La Russie célébrait jeudi les 80 ans de la victoire soviétique dans la bataille de Stalingrad, symbole du patriotisme prôné avec une force redoublée par Vladimir Poutine. Le Kremlin multiplie, en effet, les rappels au glorieux passé militaire de l’URSS afin de justifier son invasion de l’Ukraine. Une guerre contre " les nouveaux nazis " selon ses dires. Une façon de gagner le soutien des Russes en flattant leur sensible fibre nationaliste.

Les Russes célébraient jeudi les 80 ans de la victoire de la bataille de Stalingrad, tournant majeur de la Seconde Guerre mondiale, en pleine offensive en Ukraine. Vladimir Poutine s’efforce depuis un an de présenter son invasion de l’Ukraine comme l’équivalent du combat de l’URSS contre le nazisme.

Les autorités russes n’ont pas hésité à inaugurer, la veille, une statue de Staline, fait rare dans un pays où le culte du dictateur a presque disparu depuis la politique de déstalinisation des années cinquante.

Les célébrations interviennent au moment où des combats acharnés opposent les forces russes aux soldats ukrainiens dans l’ex-République soviétique, théâtre depuis près d’un an d’une offensive russe déclenchée selon le Kremlin pour " démilitariser " et " dénazifier " ce pays voisin.

Un buste de Staline a été inauguré mercredi à Volgograd, aux côtés de ceux de deux chefs militaires célèbres pour leur rôle dans la bataille Stalingrad, Gueorgui Joukov et Alexandre Vassilievski.

Considérée comme l’une des plus sanglantes de l’Histoire, avec environ deux millions de morts au total dans les deux camps, la bataille de Stalingrad (1942-1943) a changé le cours du conflit en Union soviétique, démoralisée jusque-là par plusieurs défaites cuisantes.

Elle est toujours glorifiée par la Russie, qui revendique l’héritage de l’Union soviétique, comme l’événement qui sauva l’Europe du nazisme.

La victoire dans cette bataille prend une importance symbolique accrue à l’approche du premier anniversaire du déclenchement le 24 février 2022 de l’opération russe en Ukraine, où Moscou intensifie ses actions après la prise récente de Soledar, une bourgade de l’est ukrainien, un premier succès pour les forces russes depuis de longs mois et une série de revers.

La bataille de Stalingrad a fait près de deux millions de morts dans les deux camps, russe et celui de l’Axe formé essentiellement d’Allemands.

Le président russe Vladimir Poutine lui-même n’hésite pas à dresser un parallèle entre la résistance contre Hitler et l’offensive en Ukraine.

" Oublier les leçons de l’Histoire conduit à la répétition de terribles tragédies. La preuve en est les crimes contre les civils, le nettoyage ethnique (et) les actions punitives organisées par les néonazis en Ukraine ", a-t-il ainsi affirmé vendredi dernier, à l’occasion de la journée internationale des victimes de l’Holocauste.

Ces déclarations ont suscité de vives réactions, la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna les ayant qualifiées de " consternantes " et " choquantes ", le jour des commémorations de l’Holocauste.

Restalinisation?

A Volgograd, ex-Stalingrad, ville d’un million d’habitants sur les rives de la Volga, mercredi et jeudi ont été déclarés journées non travaillées.

Mercredi, à la veille du 80e anniversaire de la victoire à Stalingrad, un buste de Staline a été inauguré à Volgograd, aux côtés de ceux de deux chefs militaires célèbres pour leur rôle dans cette bataille, Gueorgui Joukov et Alexandre Vassilievski.

Les autorités russes ont depuis la chute de l’URSS une position ambivalente à l’égard de Staline: officiellement dénoncé pour la Terreur d’État qu’il a orchestrée dans les années 1930 et jusqu’à sa mort en 1953, il est toujours enterré devant le Kremlin, sur la place Rouge.

Son nom est toujours révéré par de nombreux Russes qui mettent en avant son rôle dans la défaite de l’Allemagne nazie face à l’URSS.

Jeudi, des fleurs et des gerbes inondaient dès le matin le Mamaïev Kourgan, une colline stratégique qui fut l’objet de terribles combats et reste depuis des décennies un lieu de pèlerinage pour les Russes souhaitant rendre hommage aux exploits de l’armée soviétique.

La célèbre fontaine dite de la " danse des enfants " au milieu des destructions à Stalingrad.

La bataille de Stalingrad, déclenchée en juillet 1942, a duré 200 jours et nuits. La ville, transformée en champ de ruines, a été le théâtre de bombardements aériens allemands dévastateurs et de combats de rue d’une violence extrême.

Le 2 février 1943, les troupes du maréchal allemand Friedrich von Paulus capitulent, encerclées par l’Armée rouge, cette reddition étant la première de l’armée nazie depuis le début de la guerre.

Entièrement reconstruite sur ordre des autorités soviétiques, Stalingrad a été rebaptisée Volgograd en 1961, huit ans après la mort de Joseph Staline, en pleine politique de déstalinisation lancée par Nikita Khrouchtchev. Le leader soviétique avait, dès 1956, dénoncé, dans le " discours secret " lors du XXe congrès du Parti, les politiques répressives de Staline et enclenché un assouplissement de l’appareil coercitif en URSS.

Nikita Khrouchtchev prononçant son " discours secret " lors du XXe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) le 14 février 1956, point de départ de la politique déstalinisation.

Depuis 2013, selon une décision des élus locaux, la ville " se rebaptise " en Stalingrad six fois par an, notamment le 2 février pour l’anniversaire de la victoire de Stalingrad et le 9 mai, date à laquelle la Russie célèbre la victoire sur l’Allemagne nazie.

Georges F. Haddad, avec AFP