
Après avoir été élu dans la douleur, Friedrich Merz se rend mercredi en chancelier allemand affaibli mais «très européen» à Paris, puis Varsovie, deux capitales où il espère relancer des relations en souffrance.
Le président Emmanuel Macron l'a certes félicité après sa nomination en anticipant un moteur franco-allemand «plus fort que jamais».
Mais l'élection mardi aux forceps de Friedrich Merz au poste suprême par les députés allemands, après deux tours de scrutin alors qu'il devait s'agir d'une formalité, inquiète.
Car elle a révélé au grand jour la fragilité politique du dirigeant conservateur et de sa coalition avec les sociaux-démocrates, sur qui toute l'Europe comptait pour remettre l'Allemagne au centre du jeu après des années de surplace sous l'ère Olaf Scholz et six mois de crise politique intérieure.
«La situation en Allemagne est un choc politique», a asséné l'eurodéputée française Valérie Hayer sur X. «Une catastrophe absolue», affirmait une ministre française sous couvert d'anonymat à l'AFP.
«Jusqu'ici, il avait renvoyé l'image d'un gouvernement soudé, fort et efficace. Or cela vient brouiller ce message. Cela brouille l'image du retour de l'Allemagne sur la scène européenne», commente Claire Demesmay, chercheuse associée au Centre Marc Bloch de Berlin, dans un entretien avec l'AFP.
Comme il est d'usage en Allemagne, tout nouveau chancelier effectue sa première visite officielle à l'étranger en France, puis en Pologne.
Mardi soir, Friedrich Merz, qui ira aussi vendredi à Bruxelles, s'est qualifié sur la chaîne NTV de «chancelier très européen».
Espoirs
Paris nourrit de grands espoirs dans le président du parti démocrate-chrétien allemand, qui parle ouvertement de renforcer la souveraineté européenne, y compris militaire.
Le nouveau gouvernement allemand de coalition promet de «renforcer l'amitié» aussi bien entre l'Allemagne et la France qu'avec la Pologne, notamment dans le cadre du «Triangle de Weimar», ce forum de coopération trilatérale entre la France, l'Allemagne et la Pologne créé en 1991.
«La volonté d'échanger avec ces deux pays est clairement là», a noté dans un entretien avec l'AFP Martin Koopmann, directeur de la fondation Genshagen, basée près de Berlin et chargée de développer les relations entre ces trois pays.
Mais il souligne la nature compliquée des relations entre l'Allemagne et la Pologne qui, par ailleurs, n'est pas dans la zone euro contrairement à Paris et Berlin.
Le parti nationaliste Droit et Justice (PiS), actuellement dans l'opposition, continue de réclamer des réparations pour les dégâts et pertes de la Seconde Guerre mondiale à l'Allemagne.
A moins de deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle polonaise, le 18 mai, ce sujet est particulièrement sensible: pour le Premier ministre Donald Tusk, européen convaincu, il est délicat d'afficher une trop grande proximité avec le chancelier allemand.
M. Tusk s'est d'ailleurs contenté sur X d'un bref message de félicitations et d'un «see you tomorrow in Warsaw».
Sur les questions de défense et l'Ukraine, l'hostilité affichée par Donald Trump et son administration à l'égard de l'Europe et les doutes sur le soutien militaire américain ont fait bouger les lignes en Allemagne.
Divergences
Friedrich Merz est favorable à l'idée de placer son pays - dépendant jusqu'ici de la protection nucléaire américaine - sous le parapluie français et britannique. Ce qui constitue une césure énorme avec la tradition atlantiste germanique.
Il est aussi - prudemment - ouvert à l'idée de fournir des missiles longue portée Taurus à Kiev.
D'autres divergences traditionnelles entre ces trois pays ne devraient toutefois pas disparaître du jour au lendemain.
Berlin a certes assoupli en mars sa règle du «frein à l'endettement», qui limite la capacité d'emprunt du pays pour les dépenses militaires et pour les régions, mais elle n'est pas prête à donner son feu vert à des euro-obligations, promues par la France.
Sur le plan commercial, l'Allemagne, nation fortement exportatrice, devrait continuer à pousser à la signature d'accords de libre-échange, comme celui du Mercosur, tandis que la France, craignant une fronde agricole, y est défavorable.
«Sur le plan de la politique énergétique, les différences restent également très fortes entre les trois pays», note M. Koopmann, «même si la Pologne commence à se tourner vers les renouvelables et la France a fait quelques concessions sur le nucléaire».
Par Céline LE PRIOUX/AFP
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