L’Allemagne a fait suspendre mercredi la diffusion par satellite de la chaîne d’information russe Russia Today en langue allemande (RT DE), faute de licence valide, suscitant l’irritation de Moscou qui a menacé de représailles.

Quinze jours après l’arrivée au pouvoir du gouvernement d’Olaf Scholz, les contentieux entre la Russie et l’Allemagne s’accumulent : expulsions réciproques de diplomates en lien avec une affaire de meurtre jugée à Berlin, avertissements lancés à Vladimir Poutine sur la situation en Ukraine, fermeté allemande sur le sort du gazoduc controversé Nord Stream 2.

Mercredi, c’est l’autorité des médias de Berlin-Brandebourg (Mabb) qui a obtenu l’arrêt de la diffusion par satellite de RT en allemand, après avoir protesté auprès de l’opérateur européen de satellites Eutelsat.

" Aucune autorisation de radiodiffusion n’a été demandée ni accordée par la Mabb " pour ce programme, a justifié le régulateur allemand.

RT DE a répliqué que ce blocage était " illégal " et le résultat de pressions politiques exercées par Berlin.

La chaîne a son siège à Moscou et dispose d’une licence serbe pour la transmission par câble et par satellite, ce qui, selon RT, lui permet d’être diffusée en Allemagne conformément au droit européen.

L’autorité allemande considère que la licence serbe est insuffisante car RT DE " est en allemand et cible le marché allemand ".

" Mauvaise image "

Eutelsat a confirmé, dans une déclaration à l’AFP, avoir interrompu mercredi la diffusion par satellite de la chaîne.

" Le régulateur allemand des médias a informé Eutelsat que la chaîne RT DE diffusée sur deux de nos satellites par un distributeur tiers ne détenait pas une licence valide pour cette diffusion (…) ", explique l’opérateur.

La chaîne RT, considérée comme un outil de propagande du Kremlin à l’international, avait commencé sa diffusion en langue allemande le 16 décembre.

Ce même jour, Youtube avait suspendu le compte en allemand de Russia Today pour violation de ses conditions d’utilisation estimant que le média contournait une interdiction imposée quelques mois plus tôt par la plateforme.

YouTube, propriété de Google, reproche à la chaîne de violer ses directives en matière de lutte contre la désinformation au sujet du Covid-19.

La chaîne d’information russe en langue allemande peut toutefois encore être regardée sur son site internet.

S’exprimant sur RT mercredi, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n’a pas exclu des représailles pour le blocage de la diffusion satellite.

" Dès le début, les autorités allemandes ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour donner une mauvaise image de votre chaîne (RT) dans la société allemande ", s’est-il plaint. " Jusqu’à récemment, nous ne voulions pas emprunter la même voie, en étouffant la presse… mais je ne peux pas exclure que nous réagissions ", a ajouté M. Lavrov.

Dialogue

Lancé en 2005 sous le nom de " Russia Today ", RT, financé par l’Etat, s’est développée avec des diffuseurs et des sites web en plusieurs langues, notamment en anglais, français, espagnol, allemand et arabe.

Elle a suscité la controverse dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, où elle a dû s’enregistrer en tant qu' "agent étranger ", et en Grande-Bretagne, où les autorités ont menacé de lui retirer sa licence de diffusion. La chaîne a été interdite dans plusieurs pays, notamment en Lituanie et de Lettonie.

Pour diffuser en allemand, la chaîne RT avait fait en juin une demande de licence au Luxembourg que les autorités locales lui avaient refusée.

Cette bataille intervient une semaine après qu’un tribunal de Berlin a condamné un Russe à la prison à vie pour un assassinat commis en 2019 sur le sol allemand, et désigné Moscou comme commanditaire du meurtre.

L’Allemagne s’inquiète également des mouvements de troupes russes à la frontière avec l’Ukraine.

La ministre des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, partisane d’une ligne plus ferme de Berlin face à Moscou, a jugé mercredi que le " dialogue " était désormais essentiel pour désamorcer une " crise majeure " sur le dossier ukrainien.

Par Sophie MAKRIS (AFP)