Ramstein III: l'Occident offre un dopage technologique à l'Ukraine
Cinquante pays alliés de l'Ukraine se réunissent vendredi à Ramstein, en Allemagne, où se trouve la plus grande base militaire US en Europe, pour approuver une nouvelle aide militaire pour l'Ukraine. Dès jeudi, plusieurs pays européens ont annoncé leurs contributions, formées essentiellement de matériel lourd. Un diplomate ukrainien a déclaré à Ici Beyrouth que "Kiev compare cette réunion à la conférence de Téhéran, qui a réuni, en 1943, les Alliés contre Hitler".



La réunion de Ramstein survient au lendemain de la prise de fonction officielle du nouveau ministre allemand de la Défense Boris Pistorius.

Les pays qui soutiennent militairement Kiev tiennent vendredi une réunion en Allemagne, de laquelle le président ukrainien Volodymyr Zelensky dit attendre "des décisions fortes", comme l'envoi de blindés lourds, pour aider son pays dans les batailles cruciales à venir contre la Russie.

Quelques heures avant cette réunion sur la base américaine de Ramstein, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark ont annoncé de nouvelles livraisons substantielles d'armes à l'Ukraine.

Le blindé américain de transport de troupes Stryker.

Washington va débloquer une nouvelle aide militaire de 2,5 milliards de dollars, comprenant 59 blindés Bradley, qui s'ajouteront aux 50 véhicules blindés légers de ce type promis le 6 janvier, et 90 blindés de transport de troupes Stryker, selon le Pentagone.

L'armée américaine va également livrer à l'Ukraine 53 véhicules blindés antimines (MRAP) et 350 véhicules de transport M998, le fameux Humvee. Cette nouvelle tranche porte à 26,7 milliards de dollars l'aide militaire totale des Etats-Unis à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février.

Le MaxxPro, un véhicule américain résistant aux mines et autres projectiles.

Mais cette nouvelle tranche d'aide ne comprend aucun char lourd, comme les Abrams, que les Etats-Unis disent ne pas être encore prêts à fournir à Kiev pour des raisons de maintenance et de formation.

Le missile britannique contre le blindage Brimstone.

Le Royaume-Uni s'est engagé quant à lui à envoyer à l'Ukraine 600 missiles supplémentaires Brimstone, le Danemark 19 canons Caesar de fabrication française, et la Suède des canons automoteurs Archer.

Des systèmes qui ont tous une portée de plusieurs dizaines de kilomètres, inférieure à celle réclamée par les Ukrainiens.

 

Le canon automoteur Archer est un équivalent suédois du Caesar français.

Londres avait déjà promis 14 chars lourds Challenger 2 à Kiev, et la Pologne se dit prête à lui livrer 14 chars de combat Leopard 2 de fabrication allemande, un total encore loin des centaines de ces véhicules dont l'Ukraine dit avoir besoin.
"Conférence de Téhéran de 1943"

Une source diplomatique ukrainienne a confié à Ici Beyrouth que "l’Ukraine, avec ces nouvelles armes, défend non seulement sa propre indépendance, mais agit également en tant que garant de la stabilité européenne".

Les blindés américains Bradley, de 25 à 30 tonnes, sont équipés d'un canon de 25 mm et de missiles antichar.

La source, qui a requis l'anonymat affirme que "le président russe Vladimir Poutine exècre l’Occident et le considère comme l’ennemi existentiel de la Russie". Avant d'ajouter: "les forces armées ukrainiennes contribuent à la préservation de l’ordre mondial existant, que Poutine veut changer".

"Les réunions de Ramstein confirment l'existence d'une coalition de pays libres attachés aux principes de la démocratie" poursuit le diplomate.


Le char Challenger 2 britannique.

Kiev estime également que la réunion de vendredi "rappelle la conférence de Téhéran de 1943 en pleine Seconde Guerre mondiale, où les participants ont renforcé la coalition anti-hitlérienne". Sur le plan militaire, le diplomate rappelle que "la Russie se bat avec des méthodes archaïques héritées de l’époque de la Seconde Guerre mondiale".
Cinquante pays

La rencontre de vendredi est la troisième sous ce format dit "Ramstein" depuis le début du conflit. Les ministres de la Défense et hauts responsables militaires d'une cinquantaine de pays se réunissent autour du secrétaire d'Etat américain à la Défense, Lloyd Austin.

Né durant la guerre de 2003 en Irak, le MaxxPro, baptisé MRAP pour "Mine Resistant Ambuch Protected", est un véhicule qui assure la protection du personnel grâce à une cellule ultra blindée. Prix de l'unité: un million de dollars. (Wikimédia Commons)

"Nous nous préparons à Ramstein demain. Nous attendons des décisions fortes. Nous attendons un soutien militaire puissant de la part des Etats-Unis", a déclaré M. Zelensky dans son allocution vidéo de jeudi soir.

"Quelques pays" vont envoyer des chars Leopard 2 à l'Ukraine, a dit jeudi le ministre lituanien de la Défense Arvydas Anusauskas, ajoutant que "d'autres informations" seront divulguées vendredi.

"Il faut des chars allemands, des chars finlandais, des chars danois, des chars français, cela veut dire que l'Europe occidentale elle-même doit maintenant allouer des chars plus modernes à l'Ukraine, afin qu'elle puisse simplement se défendre", a quant à lui plaidé le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

Mercredi dernier, la Pologne a fait sauter le tabou qui tenait depuis le début de la guerre en se déclarant prête à livrer 14 chars lourds Leopard 2 de fabrication allemande.

L'Allemagne fait l'objet d'une pression croissante de la part de plusieurs de ses voisins européens pour qu'elle autorise des livraisons de Leopard. Son nouveau ministre de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré jeudi que la réponse serait "claire dans les prochaines heures ou demain (vendredi) matin".

S'exprimant par visio-conférence en marge du Forum économique de Davos en Suisse, M. Zelensky a de son côté brocardé, ceux qui disent "je livrerai des chars si quelqu'un d'autre le fait".

Une claire allusion à l'Allemagne, dont le chancelier Olaf Scholz a déclaré à des élus du Congrès américain à Davos que son pays ne fournirait des chars lourds à l'Ukraine que si les Etats-Unis en envoyaient également, selon un haut-responsable américain.

Les États-Unis ont approuvé la vente à la Pologne de 116 chars de combat américains Abrams supplémentaires et d'autres armements lourds pour un montant total de 3,75 milliards de dollars après en avoir déjà acheté 250 en avril. Mais Washington refuse toujours d'en fournir à l'Ukraine.
"Cesser de trembler devant Poutine"

"Contre des milliers de chars de la Russie (...), le courage de notre armée et la motivation du peuple ukrainien ne suffisent pas", a martelé M. Zelensky.

Peu après, l'un de ses conseillers, Mykhaïlo Podoliak, a appelé les Occidentaux à cesser de "trembler devant Poutine" et à livrer des blindés lourds à l'Ukraine.

Selon les experts, des chars lourds modernes et de conception occidentale seraient un avantage crucial pour Kiev dans les batailles qui s'annoncent dans l'Est de l'Ukraine, où la Russie reprend l'offensive après avoir subi de lourds revers cet hiver.

Le canon automoteur français Caesar a fait des merveilles dans les plaines du Donbass, à l'est de l'Ukraine.

Les autorités ukrainiennes disent également avoir besoin de systèmes de missiles d'une portée de plus de 100 km pour pouvoir frapper la chaîne logistique russe, en particulier les dépôts de munitions.

Mais les Occidentaux craignent, malgré les assurances ukrainiennes, que Kiev ne provoque une escalade en usant de ces armes pour frapper en profondeur le territoire russe et les bases aériennes et navales de Crimée, une péninsule annexée en 2014 par la Russie.

Le Kremlin a d'ailleurs adressé jeudi un avertissement clair: la livraison d'armes de plus longue portée "signifierait que le conflit atteindrait un nouveau palier".

Georges F. Haddad, avec AFP
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