Face à la menace chinoise, le Japon a multiplié les accords militaires avec les États-Unis et l’Europe. Le pays du Soleil Levant a notamment conclu des accords dans le domaine spatial et militaire avec Washington et Londres. Tokyo multiplie ainsi les alliances face à la montée en puissance de l’armée chinoise.

La fameuse base américaine d’Okinawa, au sud de l’archipel nippon.

Défense spatiale, déploiement supplémentaire de Marines prévu à Okinawa, accord militaire avec Londres : le Premier ministre japonais Fumio Kishida rapportera bien plus que des souvenirs de son intense tournée diplomatique en Europe et en Amérique du Nord cette semaine.

M. Kishida a discuté d’une multitude de sujets avec ses homologues de cinq autres pays du G7, mais c’est la défense qui a dominé son agenda.

Les accords en la matière conclus à Londres et Washington ces derniers jours sont une nouvelle illustration de la volonté de Tokyo d’approfondir ses liens avec ses alliés face à la pression grandissante de la Chine en Asie-Pacifique, selon des analystes.

Le Japon veut normaliser " son rôle en tant que grande puissance ", estime Amy King du Centre d’études stratégiques et de défense de l’Université nationale australienne.

L’archipel recherche " le genre de partenariats stratégiques et de relations de défense qui sont plutôt normaux pour d’autres pays, mais qui étaient auparavant tabous pour le Japon " du fait de sa Constitution pacifiste, ajoute-t-elle.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre japonais des Affaires étrangères Yoshimasa Hayashi signent un accord-cadre dans le domaine de l’exploration de l’espace (AFP)

M. Kishida tente aussi d’étendre les relations du Japon pour " l’assurer contre un déclin de la capacité américaine " et s’efforcer d' "attirer d’autres grandes démocraties en Asie ", selon cette analyste.

Son gouvernement a dévoilé en décembre une refonte de la doctrine de défense du pays, prévoyant un quasi doublement des dépenses militaires pour les porter à 2% du PIB national d’ici 2027, alors que Tokyo considère désormais la Chine comme posant un " défi stratégique sans précédent " à sa sécurité.

Un besoin réel

" Autrefois, le Japon pouvait séparer économie et politique " en commerçant avec la Chine et la Russie tout en jouissant de la protection garantie par son traité de sécurité avec les États-Unis, rappelle Mitsuru Fukuda, professeur de l’université Nihon à Tokyo.

Mais cette époque est désormais révolue, alors que les crispations entre les démocraties et les États autoritaires se sont encore intensifiées depuis l’invasion russe de l’Ukraine, estime ce chercheur.

À l’exception de l’Allemagne, M. Kishida se déplace cette semaine dans tous les pays membres du G7, dont le Japon est le pays hôte cette année. Il avait rendez-vous ce vendredi avec le président américain Joe Biden à Washington.

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le Premier ministre japonais Fumio Kishida signent un important accord de défense qui permettra le déploiement de troupes britanniques au Japon (AFP)

Les chefs américains et japonais de la diplomatie et de la défense se sont déjà rencontrés jeudi : l’occasion d’étendre explicitement le traité nippo-américain de sécurité au domaine spatial et d’annoncer le déploiement d’ici 2025 d’une unité plus mobile de Marines à Okinawa, le département japonais le plus proche de Taïwan et de la Chine continentale.

Un " accord d’accès réciproque " entre le Japon et le Royaume-Uni a par ailleurs été conclu mercredi à Londres, pour permettre aux troupes des deux pays de se déployer sur le territoire de l’autre de manière beaucoup plus fluide que jusqu’à présent.

Le Japon a déjà signé un accord similaire avec l’Australie l’an dernier et discute d’un projet semblable avec les Philippines.

Tokyo a aussi décidé l’an dernier de codévelopper un nouvel avion de combat avec Londres et Rome, et de coopérer dans le domaine du renseignement avec l’Australie.

Le Japon a multiplié ces derniers temps les manoeuvres militaires sur terre et sur mer face à la montée en puissance de l’armée chinoise.
" Dissuader la Chine "

Tisser cette toile d’alliances est " certainement un moyen efficace de contrer ou d’essayer de dissuader la Chine " de provoquer une crise majeure en Asie-Pacifique, selon Daisuke Kawai, chercheur de l’Institut japonais des affaires internationales.

Comme de tels accords ne vont pas aussi loin que des traités de défense mutuelle, ils devraient rester " acceptables pour le moment " pour la Chine, pense-t-il.

Pékin se contente de critiquer verbalement Tokyo et a encore dénoncé cette semaine une volonté de " créer des ennemis imaginaires " en Asie-Pacifique.

Le président américain Joe Biden reçoit le Premier ministre japonais à la Maison-Blanche (AFP)

Le renforcement de la défense du Japon et de ses alliances " ne modifie pas encore significativement le rapport des forces " dans la région, estime aussi Yee Kuang Heng, professeur de sécurité internationale à l’Université de Tokyo.

Entrée en vigueur après la Seconde Guerre mondiale, la Constitution pacifiste japonaise empêche Tokyo d’entrer en guerre. Son intention d’acquérir des missiles de plus longue portée pour se doter d’une " capacité de contre-attaque " a donc fait débat.

L’opinion publique nippone soutient majoritairement le renforcement de la défense du pays selon des sondages, mais les avis sont partagés sur la façon de financer un effort aussi massif.

Avec AFP