Malgré les apparences policées, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) n’hésite pas à piquer au vif Joe Biden en visite à México pour un sommet tripartite nord-américain. Partenaires obligés, les tensions entre la personnalité du chef d’État mexicain, qui entretenait une relation cordiale avec Trump, et le démocrate de 80 ans n’entament pourtant pas l’alliance stratégique entre les deux voisins sur les dossiers de l’immigration ou de la drogue. 

Des tensions ont affleuré au début d’une réunion bilatérale entre les deux délégations, quand le président mexicain a demandé à son homologue américain d’en finir avec le " dédain envers l’Amérique latine et les Caraïbes ". " Président Biden, vous avez la clé pour ouvrir et améliorer substantiellement les relations entre tous les pays du continent américain ", a-t-il dit dans ses remarques préliminaires, en présence de la presse.

Des véhicules en feu dans la rue lors d’une opération visant à arrêter le fils de Joaquin " El Chapo " Guzman, Ovidio Guzman, à Culiacan, dans l’État de Sinaloa, au Mexique. (AFP)
Piqué au vif

Comme piqué au vif, Joe Biden a tenu à souligner que les États-Unis avaient dépensé en quinze ans des " dizaines de milliards de dollars " pour le continent. " Malheureusement notre responsabilité ne s’arrête pas au continent américain. Elle existe aussi en Europe centrale, en Asie, en Afrique (…) J’aimerais que nous n’ayons qu’une priorité. Mais nous en avons plusieurs ", a-t-il aussi lancé.

Voilà qui contrastait avec les débuts plus chaleureux de la visite du président américain, venu participer à un sommet dit des " trois amis " auquel se joindra mardi le Premier ministre canadien Justin Trudeau, lui aussi arrivé à Mexico lundi. Lundi, Joe Biden et Andrés Manuel Lopez Obrador, souriants, ont échangé une chaleureuse poignée de main lors d’une cérémonie d’accueil au Palais national, siège de la présidence.

Ils ont été rejoints par leurs épouses Jill Biden et Beatriz Gutierrez dans une grande accolade. De quoi laisser penser que la brouille de juin dernier, quand le président mexicain avait boudé un sommet organisé à Los Angeles, s’était estompée. Mais les propos des deux chefs d’Etat soulignent qu’il existe pour les deux pays nombre de sujets délicats.

Une crise régionale de la migration et du trafic de drogue devrait dominer les discussions entre le président américain Joe Biden et son homologue mexicain Andres Manuel López Obrador. (AFP)
Routes d’exil et de drogues

À commencer par l’immigration. Le président américain s’est rendu dimanche à la frontière avec le Mexique, où les migrants arrivent depuis plusieurs mois en nombre record. Le démocrate de 80 ans sait qu’il aura besoin de la coopération du Mexique, qui s’est engagé à recevoir chaque mois jusqu’à 30.000 migrants illégaux expulsés.

Avec son homologue mexicain, ils se sont entretenus selon la Maison Blanche de la manière d’avoir une approche " innovante " face à l’immigration clandestine, et ont promis de s’attaquer aux " racines " du phénomène dans les pays d’origine. Les deux chefs d’Etat ont par ailleurs exprimé pendant leur entretien la volonté " d’accroître leur coopération ", en matière de lutte contre le trafic de drogue et en particulier de fentanyl, puissant opiacé qui fait des ravages aux États-Unis.

États-Unis et Mexique veulent travailler ensemble pour " poursuivre les trafiquants ", " perturber " l’approvisionnement en produits chimiques nécessaires à la production de fentanyl et " fermer les laboratoires ", selon un communiqué de la Maison Blanche publié à l’issue de la réunion bilatérale.

Des migrants au pied du mur frontalier séparant les États-Unis du Mexique. (AFP)
Sommet des trois amis

Joe Biden et AMLO ont, selon la même source, " réaffirmé leur engagement " dans le cadre de l’accord de libre-échange qui lie leurs deux pays ainsi que le Canada. La journée de lundi s’est conclue par un dîner, avec Justin Trudeau et les épouses des trois dirigeants.

Mardi, Joe Biden et le Premier ministre canadien auront une rencontre bilatérale, lors de laquelle sera évoqué le possible envoi en Haïti d’une force internationale. Puis aura lieu le " sommet des trois amis " en tant que tel, que Joe Biden avait relancé à la Maison Blanche en 2021, après cinq années de hiatus. Les échanges mardi devraient faire la part belle aux sujets économiques.

Les " trois amis " n’ont toutefois pas fait l’impasse sur la situation au Brésil: leur premier geste lundi a été la publication d’un communiqué commun condamnant les " attaques " de partisans de l’ancien président Jair Bolsonaro contre des lieux de pouvoir à Brasilia. Joe Biden a d’ailleurs annoncé en marge de ses réunions à Mexico qu’il recevrait le président brésilien Lula à Washington début février.

Maxime Pluvinet avec AFP