamé des procédures juridiques afin de faire assumer la responsabilité de ces pillages aux forces russes. L’une des revendications clés des autorités ukrainiennes étant la restitution de ces avoirs volés et la restauration du patrimoine culturel ukrainien détruit.

Pour ce faire, l’Ukraine mise sur l’application des dispositions du droit international dans ce domaine. Il s’agit des conventions de l’Unesco, des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies ou de la Convention de 1970 sur l’interdiction du trafic de propriétés ou de biens culturels.