L’Indice de perception de la corruption 2022 révèle une extension de la corruption au niveau global, 155 pays sur 180 ayant vu leur performance stagner ou empirer par rapport à 2021. Pour l’organisation, la lutte contre la corruption ne constitue pas la priorité des dirigeants, accaparés par les besoins de la relance économique. 

Source : Transparency International

Dans la plupart des pays du monde, la corruption continue de s’étendre dans l’impunité générale: c’est la leçon que tire l’ONG Transparency Internationale de l’Indice de perception de la corruption 2022, mis en ligne mardi. Publié annuellement par l’organisation, il classe 180 pays et territoires  selon la perception du niveau de corruption de leur secteur public sur une échelle de 0 (très corrompu) à 100 (peu corrompu).

Selon l’organisation, le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande occupent le palmarès des pays les plus transparents, tandis que le Soudan du Sud, le Venezuela et le Yémen sont considérés comme les pays les plus corrompus au monde.

Si la moyenne globale (43 sur 100) reste inchangée depuis une décennie, près des deux tiers des pays ont obtenu un score inférieur à 50 sur 100, tandis que 155 pays sur 180 ont vu leur performance stagner ou décliner par rapport à 2021. Des conclusions inquiétantes au niveau mondial, qui s’étendent même à des pays jugés jusque-là peu touchés par la corruption : le Royaume-Uni n’aurait ainsi jamais été autant touché par la corruption, passant de la 11e à la 18e place, tandis que le Canada, dont le score atteint 74 sur 100, a perdu dix points depuis 2012, lorsqu’il avait obtenu 84 points.

Au niveau de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), la moyenne régionale (38 sur 100) s’est détériorée en 2022 (AFP)

L’Europe occidentale continue de dominer le classement, avec un score moyen de 66 points et plusieurs pays comme la Suède, l’Allemagne ou les Pays-Bas sont dans le top 10 des pays les moins atteints par la corruption. Cependant, l’organisation note une stagnation, voire un déclin dans la lutte contre la corruption sur le continent européen, d’autant que le paysage se gâte du côté de l’Europe orientale : la Hongrie affiche un score de 42 sur 100, à égalité avec le Burkina Faso, tandis que l’Ukraine affiche une piètre 116e place sur 180.

Dans plusieurs régions du monde, les restrictions visant les libertés fondamentales et l’autoritarisme croissant des pouvoirs en place affaiblissent la capacité de la société civile à surveiller et dénoncer les affaires de corruption, selon l’organisation, qui pointe de même la tendance générale à favoriser la reprise économique au détriment de la lutte anti-corruption.

Face à ce constat, Transparency International a établi un lien causal entre l’incapacité des pouvoirs publics à combattre la corruption, et la détérioration sécuritaire que connait le monde depuis 15 ans. Elle a de même condamné les pays, bien classés dans l’Index, qui contribuent indirectement à l’extension de la corruption au niveau global en recevant de " l’argent sale " de l’étranger et en fermant les yeux sur l’enrichissement illégal des kleptocrates.

Corruption et conflits dans les États arabes 
Source : Transparency International

Au niveau de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), la moyenne régionale (38 sur 100) s’est détériorée en 2022, reflet du cercle vicieux dans lequel est plongée la région depuis plus d’une décennie : soulèvements populaires et conflits armés en réaction à un autoritarisme toujours aussi prévalent malgré les printemps arabes, fragilisation des institutions publiques et instabilité sécuritaire, qui nourrit infine la corruption politique.

Parmi les pays arabes, les Émirats Arabes Unis et le Qatar ont obtenu les meilleurs scores, tandis que la Libye, la Syrie et le Yémen, englués dans une guerre civile meurtrière, occupent les trois dernières places. Les performances des pays du Golfe, qui occupent le haut du palmarès arabe, sont en déclin par rapport à 2021, en raison de " l’intensification de la répression sur l’espace public et l’hyper-nationalisme promu par les autorités ".

Transparency International a cependant noté les efforts des Émirats Arabes Unis pour améliorer l’efficacité des administrations publiques, ainsi que ceux du Qatar pour combattre la petite corruption.

La Jordanie, le Liban et la Tunisie ont été classés comme " pays à surveiller " dans l’Index, en raison de la répression exercée contre la société civile, l’affaiblissement des organes de régulation et une instabilité sociale de plus en plus inquiétante dans ces trois pays.

Pour l’organisation, la région MENA, considérée comme la " moins paisible du monde " par le Global Peace Index, constitue un exemple d’école de la relation causale entre corruption et violence politique. Des systèmes économiques et politiques basés sur le favoritisme (" wasta ") et le pot-de-vin, une stratification sociale croissante et un mécontentement populaire latent sont désignés comme les principaux facteurs faisant de la région MENA l’une des plus corrompues au monde. L’ONG a de même critiqué le manque de transparence des budgets nationaux ainsi que dans la gestion des ressources naturelles, ce qui ouvre la voie à la capture de l’État par une élite dispensée de reddition des comptes.

Des tendances qui confirment les résultats du Baromètre de l’opinion arabe 2022, qui révélait la profondeur de la méfiance des citoyens arabes envers les institutions : 73% des sondés y affirment que la corruption est endémique dans leurs pays, tandis que 63% d’entre eux estiment que l’État ne traite pas les citoyens de manière égale.