Reconnus coupables d’avoir tué un paramilitaire lors des manifestations, deux hommes ont été pendus ce samedi, a annoncé la justice iranienne, portant à quatre le nombre de manifestants exécutés. Ces exécutions ont suscité une vague internationale d’indignation, alors que d’aucuns espéraient que le régime allait changer de politique envers la contestation.

Les Etats-Unis ont dénoncé un " simulacre de procès " et des exécutions qui sont " un élément clé de la stratégie du régime pour réprimer les manifestations " qui secouent le pays depuis des mois.

Le Canada aussi s’offusque d' "exécutions insensées " et réclame que Téhéran y mette un terme, la France les juge " révoltantes ".

Les Pays-Bas ont convoqué l’ambassadeur iranien pour lui faire part de leur " grave préoccupation ", invitant les pays membres de l’UE à faire de même.

L’ONU a dénoncé des pendaisons " choquantes " qui portent à quatre le nombre d’exécutions depuis le début du mouvement de contestation en Iran à la mi-septembre, tandis que l’UE s’est dite " consternée ", selon un communiqué des services de son chef de la diplomatie Josep Borrell.

Elle a aussi appelé l’Iran " à mettre immédiatement un terme " à l’exécution de manifestants.

Dans un tweet, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a indiqué que ces exécutions " confortaient (Berlin) dans (sa) volonté d’augmenter encore la pression sur Téhéran avec l’UE ".

Les deux hommes exécutés sont reconnus coupables d’avoir tué un paramilitaire lors des manifestations déclenchées par le décès en détention de la jeune irano-kurde Mahsa Amini.

" Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, les principaux auteurs du crime qui a conduit au martyre de Rouhollah Ajamian, ont été pendus ce matin " samedi, a indiqué l’agence de l’autorité judiciaire Mizan Online. Ces pendaisons portent à quatre le nombre d’exécutions depuis le début du mouvement de contestation en Iran à la mi-septembre.

Les deux hommes étaient accusés d’avoir tué ce membre de la milice des Bassidji, liée aux Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique d’Iran, le 3 novembre à Karaj, à l’ouest de Téhéran.

Un tribunal en première instance les avait condamnés à mort le 4 décembre et la Cour suprême d’Iran avait confirmé le 3 janvier leurs peines, une justice qualifiée d' "expéditive " par des ONG de défense des droits humains.

" En deuil en tant que nation "

Depuis le début du mouvement de contestation, la justice a condamné à mort 14 personnes en lien avec les manifestations, selon un décompte de l’AFP basé sur des informations officielles. Parmi elles, quatre ont été exécutées, deux ont vu leur peine confirmée par la Cour suprême, six attendent de nouveaux procès et deux autres peuvent faire appel.

Des militants assurent que des dizaines d’autres personnes font face à des accusations passibles de la peine de mort.

L’Iran a été secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre à la suite de son arrestation pour violation du code vestimentaire strict du pays pour les femmes.

Les responsables iraniens dénoncent en général des " émeutes ", attisées selon eux par des pays étrangers et des groupes d’opposition, et affirment que des centaines de personnes ont été tuées dans les troubles, parmi lesquelles des membres des forces de sécurité. Environ 14.000 personnes ont par ailleurs été  arrêtées, selon l’ONU.

Les exécutions de samedi surviennent malgré une campagne d’ONG appelant Téhéran à épargner Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, Amnesty International ayant notamment dénoncé un procès " inéquitable ".

Mi-décembre, le père de Mohammad Mehdi, Mashallah Karami, avait diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il implorait les autorités d’annuler la peine de mort contre son fils.

Il y décrivait son fils comme un membre de l’équipe nationale de karaté ayant gagné des compétitions en Iran.

Mashallah Karami a indiqué à des médias locaux que l’avocat de la famille n’avait pas pu avoir accès au dossier de son fils. Cet avocat, Me Mohmmed Aghasi, a déploré samedi sur Twitter que Karami n’avait pas pu voir une dernière fois sa famille avant son exécution.

Selon l’organisation basée à Oslo Iran Human Rights (IHR), Karami était âgé de 22 ans et selon l’ONG Hengaw, basée aussi en Norvège, Hosseini avait 39 ans.

" Nous sommes en deuil en tant que nation ", a réagi sur Twitter une opposante iranienne résidant aux Etats-Unis Masih Alinejad. " Aidez-nous à sauver les autres ", a-t-elle ajouté en postant des photos de Karami et Hosseini.

Nouveau chef de la police

Le directeur de IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam, a affirmé que les deux condamnés avaient été " soumis à la torture, et condamnés à l’issue d’un simulacre de procès ", réclamant des " sanctions plus dures contre des personnes et entités iraniennes ".

Téhéran fait déjà l’objet d’une série de sanctions internationales en réaction à la répression des manifestations.

Par ailleurs, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a annoncé samedi avoir nommé un nouveau chef de la police nationale, Ahmad-Reza Radan, pour remplacer Hossein Ashtari, un général dont le mandat s’était achevé.

Cette photo fournie par le bureau du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, le 7 janvier 2023, le montre en train de rencontrer le nouveau chef de la police, le général Ahmad-Reza Radan, à Téhéran. (KHAMENEI.IR / AFP)

En 2010, le Trésor américain avait mis Ahmad-Reza Radan sur sa liste noire pour violation des droits humains après la réélection controversée du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad qui avait donné lieu à d’importantes manifestations réprimées par le pouvoir.

Avant l’annonce de cette nomination, Mehrzad Boroujerdi, vice-recteur de l’Université de science et technologie du Missouri, aux Etats-Unis, avait fait état de " rumeurs selon lesquelles Khamenei avait été très critique du travail d’Ashtari ".

Il a indiqué mercredi à l’AFP qu’il s’attendait à ce que des gens comme Ashtari soit remplacé par des responsables " encore plus durs pour contrôler étroitement les forces de sécurité ".

Avec AFP